Dans Le Festin de pierre de Dorimond (1) et dans Le Festin de pierre de Villiers (2) , Don Juan rencontre un pèlerin, qu’il dépouille de son habit, après lui avoir proposé de l’argent en échange.
Dans le scenario « Don Gile schiavo del demonio » figure une scène, où un peregrino est dévalisé par des bandits et par Don Gile (3)
(1)
DOM JOUAN
Que fais-tu dans ce lieu ?
LE PÈLERIN
Travaillé du chemin,
J’y respire en repos un air doux et bénin.
[…]
DOM JOUAN
Briguelle, cet habit me serait fort commode
Pour n’être pas connu. […]
Mon ami, j’ai besoin de cet habillement :
Pourrais-tu bien m’en faire un accommodement.
LE PÈLERIN
Cet habit-là, Monsieur ? [..]
Il m’est cher, et pour vous il est trop peu de chose
Puis, tout mon bien consiste en ce seul vêtement.
DOM JOUAN
Je te rendrai comptant, donne-le seulement.
LE PÈLERIN
Quoi ! Monsieur, voulez-vous user de tyrannie ?
DOM JOUAN
Ah ! donne-le, te dis-je.
LE PÈLERIN
Ah, prenez donc ma vie !
DOM JOUAN
Dans ma bourse, tiens, prends tout ce que tu voudras.
[…]
LE PÈLERIN
Monsieur, jamais l’argent ne m’a donné d’envie,
Je ne l’aimai jamais, et j’ai cette manie
De vivre indifférent pour l’argent et pour l’or ;
Et dedans cet habit je vois tout mon trésor.
DOM JOUAN
Sans plus me contester, pense à me satisfaire.
Passe sous cet ormeau, évite ma colère.
LE PÈLERIN
Monsieur, considérez…
DOM JOUAN
Tes cris sont superflus ;
Si tu chéris ton bien, ne me résiste plus.
Viens, tu seras content ; et toi, fais diligence,
Va promptement au port.
(III, 3)
(2)
DOM JUAN
Quel homme vient ici me couper le chemin ?
PHILIPIN
Vous voilà bien troublé, c’est…
DOM JUAN
C’est ?
PHILIPIN
Un pèlerin.
DOM JUAN
En l’état où je suis chacun me fait ombrage,
Avance, et va le voir si tu peux au visage.
Je roule dans l’esprit un dessein, Philipin.
PHILIPIN
Monsieur.
DOM JUAN
Il faut avoir l’habit du pèlerin.
[…]DOM JUAN
Que faites-vous ainsi dans cette forêt sombre ?
LE PÈLERIN
De même que le corps est suivi de son ombre,
Je suis, par des sentiers que me prescrit le Sort,
L’infaillible chemin qui nous mène à la mort.
[…]
DOM JUAN
J’ai nécessairement besoin de votre habit.
LE PÈLERIN
Mon habit ? songez-vous à ce que vous me dites ?
DOM JUAN
Sans employer le temps en de vaines redites,
J’en ai besoin, vous dis-je, et quoi que vous fissiez,
Vous me fâcheriez fort, si vous me refusiez.
LE PÈLERIN
Mon habit, quoi que fasse ici votre industrie,
Ne se dépouillera jamais qu’avec ma vie.
DOM JUAN
Songez que je vous l’ai demandé par douceur,
Qu’en ce moment j’en veux être le possesseur,
Et qu’il n’est rien pour lui que je ne vous octroie.
LE PÈLERIN
Monsieur, vous perdez temps, car par aucune voie
Vous ne pourrez tenter, ni le coeur, ni les yeux
D’un homme qui ne craint que le courroux des dieux.
DOM JUAN
Ah ! c’est trop raisonner, et votre résistance…
LE PÈLERIN
Quoi ! vous me l’ôteriez avec violence ?
[…]
Non, non, l’argent, ni l’or,
Ne m’ont jamais tenté.
DOM JUAN
Vous résistez encor ?
Je vous donne le mien.
LE PÈLERIN
Mais il m’est inutile.
DOM JUAN
Je suis las de vous voir faire le difficile ;
Que sert de contester ? car enfin je le veux.
(III, 3)
(3)
Don Sangio, da peregrino
in questo
Don Gile et banditi, lo rubba e lo manda via
-
- (F. Cotticelli, The Commedia dell’arte in Naples : A Bilingual Edition of the 176 Casamarciano Scenarios, London, Scarecrow Press, 2001, t. II, p. 476)