Dans une tirade de la comédie Les Visionnaires (1637) de Desmarets de Saint-Sorlin, Hespérie dressait la la liste de ses amants imaginaires (voir également « c’est d’un autre objet que son coeur est épris » et « le détour est d’esprit ») :
HESPERIE
[…]
Cent fois le jour j’entends de semblables discours,
Je suis de mille amants sans cesse importunée ;
Et crois qu’à ce tourment le ciel m’a destinée.
L’on me vient rapporter, Lysis s’en va mourir :
D’un regard pour le moins venez le secourir :
Eurylas s’est plongé dans la mélancolie.
L’amour de Licidas s’est tournée en folie.
Périandre a dessein de vous faire enlever.
Une flotte d’amants vient de vous arriver.
Si Corylas n’en meurt il sera bien malade.
Un Roi pour vous avoir envoie une ambassade.
Tircis vous idolâtre et vous dresse un autel.
C’est pour vous ce matin que s’est fait un duel.
Aussi de mon portrait chacun veut la copie.
C’est pour moi qu’est venu le Roi d’Ethiopie.
Hier j’en blessai trois d’un regard innocent.
D’un autre plus cruel j’en fis mourir un cent.
Je sens, quand on me parle, une haleine de flamme.
Ceux qui n’osent parler m’adorent en leur âme.
Mille viennent par jour se soumettre à ma loi,
Je sens toujours des coeurs voler autour de moi.
Sans cesse des soupirs, sifflent à mes oreilles.
Mille voeux élancés m’entourent comme abeilles.
Les pleurs près de mes pieds coulent comme torrents.
Toujours je pense ouïr la plainte des mourants ;
Un regret, un sanglot, une voix languissante,
Un cri désespéré d’une douleur pressante,
Un je brûle d’amour, un hélas je me meurs :
La nuit je n’en dors point, je n’entends que clameurs
Qui d’un trait de piété s’efforcent de m’atteindre :
Voyez, ma chère soeur, suis-je pas bien à plaindre?
( p. 16-17)