La nécessité d’une alternance du haut et du bas dans la vie était soulignée
– dans le Traité de la providence de Dieu de Sénèque :
Les prospérités et les délices sont ordinairement le partage des personnes basses par l’esprit et par la naissance, mais il n’appartient qu’aux grands coeurs d’assujettir la fortune, et de mépriser les choses qui font horribles à tous les hommes. C’est ignorer une partie de la nature, que d’être toujours heureux, que de vouloir passer sa vie sans inquiétude et sans douleur. Vous avez le courage grand; mais comment le puis-je savoir, si la fortune ne vous donne pas les occasions de faire paraître votre vertu ?
(éd. de 1669, p. 41)
Il n’y a rien de plus dangereux que l’excès d’une trop grande félicité. Elle trouble le cerveau, elle remplit l’âme de fantômes et de vaines imaginations ; et pour l’empêcher de discerner le vrai d’avec que le faux, elle met entre l’un et l’autre d’épaisses et de profondes ténèbres. Pourquoi donc ne serait-il pas plus avantageux de apporter une misère qui conduirait à la vertu, que de jouir de tous ces biens, qui vous entraînent dans les vices, te qui ne servent qu’à vous efféminer et à vous perdre ?
( p. 52)
– dans le petit traité « Des adversités » (Opuscules ou petits traités, 1643) de La Mothe le Vayer :
Et pour parler avec équité, en mettant la main à la conscience, lequel des deux est le plus juste, ou que nous obéissions aux ordres immuables de la nature, ou qu’elle se rende esclave de toutes nos volontés ? Nous voudrions bien obtenir d’elle par privilège d’être exempts d’incommodités, jusqu’aux moindres traverses qui se ressentent nécessairement dans la vie. Cependant elles sont une des principales pièces de ce qui entre dans la composition de l’univers, dont nous ne sommes qu’une bien petite partie.
(éd. des Oeuvres de 1756, II, 2, p. 377)
Car s’il est vrai qu’un homme endormi soit bien plus aisé à surprendre que celui qui veille, il ne faut point douter que notre condition ne devienne beaucoup meilleure par les adversités, qui nous réveillent de cet assoupissement que donnent les plaisirs, et de cette langueur d’esprit que souffrent les hommes heureux.
( p. 380)
Un vie exempte de toute traverse, et sans agitation ni mouvement qui l’inquiète n’est pas une tranquillité souhaitable; c’est une bonace importune et pire que la tempête. O qu’il vaut bien mieux s’exercer contre la fortune que de languir sans action parmi toutes ses caresses.
( p. 387)
– dans le petit traité « De la prospérité » du même La Mothe le Vayer ((Opuscules ou petits traités, 1643; Oeuvres, 1757, II, 2, p. 347)
(voir également « plus l’obstacle est puissant »)