Destinée

« Vous êtes, par ma foi, de malheureuses gens l’un et l’autre, de ne m’avoir point avant tout ceci, avertie de votre affaire! Je vous aurais sans doute détourné cette inquiétude, et n’aurais point amené les choses où l’on voit qu’elles sont. – Que veux-tu? c’est ma mauvaise destinée qui l’a voulu ainsi.  »
L’Avare, IV, 1

 

« Ne dites-vous pas que l’ascendant est plus fort que tout; et s’il est écrit dans les astres que je sois enclin à parler de vous, comment voulez-vous que je résiste à ma destinée?  »
Les Amants magnifiques, I, 2

 

« J’ai considéré que dans le fond, il n’a pas tant de tort qu’on pourrait croire.- Que me viens-tu conter? Il n’a pas tant de tort de s’aller marier de but en blanc avec une inconnue? – Que voulez-vous, il y a été poussé par sa destinée. – Ah, ah, voici une raison la plus belle du monde. On n’a plus qu’à commettre tous les crimes imaginables, tromper, voler, assassiner, et dire pour excuse, qu’on y a été poussé par sa destinée. – Mon Dieu, vous prenez mes paroles trop en philosophe. Je veux dire qu’il s’est trouvé fatalement engagé dans cette affaire. »
Les Fourberies de Scapin, I, 4

 

« Que diable allait-il faire dans cette galère? – Une méchante destinée conduit quelquefois les personnes. »
Les Fourberies de Scapin, II, 7

Le principe du destin est mis en cause

 

– par La Mothe le Vayer

 

– * dans le « petit traité  » « De la contrainte d’agir » (Derniers Petits Traités, 1660) :

De vouloir excuser de mauvaises actions en accusant la fortune, ou de les attribuer simplement à je ne sais quelle destinée, c’est sur quoi vous aurez de la peine à trouver de la complaisance en ceux qui vous parleront avec sincérité. Pour ce qui est de la fortune, j’avoue qu’il n’y a presque personne qui ne veuille la rendre responsable des défauts de sa conduite et nous la chargeons quasi toujours à tort de toutes les disgrâces qui nous arrivent.
[…]
Enfin, à le bien prendre, chacun est artisan de sa propre fortune, de sorte que vous avez employé un méchant lieu commun pour justifier la misérable procédure de votre ami, de l’imputer au mauvais traitement d’une imaginaire déité. Quant à sa malheureuse destinée, je vous ai déjà dit qu’on ne peut lui donner une si grande étendue que vous faites, sans ruiner toute la morale par la perte de notre franc-arbitre.
( p. 72-74)

 

– * dans le « petit traité » « Du Destin » (Petits Traités en forme de lettres, 1647) :

La seconde opinion se moque bien aisément de la nécessité du sort, fondée sur la science éternelle et immuable de Dieu, parce que, présupposant selon la doctrine d’Epicure que la nature divine ne prend nulle connaissance de ce qui se fait ici bas, vous renversez aisément tout le raisonnement précédent. Ceux de ce second avis nomment la destinée une consolation imaginaire que se donnent des esprits affligés, nihil aliud existimant fata dit Sénèque, quam aegrae mentis solatia. Et ils soutiennent que tout ce qui se dit du destin n’est rempli que de contes de vieilles et de vaine superstition, anile sane et plenum supertitionis fati nomen ipsum, comme en parle Cicéron au second livre de la divination. Pour ce qui touche l’enchaînement des causes, qui dans une dépendance les unes des autres, doivent produire des effets certains et inévitables, ils répondent que cela peut avoir lieu aux choses naturelles et matérielles, mais non pas en ce qui touche l’esprit et singulièrement notre volonté, qui doit être si libre et si indépendante, qu’à faute de l’être elle n’est pas volonté.
(éd. des Oeuvres de 1756, VI, 1, p. 445)

 

– par Bernier dans l’Abrégé de la philosophie de Gassendi (1678) :

Au reste, comme les platoniciens, les stoïciens et les autres défenseurs du destin semblent conséquemment défendre la nécessité de toutes choses et de toute action qu’aucune force ne peut rompre. Car les destins, dit-il, vont exerçant leur droit et leur puissance absolue, et sans faire grâce à qui que ce soit, ou sans se laisser toucher, ni de prières, ni de miséricorde, ils gardent leur cours fatal, destiné et irrévocable […] comme ils semblent, dis-je, défendre une nécessité qui détruit entièrement la liberté de toutes les actions humaines, et ne laisse rien dans notre libre arbitre, cela fait qu’on leur objecte les inconvénients qui suivent de là. Le principal de ces inconvénients est que si nos esprits, comme ils sont mis et rangés dans la suite des choses, sont conduits pas le destin, et que destitués de liberté ils fassent tout par une nécessité immuable et inévitable, la manière et la conduite ordinaire de la vie humaine périt, et tout les consultations sont inutiles. Car, quelque chose que vous délibériez, il n’arrivera que ce qui aura été décrété par le destin. Ainsi la prudence sera vaine, l’étude de la sagesse sera inutile, et tous les législateurs seront ridicules, ou des tyrans […]
(éd. de 1684, t. VII, p. 634-636)

 

(voir également « viennent toujours me tendre un piège »)

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