Contenter mon ressentiment

« – Ah, ah, vous voilà. Je suis ravi de vous trouver, Monsieur le coquin. – Monsieur, votre serviteur. C’est trop d’honneur que vous me faites. LEANDRE, en mettant l’épée à la main : Vous faites le méchant plaisant. Ah! je vous apprendrai… SCAPIN, se mettant à genoux.- Monsieur. OCTAVE, se mettant entre deux, pour empêcher Léandre de le frapper.– Ah, Léandre. LÉANDRE.- Non, Octave, ne me retenez point, je vous prie. SCAPIN.- Eh, Monsieur. OCTAVE, le retenant.- De grâce. LÉANDRE, voulant frapper Scapin.- Laissez-moi contenter mon ressentiment. OCTAVE.- Au nom de l’amitié, Léandre, ne le maltraitez point. SCAPIN.- Monsieur, que vous ai-je fait? LÉANDRE, voulant le frapper.- Ce que tu m’as fait, traître? OCTAVE, le retenant.– Eh doucement. »
Les Fourberies de Scapin, II, 3

En cédant à ses impulsions, plutôt que d’ « éclaircir toute cette aventure », Léandre contrevient à ce qui était recommandé dans « le docte traité que Sénèque a composé de la colère » :

Il n’y a rien de plus malséant à celui qui en veut punir un autre, que de se mettre en colère ; et après tout, la punition d’autant plus utile et plus profitable qu’elle est imposée avec jugement et avec raison. C’est pourquoi Socrate dit un jour à son valet : « Je te frapperais si je n’étais pas en colère ». Ainsi il remit à un temps plus tranquille le châtiment de son serviteur, et se fit à soi-même une leçon. Après cela, par qui les passions pourront-elles être modérées, si Socrate même n’osa pas se confier à sa colère ? Il n’est donc pas besoin d’être en colère pour punir les méchants et ceux qui commettent quelques fautes. En effet, puisque la colère est un vice, et une faute de l’esprit, il ne serait pas raisonnable que celui qui fait des fautes corrige les fautes d’un autre.
Quoi donc, ne me mettrai-je pas en colère contre les larrons, et contre les empoisonneurs ? Non certes, et je ne me mets pas en colère contre moi quand je me laisse tirer du sang.
(trad. P. Du Ryer, 1669, p. 73-74)

 

Il ne faut donc jamais permettre que la colère se saisisse de nos âmes, mais il faut quelquefois en feindre pour exciter l’esprit froid et languissant d’un auditeur, comme on pousse à coups d’éperons, et même avec des flambeaux ardents, les chevaux qui ne vont pas assez vite. Il faut quelquefois donner de la crainte à ceux sur qui la raison n’a point de pouvoir; mais après tout, il n’est pas plus utile de se mettre en colère que de s’affliger et de se plaindre.
( p. 169-170)

 

Entre les choses qui nous offensent, il y en a qu’on nous rapporte, il y en a que nous entendons, il y en a que nous voyons. Quant à celles qu’on nous rapporte, nous ne devons pas si promptement y donner de la croyance. Plusieurs mentent pour nous tromper, et plusieurs parce qu’ils ont été eux-mêmes trompés. L’un cherche à se faire aimer par un faux rapport, et feint une injure afin de faire juger qu’il en a de la douleur. Il y a des méchants qui tâchent de rompre les amitiés les mieux affermies, il y en a qui prennent plaisir à voir les querelles qu’ils ont secrètement excitées. […] Cependant vous condamnez votre ami sur les premières choses qu’on vous en dit, avant que de l’entendre, avant que de l’interroger. Vous vous mettez en colère contre lui avant qu’il lui soit permis de connaître ou son accusateur, ou son crime.
( p. 227)

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