Le Festin de pierre de Villiers

Table des matières

Le Festin de pierre ou le Fils criminel, tragi-comédie, traduite de l’italien en français, par le sieur de Villliers, Paris, Sercy, 1660.

Personnages

DOM ALVAROS, père de DOM Juan.
DOM JUAN.
DOM PHILIPPE, amant d’Amarille.
AMARILLE.
LUCIE, servante d’Amarille.
DOM PIERRE, père d’Amarille.
LE PRÉVÔT.
1er ARCHER.
2ème ARCHER.
UN PÈLERIN.
ORIANE, bergère.
BÉLINDE, bergère.
PHILÉMON, paysan.
MACETTE, femme de Philémon.
LE MARIÉ.
LA MARIÉE.
L’OMBRE DE DOM PIERRE.
PHILIPIN, valet de Dom Juan.
VALETS DE DOM PIERRE.

Cette comédie, qui plagie Le Festin de pierre de Dorimond, présente par conséquent plusieurs points de rencontre avec Don Juan ou le Festin de pierre de Molière :

 

c’est qu’il est jeune encore
ne l’ai-je pas bien tué ?
nayez tous deux
cette bourrasque imprévue
d’où sort cette autre paysanne
à Charlotte…à Mathurine
je veux que Sganarelle se revête de mes habits
je suis un pauvre homme
tu fuis quand on m’attaque
déguiser mon nom
demande-lui s’il veut venir souper
la statue baisse la tête
voilà Monsieur votre père
le chagrin et le supplice de cette vie
mériter si peu de votre naissance
le courroux du ciel
qu’on lui donne du vin
je vous invite à venir demain souper avec moi
je ne puis m’empêcher de parler
donnez-moi la main

 

 

ou

LE FILS CRIMINEL

Tragi-comédie

Traduite de l’italien en français par Le Sieur de VILLIERS

A PARIS,

Chez CHARLES DE SERCY,

M. DC. LX.

Avec Privilège du Roi

 

 

La scène est à Séville et dans quelques lieux fort proches de la ville.

 

ACTE I

 

Scène 1

 

AMARILLE, LUCIE.

 

AMARILLE

Vraiment, vous tardez bien à me venir trouver !

 

LUCIE

Dom Philippe, Madame…

 

AMARILLE

Eh bien ?

 

LUCIE

Vient d’arriver.

 

AMARILLE

Ah ! ne me surprends point par une fausse joie.

 

LUCIE

Il marche sur mes pas, et de plus, il m’envoie…

 

AMARILLE

Comment ! il t’a parlé ?

 

LUCIE

Si bien que vous verrez
Si je suis véritable, et si vous me croirez.
Il m’a dit qu’il ne peut supporter votre absence,
Qu’il a quitté Madrid avec diligence,
Que de voir sa maîtresse il veut avoir l’honneur,
Avant que de parler à notre gouverneur.

 

AMARILLE

Lucie, une sueur me couvre le visage,
Qui, si je ne me trompe, est de mauvais présage.

 

LUCIE

Madame, laissez là la superstition,
Et songez seulement à la réception
Que vous lui devez faire ; après tout, il me semble
Que vous vous préparez fort mal…

 

AMARILLE

Hélas ! je tremble,
Je suis toute interdite, et je ne sais comment
Je pourrai, sans rougir, l’aborder seulement.

 

LUCIE

Comment ? Quitter la cour, venir à toute bride,
Ne prendre que l’amour pour escorte et pour guide,
À vous voir seulement borner tous ses plaisirs,
Et vous lui répondrez de pleurs et de soupirs !

 

AMARILLE

Pour te dire le vrai, ton début m’a surprise,
Lucie ; attends un peu que je me sois remise :
Quand je me ressouviens, quoiqu’il fut éloigné,
Que dans sa passion il n’a rien épargné,
Et que par tant de soins, et tant de bons offices,
Il m’a forcée enfin d’agréer ses services,
Qu’il a tout méprisé pour se donner à moi,
Je me sens obligée à lui donner ma foi :
Mais mon père a pour lui quelque froideur secrète.

 

LUCIE

Je m’en vais, s’il vous plaît, être son Interprète.
C’est que dans l’Entreprise, où tous les révoltés
Attaquaient cet Etat presque de tous côtés,
Où Dom Philippe fit des actions si belles,
Quand d’un bras indomptable il chassa les rebelles,
Qu’au retour du combat, ce vainqueur généreux
Pour la première fois vous présenta ses voeux,
Qu’en présence de tous on lui donna la gloire
D’avoir contribué lui seul à la victoire ;
Votre père en conçut dans le coeur un dépit,
Présumant que par là s’abaissait son crédit.
Je l’ai su par adresse, et que porté d’envie
Il ne l’a pu depuis revoir sans jalousie.

 

AMARILLE

Hélas ! depuis ce temps nous ne l’avions pas vu ;
Mais étant ce qu’il est, le gouverneur a cru
Qu’il ne lui pouvait pas ravir sans injustice
L’honneur que méritait cet important service
Mais il ne peut aussi ravir, sans être ingrat,
La gloire que mon père acquit en ce combat,
Et qu’en la faction entièrement détruite
Il doit tout à son bras ainsi qu’à sa conduite.
Mais il tarde beaucoup !

 

LUCIE

Comment ! le coeur vous bat !

 

AMARILLE

Il ne rendit jamais un si rude combat
Et s’il n’est secouru…

 

LUCIE

N’en soyez plus en peine,
Il vient, que votre esprit ne soit plus à la gêne ;
Car nous voyons assez que ce coeur innocent
Ne saurait plus cacher l’aise qu’il en ressent.

 

AMARILLE

Hélas ! parle pour moi.

 

LUCIE

Vous êtes admirable !
Si j’étais à ses yeux autant que vous aimable,
Ne vous en pensez pas moquer, je sais fort bien
Qu’il ne s’ennuierait pas dedans mon entretien.

 

Scène 2

 

DOM PHILIPPE, AMARILLE, LUCIE

 

DOM PHILIPPE

Adorable beauté pour qui mon coeur soupire,
Incomparable objet dont j’adore l’empire,
Beaux yeux, mes seuls vainqueurs, dont les regards puissants
Ont captivé mon âme, et ravi tous mes sens,
Ouvrage le plus beau qu’ait produit la Nature,
Tiendrez-vous plus longtemps mon âme à la torture ?
N’aurez-vous point pitié de voir à vos genoux
Un amant si fidèle, et qui se meurt pour vous ?
J’ai cent fois imploré le secours de la Parque,
J’ai de mon désespoir donné plus d’une marque,
Et loin de m’affranchir de tant de maux soufferts,
Je redouble ma chaîne, et resserre mes fers :
N’avez-vous point encore assez de connaissance
De mes soumissions ? de ma persévérance ?
Mes soins et mes respects vous sont-ils inconnus ?

 

AMARILLE

Ah ! Dom Philippe, au point qu’éclatent vos vertus,
Que vous avez grand tort d’accuser d’injustice
Un coeur reconnaissant, et qui hait l’artifice !
Vos services m’ont plu, je ne le puis cacher,
Et sans qu’il faille ici davantage en parler,
Je les sais, je les crois, j’ai pour eux de l’estime,
Ils sont exempts de feinte, ils sont exempts de crime ;
Celui qui me les rend les grave dans mon coeur ;
Par eux il s’est acquis le nom de mon vainqueur,
Ce coeur reconnaissant lui dit bien qu’il espère ;
Mais enfin je suis fille, et je dépends d’un père.

 

DOM PHILIPPE

Ah ! père trop cruel ! tyrannique pouvoir,
Qui va bientôt réduire une âme au désespoir.
Eh quoi! par une loi si dure et si barbare,
Faudra-t-il qu’une Amour si constante et si rare…

 

AMARILLE

Arrêtez-vous, de grâce, épargnez un discours
Qui n’a rien, de commun avec vos amours :
Vous m’outragez sans doute, et vous feriez un crime
De cette passion que je crois légitime :
Réfléchissez un peu sur ces prompts mouvements,
Vous travaillez fort mal à vos contentements,
Et vous obscurcissez par cette violence…

 

DOM PHILIPPE

Eh bien donc ! je m’impose un éternel silence,
Madame, et je suis prêt de brûler, de souffrir,
Que dis-je de brûler ? je suis prêt à mourir.
Oui, je mourrai plutôt qu’un insolent murmure
Choque ce que l’on doit aux lois de la Nature ;
Et plutôt qu’irriter un chef-d’oeuvre si beau,
À vos pieds maintenant je ferai mon tombeau.

 

AMARILLE

Ah ! ne triomphez pas ici de ma faiblesse,
Mourir ! ce mot me choque, et bien plus, il me blesse.
Je vous aime, et mon coeur, prêt à vous secourir,
Vous défend de jamais me parler de mourir.
Cet aveu dit assez que mon âme ingénue,
En choquant mon devoir, se montre toute nue,
Et qu’enfin, mon amour veut exiger de moi
En faveur de Philippe une sincère foi,
Et lui jurer que rien désormais n’est capable
De lui faire changer le titre d’immuable.

 

DOM PHILIPPE

Merveille des beautés, divin charme des yeux,
Que ces mots sont touchants ! que j’en suis glorieux !
Mais parmi tant de biens, que ma peine est extrême!
Je sais, pour m’affliger, qu’un Dom Juan vous aime,
Qu’il dit que vous l’aimez, qu’il a la vanité
D’assurer en tous lieux qu’il en est écouté,
Que vous prêtez l’oreille à ses discours infâmes :
Et que vous approuvez et ses soins, et ses flammes :
Mais si vous permettez que je lui fasse voir
Comme il doit, l’insolent, rentrer dans son devoir,
Quel qu’il puisse être enfin, je lui ferai connaître
Que ce discours ne part que d’un lâche et d’un traître.

 

AMARILLE

Sans passion, de grâce, il n’est pas de besoin,
Ni de vous emporter, ni de prendre ce soin.
Quoi qu’il puisse arriver, je vous serai fidèle.
Tous les tourments offerts, la mort la plus cruelle
Ne détourneraient pas un si juste dessein.
À vous seul je réserve et mon coeur et ma main,
Je puis, sans m’offenser, avoir cette pensée,
Et ma vertu par là ne peut être blessée.

 

DOM PHILIPPE

Ah, divine Amarille ! arrêtez-vous un peu :
Par ces mots si charmants vous augmentez mon feu ;
Et rien dorénavant ne peut être capable
D’altérer une amour qui n’a point de semblable.
Sur cette vérité puis-je espérer ce soir,
Pour vous la confirmer, le bonheur de vous voir ?
Si j’obtiens cette grâce à nulle autre seconde,
Amarille, je suis le plus heureux du monde.

 

AMARILLE

Aussitôt que le jour fera place à la nuit,
Venez assurément sans escorte, et sans bruit,
Je vous entretiendrai dessous cette fenêtre.

 

Scène 3

 

DOM JUAN, DOM PHILIPPE, AMARILLE.

 

DOM JUAN

Je vous y préviendrai, pour vous faire connaître
Qu’un amant méprisé méprise le danger,
Quand son jaloux dépit l’oblige à se venger.

 

DOM PHILIPPE

J’attends ces doux moments avec impatience,
Pour montrer qu’il n’est rien d’égal à ma constance.

 

AMARILLE

Et pour montrer la mienne, adieu, soyez certain
Qu’à vous seul je réserve et mon coeur et ma main.

 

DOM PHILIPPE

Ah, que vous me livrez de sensibles atteintes !
Il faut, belle Amarille, il faut bannir les craintes,
Votre foi m’en assure ; et vivre sous vos lois,
C’est être plus heureux que commander aux rois.

 

DOM JUAN, seul.

Ne te réjouis point d’une telle promesse,
Tu ne possèdes pas encore ta maîtresse,
Et quoique mon amour ne soit pas violent,
Que je ne veuille ici passer que pour galant,
Je te veux faire voir dedans cette poursuite
Que je ne manque pas d’adresse et de conduite :
Je sais feindre des maux, et d’un ton innocent,
Je fais l’extasié, je fais le languissant ;
Je fais adroitement mes approches, j’assiège,
Je fais donner ainsi la beauté dans le piège :
Je jure que je suis plein de fidélité,
J’atteste tous les dieux sur cette vérité ;
Je lui dis que ses yeux ont fait naître en mon âme
Des désirs tous brûlants, des transports tous de flamme,
Et qu’au piteux état où me réduit l’amour,
Il faut me secourir ou me ravir le jour.
C’est de cette façon, c’est dessous cette feinte
Qu’on voit enfin l’amour l’emporter sur la crainte :
Amarille, c’est là que votre passion
Ne pourra l’emporter sur ma précaution,
Et que je réduirai vos projets en fumée.
Aimez, aimez Philippe, et soyez-en aimée ;
Je vais vous prévenir, et dans la fin du jour
Vous verrez si je sais contenter mon amour.
J’entends quelqu’un, sortons.

 

Scène 4

 

DOM ALVAROS, PHILIPIN

 

DOM ALVAROS

Ah, malheur déplorable !
Père trop malheureux d’un enfant exécrable !
De quels yeux maintenant oserai-je plus voir
Un fils qui foule aux pieds l’honneur et le devoir ?
Qui n’a qu’impiété et que fureurs dans l’âme,
Qui va porter partout et le fer et la flamme,
Et qui, sans respecter le sexe ni le rang,
Tue, enlève, assassine, et s’abreuve de sang ?
Honneur que j’emportais dedans la sépulture,
Fallait-il qu’un prodige horrible en la Nature
Par des crimes si grands eut bien osé ternir
Un renom éclatant qui n’aurait pu finir ?
Hélas ! que me sert-il d’avoir porté ma gloire
Aux oreilles des rois et jusque dans l’Histoire,
Si celui qui devait l’accroître et l’éclaircir
L’efface d’un seul trait et s’en va l’obscurcir ?
Las ! il n’est que trop vrai que les vertus des pères
Ne sont pas aux enfants des biens héréditaires,
Et que le soin qu’on prend à les bien élever
Souvent les précipite au lieu de les sauver.
Après ceux que j’ai pris, grands Dieux ! faites le reste,
Détournez un malheur si grand et si funeste
Ou si vous le voulez punir de ses forfaits,
Dieux ! accordez la mort à mes justes souhaits.

 

PHILIPIN

Monsieur, un tel souhait n’est pas fort raisonnable ;
Si Madame la Mort au coeur impitoyable
Se présentait à vous avec son nez camus,
Vous en appelleriez, ma foi, comme d’abus.
Mais voulez-vous m’entendre et voulez vous me croire ?
Puisqu’il n’a point de soin d’avoir place en l’Histoire,
Il faut présentement, et sans plus consulter,
Ne lui donner plus rien et le déshériter ;
Et s’il ne devient point par là plus raisonnable,
Il faudra le maudire et l’envoyer au Diable.

 

DOM ALVAROS

Taisez-vous, Philipin, vos importuns discours
Ne sont pas de saison.

 

PHILIPIN

Non, mais aussi toujours…

 

DOM ALVAROS

Juste Ciel ! justes Dieux ! détournez la tempête,
Sauvez mon fils du coup qui menace sa tête
Ou si votre bonté ne veut le secourir,
Accordez à mes voeux la grâce de mourir.

 

PHILIPIN

Sans les importuner de vos cris lamentables,
Vaut-il pas mieux qu’il soit à tous les mille diables ?

 

DOM ALVAROS

Une seconde fois, taisez-vous, Philipin.

 

PHILIPIN

Car pour vous dire vrai, c’est un maître Gonin,
Qui n’a point de repos, qui furète sans cesse,
Qui fait le langoureux auprès d’une maîtresse,
Et qui, sur un refus ou le moindre détour,
Ou de force ou de gré contente son amour.

 

DOM ALVAROS

C’est ce qui m’épouvante et c’est ce qui me tue.

 

PHILIPIN

Il n’a pas plutôt dit que le drôle effectue.

 

DOM ALVAROS

C’est par là que je perds le sens et la raison.

 

PHILIPIN

C’est par là que mes maux sont sans comparaison,
Car pendant sa folie et tout ce badinage,
Je ne bois ni ne mange, et c’est de quoi j’enrage.

Le voici.

 

DOM ALVAROS

Prends pitié d’un père malheureux,
Ciel, et touche son coeur, en exauçant mes voeux.

 

Scène 5

 

DOM JUAN, DOM ALVAROS, PHILIPIN.

 

DOM JUAN

Quoi, mon père est ici ! que je suis misérable !
Il s’en va me conter sans doute quelque fable.
Mais s’il nous fait encore des discours ennuyeux,
Sortons, et sans réplique abandonnons ces lieux.

 

DOM ALVAROS

Dom Juan, aujourd’hui le sang et la nature,
Joints à l’affection sincère et toute pure
Que je vous porte encore, veut que vous écoutiez
De solides conseils, que vous en profitiez,
Et que, ne foulant pas aux pieds mes remontrances,
Vous imploriez des dieux les hautes assistances.
Que si vous ne songez, ingrat, à les fléchir,
Votre abîme est ouvert, vous n’y sauriez gauchir.
Regardez sous vos pas un gouffre épouvantable
Prêt à vous engloutir au lit comme à la table.
Pour vous en retirer je vous prête la main ;
Travaillez, travaillez, sans attendre à demain.
Ne fermez pas l’oreille aux avis d’un bon père,
Servez-vous des conseils que le Ciel lui suggère.
Reprenez, reprenez de meilleurs sentiments,
Étouffez pour jamais ces brutaux mouvements.
Je sais qu’il est des temps où la chaleur de l’âge
À quelques libertés peut porter un courage,
Mais que dans celui dont vous touchez la saison,
Vous perdiez lâchement le sens et la raison,
C’est ce qui, sans mentir, me surprend et m’afflige.
Voyez les sentiments à quoi l’amour m’oblige ;
Ôtez de votre esprit ces lâches passions
Qui ternissent l’éclat des belles actions.

 

DOM JUAN

Si les miennes étaient sujettes à l’envie,
Vous prendriez moins de soins à censurer ma vie,
Vous songeriez ailleurs et n’outrageriez point
Un fils que vos discours choquent au dernier point,
Et qui n’entreprend rien que l’âge n’autorise.

 

DOM ALVAROS

Ce propos insolent a mon âme surprise :
Quoi ! l’âge t’autorise en tes lâches desseins ?
Que je plains ta manie ! hélas, que je la crains !
Esprit pernicieux, sont-ce là tes pensées ?
Des filles de maison surprises et forcées,
Mettre crime sur crime en un même moment,
L’âge te le peut-il permettre impunément ?
L’âge autorise-t-il des forfaits si damnables ?

 

PHILIPIN

Il dit qu’il en a vu bien d’autres dans les fables.

 

DOM ALVAROS

Tu crois que l’on t’estime et qu’on nomme valeur
D’être ainsi redoutable à tous les gens d’honneur ?
Mais viença, sais tu bien jusqu’où va cette estime ?
À t’appeler impie, à détester ton crime,
Comme le plus horrible et le plus odieux
Qui fut jamais commis à la face des dieux.
Sans exercer ici ta fureur et ta rage,
Va dans l’occasion signaler ton courage,
C’est là qu’il faut montrer tes inclinations,
C’est là qu’il faut borner toutes tes passions :
Qu’il faut surprendre un fort et forcer des murailles,
Non pas perdre le temps à livrer des batailles
À des coeurs innocents qui n’aiment que la paix
Et qui tremblent sans cesse au bruit de tes forfaits.

 

DOM JUAN

Souffrirai je longtemps toutes vos rêveries ?
De sinistres effets elles seront suivies,
Si vous portez plus loin vos importunités.
Ah, Dieux ! que la vieillesse a d’incommodités !
De grâce, finissez ces importuns reproches,
Je sens d’une fureur les secrètes approches,
Qui pourraient…

 

DOM ALVAROS

À ton père, esprit pernicieux !
Tu ne peux éviter la colère des dieux,
Leur justice…

 

DOM JUAN

Le feu de mes jeunes années
Ne peut souffrir encor mes passions bornées ;
Il ne saurait donner de règle à mes désirs
Et je ne prescris point de borne à mes plaisirs.
Je ne vous connais plus, ni ne vous veux connaître,
Je ne veux plus souffrir de père ni de maître,
Et si les dieux voulaient m’imposer une loi,
Je ne voudrais ni dieux, père, maître, ni roi.

 

DOM ALVAROS

Qu’ai-je plus à tenter sur cette âme insensée,
Dont le crime aujourd’hui fait toute la pensée ?
Grands Dieux ! voyez ma peine, et ne permettez pas
Qu’il tombe où le Démon précipite ses pas.
Ah, mon fils ! par l’amour, par la bonté d’un père
Pendant à tes genoux, et qui se désespère,
Par le généreux sang de tes nobles aïeux,
Par le sacré respect que nous devons aux dieux,
Par mes sensibles maux, par ma douleur amère,
Permets que je respire et permets que j’espère,
Décille-toi les yeux et n’abandonne pas
Trop inhumainement ton vieux père au trépas.
Si toujours ma tendresse excita ta colère,
Si ta main d’un soufflet a fait rougir ton père,
Et si ton coeur ne veut cesser d’être inhumain,
Et si tu l’aimes mieux, tiens, je t’ouvre mon sein :
Frappe, frappe, cruel, et plonges-y tes armes,
Un père t’en conjure avec l’eau de ses larmes

 

DOM JUAN

Ecoutez en deux mots ma résolution :
Mon âme condamnée aux peines d’Ixion,
Souffrir tous les tourments de l’altérée Tantale,
Et épuiser moi seul la justice infernale,
Lasser tous ses bourreaux dessus moi tour à tour,
M’exposer cent mille ans au dévorant Vautour,
Tout cela dans mon coeur n’imprime aucune crainte ;
Et si d’un repentir mon âme était atteinte…

 

DOM ALVAROS

Justes Dieux, épargnez à ce fils criminel,
À ma prière ardente, un supplice éternel.

 

DOM JUAN

Allez les invoquer, c’est ce que je désire.

 

DOM ALVAROS

Mon sort est malheureux, mais le tien sera pire.

 

DOM JUAN

Que le sort soit prospère, ou qu’il soit ennuyeux,
Je suis mon roi, mon maître et mon sort et mes dieux.

 

PHILIPIN

Monsieur.

 

DOM JUAN

Que me veux tu ?

 

PHILIPIN

Deux petits mots, de grâce.

 

DOM JUAN

Parle.

 

PHILIPIN

Dites un peu ce qu’il faut que je fasse ;
Si je vous entends bien, vous renoncez à tout,
Dieux, Diables, Hommes, Cieux, de l’un à l’autre bout ;
Et si ces Messieurs là vous renoncent de même,
Où diable aller souper ?

 

DOM JUAN, en lui donnant un coup de pied.

Ô l’insolence extrême !

 

PHILIPIN

Ayez pitié de moi, Monsieur, car je suis mort ;
Je veux qu’il soit pendu, mais en dernier ressort. (En aparté)

 

DOM ALVAROS

Ah ! le Ciel punira ton extrême insolence.

 

DOM JUAN

Mais retenez la vôtre.

 

DOM ALVAROS

Ah, Ciel ! prends ma défense,
Et ne lui permets pas…

 

DOM JUAN, lui donnant un coup de poing.

Vos cris sont superflus,
Allez, retirez vous.

 

DOM ALVAROS.

Hélas ! je n’en puis plus.

 

DOM JUAN

Suis-moi.

 

PHILIPIN.

Pauvre valet, à quelles aventures,
Gourmades, coups de pieds, coups de bâtons, injures…

 

DOM JUAN.

Quoi ?

 

PHILIPIN.

Rien du tout ; allons, il me rouerait de coups.

 

DOM ALVAROS, seul.

Trop pitoyable Ciel, c’est maintenant à vous,
Oui, Dieux, c’est maintenant à vous que je m’adresse,
Considérez mes pleurs, regardez ma tristesse,
Et si vous n’êtes pas sans armes, et sans yeux,
Punissez l’attentat de ce monstre odieux.
Quoi ! vous voyez un fils avec tant d’insolence
Contre son père user de tant de violence ?
Quoi ! vous voyez ici des coupables mortels
Avec impiété renverser vos autels,
Et vos bras sont oisifs, et retiennent la foudre
Qui dût avoir déjà réduit ce monstre en poudre !
Mais où m’emporte ici l’excès de la douleur ?
Hélas ! je suis aveugle en un si grand malheur ;
Faites plutôt, grands Dieux ! qu’il conçoive l’envie
De quitter pour jamais sa détestable vie ;
Ou si votre bonté n’écoute pas ma voix,
Il ne faut plus languir, la mort seule est mon choix,
Oui, plutôt que de voir les maux que j’appréhende,
Dieux, donnez-moi la mort que mon coeur vous demande.

 

ACTE II.

 

Scène 1

 

Dans l’entracte, Dom Juan passe dans un balcon, et laisse Philipin en sentinelle.

 

PHILIPIN, seul

Je voudrais bien savoir que veut dire cela ?

 

Scène 2

 

AMARILLE, DOM PÈDRE, DOM JUAN, PHILIPIN, VALETS.

 

AMARILLE

À la force, au secours, on m’enlève ! on me tue !

 

PHILIPIN

Il ne faut pas ici faire le pied de grue ;
Dénichons vitement.

 

DOM PÈDRE

Quel désordre est ceci ?
Effronté ravisseur, que viens-tu faire ici ?
Jusques entre mes bras venir ravir ma fille !
S’attaquer à l’honneur d’une illustre famille !
Il faut mourir… Ah, Ciel ! mon unique recours.

 

DOM JUAN, lui portant un coup d’épée.

Appelle maintenant le Ciel à ton secours,
Voilà ce que mérite un insolent langage.

 

DOM PÈDRE

À moi, je suis blessé.

 

AMARILLE, aux valets.

Poursuivez-le, courage !

 

DOM JUAN

Insolents, le premier qui s’avance d’un pas,
Qui branle seulement, je l’envoie au trépas.

 

AMARILLE

Canailles, vous fuyez, vous épargnez un traître,
Alors qu’il faut venger la mort d’un si bon maître.

 

DOM PÈDRE

Ma fille, je me meurs, adieu, souvenez-vous
Que Dom Philippe doit être un jour votre époux :
J’avais pour cet hymen un peu de répugnance ;
C’était, je le confesse, avec peu d’apparence,
Mais vous en étiez cause, à présent dites lui
Que je le reconnais pour mon gendre aujourd’hui,
Comme tel qu’il se doit venger en sa colère
De l’affront de la fille, et de la mort du père ;
Et pour vous acquitter d’un si juste devoir,
Montrez ce que sur lui vous avez de pouvoir,
Adieu, je n’en puis plus, c’en est fait, et j’expire.

 

AMARILLE

Commandement funeste ! ah, trop cruel martyre !
Mon père, mon cher père, ah ! de grâce, écoutez.
Au secours, ah ! j’appelle en vain de tous côtés ;
Il ne respire plus, sa belle âme est partie,
Ciel, donnez à la mienne une même sortie,
C’est mon sang qui s’écoule, et qui se perd ici,
Et si mon père meurt, je veux mourir aussi.
Justes Dieux, à quel sort m’avez-vous réservée ?
J’évite le malheur de me voir enlevée,
Mais un plus grand cent fois me fait au même pas
Perdre un père si bon, qui meurt entre mes bras ;
Mais les pleurs à nos maux donnent-ils allégeance ?
Non, non, séchons nos yeux, courons à la vengeance ;
Puisqu’un père mourant nous le commande ainsi,
Plutôt qu’en ce dessein, mon coeur n’ait réussi,
Perçons-le, et faisons voir par un effet visible
À quel point cette mort nous doit être sensible :
Mais je n’aperçois pas que je perds du temps ici,
Tandis qu’il faut chercher…

 

Scène 3

 

DOM PHILIPPE, AMARILLE.

 

DOM PHILIPPE

Quel désordre est ceci ?
Amarille, d’où vient la douleur apparente…

 

AMARILLE

Mon père est mort, voyez Amarille mourante.

 

DOM PHILIPPE

Amarille, mon âme ! ah ! je comprends assez
Combien en ce malheur mes voeux sont traversés ;
Mais nommez moi l’auteur d’un coup si plein de rage
Et quel est le démon qui fait tout ce ravage.

 

AMARILLE

Hélas ! c’est Dom Juan.

 

DOM PHILIPPE

Dom Juan ! l’inhumain !
Quoi qu’il fasse, il ne peut se sauver de ma main ;
Non, je le poursuivrai jusques dans les abîmes,
Je ne crois point d’asile au monde pour ses crimes ;
Quelque part qu’il se cache, il ne peut éviter
La mort que dans le sein mon bras va lui porter.

 

AMARILLE

Mais le connaissez vous ?

 

DOM PHILIPPE

J’ai si peu vu ce traître,
Que j’aurai, sans mentir, peine à le reconnaître ;
Mais avec tant de soins je m’en informerai,
Qu’au bruit de ses forfaits je le découvrirai.

 

AMARILLE

Il ne peut être loin, on le joindra sans doute,
Si nous mettons bientôt le prévôt sur sa route.

 

DOM PHILIPPE

Sa taille ?

 

AMARILLE

Belle, et riche.

 

DOM PHILIPPE

Son air ?

 

AMARILLE

Audacieux.

 

DOM PHILIPPE

Et son poil ?

 

AMARILLE

Assez blond.

 

DOM PHILIPPE

Et son port ?

 

AMARILLE

Glorieux ;
Mais au reste, un infâme, un brutal.

 

DOM PHILIPPE

Amarille,
Il faut faire fermer les portes de la ville ;
Mais comment s’est donc fait un coup si malheureux ?

 

AMARILLE

Qu’un moment coûte cher souvent aux amoureux !

 

Scène 4

 

 

PHILIPIN, sortant d’où il s’était caché.

Les tueurs sont partis, sortons de ma cachette ;
Je suis presque aveuglé de faire l’échauguette,
Pour voir ce que ferait ce malheureux causeur :
Larron pris sur le fait n’eut jamais tant de peur :
Je crois que le meilleur serait d’aller bien vite
Chercher… Ce n’est pas moi, Messieurs, je cherche gîte :
Ah ! par la teste bleu je pensais être pris ;
Si je tombe au pouvoir de ces malins esprits,
Qui vont rodant de nuit, tout de bon, que dirai-je ?
Je suis un pauvre hère attrapé dans le piège,
Qui sert le plus méchant, le plus capricieux
Qu’on puisse voir dessous la calotte des cieux.
Un qui commet partout des crimes effroyables,
Qui se moque de tout, ne craint ni dieux ni diables,
Qui tue et qui viole ; au reste, homme de bien ;
Malepeste, nenni, cela ne vaudrait rien.
Qui va là ? Philipin. Çà la bourse, demeure ;
Je n’en portais jamais, ni d’argent, ou je meure :
Quelqu’un vient, je suis pris, hélas ! c’est tout de bon.
Par où faut-il fuir ? par où se sauve-t-on ?

 

Scène 5

 

DOM JUAN, PHILIPIN.

 

DOM JUAN

J’entends du bruit. Qui va là ?

 

PHILIPIN

Hem !

 

DOM JUAN

Parlez.

 

PHILIPIN

La Justice.

 

DOM JUAN

La Justice ! craignons ici quelque artifice.

 

PHILIPIN

Ils ont peur.

 

DOM JUAN

Qui va là ?

 

PHILIPIN

Personne.

 

DOM JUAN

Qui ?

 

PHILIPIN

Moi, toi.

 

DOM JUAN

La Justice.

 

PHILIPIN

Ah ! Madame, hélas ! ce n’est pas moi,
Je suis fort innocent, mais Dom Juan mon maître…

 

DOM JUAN

Au son de cette voix, c’est mon valet, le traître.
Est ce toi, Philipin ?

 

PHILIPIN

Monsieur, je crois que oui ;
De grâce, un peu de vin, je suis évanoui.

 

DOM JUAN

La peste, le faquin, tu m’as mis en cervelle.

 

PHILIPIN

Taisez-vous, parlez bas, je fais la sentinelle ;
On vous cherche partout pour vous prendre au collet,
Et pour gripper aussi votre pauvre valet ;
J’ai passé par la place où le gibet s’apprête ;
Je suis aussi prié de danser à la fête ;
De peur du mauvais air, on vous gardera peu.

 

DOM JUAN

Apprends que les tourments, ni le fer, ni le feu,
Ne sauraient imprimer sur ce coeur ferme et stable.

 

PHILIPIN

Pas si ferme que moi quand je suis à la table.

 

DOM JUAN

Taisez vous, insolent, ivrogne, et sans raison,
Vos discours effrontés ne sont pas de saison,
Vous raillez hors de temps.

 

PHILIPIN

Nommez-vous raillerie
D’exposer à tous coups sa misérable vie ?
Courir comme un lutin, jour et nuit, sans manger ?
Si vous continuez d’être ainsi ménager,
Vous ne dépenserez rien, ou fort peu de chose,
Pour nourrir vos valets.

 

DOM JUAN, après avoir rêvé.

Oui, la métamorphose
Sera bonne, sans doute, et nous réussira,
Sous ce déguisement vienne après qui pourra.
Donne-moi tes habits.

 

PHILIPIN

Mes habits ! pourquoi faire ?

 

DOM JUAN

Mêlez-vous seulement d’obéir, et vous taire.

 

PHILIPIN

Moi ! mes habits, Monsieur ?

 

DOM JUAN

Oui, vous prendrez les miens.

 

PHILIPIN

Vous vous moquez de moi !

 

DOM JUAN

Tant de sots entretiens
Me choquent à la fin, dépêchons.

 

PHILIPIN

Ah ! pauvre homme !
Si je suis rencontré le premier, on m’assomme ;
Et pour dire cent fois, Monsieur, ce n’est pas moi,
On me pendra, sans doute, et sans dire pourquoi.

 

DOM JUAN

Si vous contestez plus, insolent, je proteste …

 

PHILIPIN

Ah ! pauvre habit, sous qui je paraissais si leste,
Faut-il t’abandonner ?

 

DOM JUAN

Passe dedans ce coin,
Il nous sert de retraite en ce présent besoin.
Tu trembles ! le coeur bat.

 

PHILIPIN

J’en ai plus qu’Encelade ;
Je prendrais mieux que lui le Ciel par escalade ;
Cachons-nous, j’ouïe du bruit, j’entends quelqu’un marcher :
N’est-ce point le Prévôt qui viendrait nous chercher ?

 

Scène 6

 

AMARILLE, LE PRÉVÔT, LES ARCHERS.

 

LE PRÉVÔT

Madame, je sais trop le sujet de vos plaintes,
Je sais avec combien de sensibles atteintes
Vous supportez la mort d’un père généreux
Qui méritait sans doute un destin plus heureux,
Et je suis obligé de vous dire moi-même
Que j’en ai, sans mentir, un déplaisir extrême.
Aussi ne croyez pas qu’en cette occasion
Je ne vous fasse voir quelle est ma passion
À poursuivre un tel crime ; oui, bientôt la Justice
En punira l’auteur par un cruel supplice.
Modérez donc vos pleurs et calmez vos ennuis.

 

AMARILLE

Dans l’état malheureux des peines où je suis,
Je n’ai jamais douté que de votre assistance
Je ne dusse espérer une entière vengeance,
Et qu’un si déplorable et surprenant trépas
N’armât en ma faveur votre invincible bras ;
Mais sachez qu’en ceci la diligence importe,
Il faut bien empêcher que l’assassin ne sorte,
Car s’il peut une fois se voir en liberté…

 

LE PRÉVÔT

On m’a du Gouverneur l’ordre exprès apporté.
Je viens de lui parler, il a voulu m’instruire
Comment en cette affaire il fallait me conduire ;
Il est sorti lui-même avec peu de ses gens
Et des plus résolus et plus intelligents,
Pour voir s’il serait point encore dans la ville,
Et rendre à peu de bruit sa prise plus facile.
Dom Philippe encore à vous venger est prêt,
Avec beaucoup d’ardeur, il prend votre intérêt,
Et je suis assuré qu’il y perdra la vie,
Ou qu’il verra dans peu sa vengeance assouvie ;
Pour moi je vous promets, quoi qu’ordonne le Sort,
De vous livrer ici l’assassin vif, ou mort.

 

AMARILLE

Après tant de faveurs que faut-il que je fasse ?
Et de quelle façon vous puis-je rendre grâce
De toutes les bontés que vous avez pour moi ?

 

LE PRÉVÔT

Allons, reposez vous seulement sur ma foi,
Je prends assez de part en tout ce qui vous touche,
Mon ordre est pressant, et…

 

AMARILLE

Vous me fermez la bouche.

 

LE PRÉVÔT

Venez, que je vous mène en votre appartement.

 

AMARILLE

Non, non, songez plutôt…

 

LE PRÉVÔT

Allons ; dans un moment,
Croyez que vous aurez des nouvelles certaines
De celui dont la mort mettra fin à vos peines.
Quoi qui puisse arriver, fidèles Compagnons,
Ne mettez pas le coeur ni la force aux talons ;
Car dans cette capture où je prends la conduite,
Le premier que je vois s’ébranler à la fuite,
Que la peur du péril vient saisir au collet,
Je le renverse mort d’un coup de pistolet.
Donc que chacun de vous examine, regarde,
Soyez tous attentifs, et tous sous bonne garde ;
Car souvent en des coups semblables entrepris,
Tel qui croyait surprendre, a souvent été pris.
Pour ne rien hasarder, qui que ce soit qui passe,
Il faut soigneusement le remarquer en face,
Voir à son action s’il s’épouvantera ;
S’il parle, remarquer comment il parlera ;
Et surtout, que chacun ait la main occupée
À ne lui laisser pas d’abord tirer l’épée,
Le traître en cet état nous incommoderait,
Et dans l’extrémité la peur le porterait ;
Soyez donc vigilants, car en pareille affaire
Vous ne savez que trop ce que la peur fait faire.

 

ARCHER

Monsieur, je vous promets, quand il aurait cent bras,
Dès que je le joindrai, de le porter à bas ;
Et je lui serrerai si bien la gargamelle,
Qu’il n’aura pas le temps de tirer l’alumelle.

 

LE PRÉVÔT

Or sus, je suis ravi de vous voir résolus,
En cette affaire-ci, nous sommes absolus,
Nous avons liberté de tuer, ou de prendr

Ressources complémentaires

Les spectacles et la vie de cour selon les gazetiers
Chronologie moliéresque
Textes du XVIIe siècle en version intégrale
Textes de Molière en version diplomatique

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