« Les croyances publiques sont toujours mêlées d’erreur »
La Princesse d’Elide, II, 1
La Mothe le Vayer, dans le petit traité « De la crédulité » (Nouvelle suite des Petits Traités, 1659), mettait en garde contre les mensonges liés aux croyances les plus répandues (voir également « L’erreur s’est répandue« ) :
L’homme est un animal si crédule qu’il ne faut, pour établir les plus grandes faussetés, qu’avoir la hardiesse de les dire ou de les écrire. […] Gardez-vous surtout de déferer à l’autorité de ceux qui vous ont récité ce merveilleux prodige […] outre qu’il faudrait par la même considération admettre pour vraies cent impostures semblables, dont tant de célèbres historiens grecs et latins ont rempli leurs ouvrages. Croirez-vous tous les miracles rapportés par Hérodote et par Tite-Live […] Une vestale prouve sa chasteté dans Valère Maxime, en portant de l’eau dans un crible, sans effusion, depuis le Tibre jusqu’au temple de la Mère des Dieux. Un homme plus grand que l’ordinaire sauve l’empereur Trajan d’un tremblement de terre ressenti dans Antioche, au rapport de Dion Cassius. Le Dieu Belis, qui est le même qu’Apollon, fut vu par les soldats de Maximin combattre pour la ville d’Aquilée, comme l’assure Hérodien. Lire la suite…
(VI, 2, p. 239 et suiv.)
L’expression « croyances publiques » avait, quant à elle, été utilisée
– par Pierre Charron, dans son traité De la sagesse :
Au troisième et plus haut étage sont les hommes doués d’un esprit vif et clair, jugement fort, ferme et solide ; qui ne se contentent d’un ouï dire, ne s’arrêtent aux opinions communes et reçues, ne se laissent gagner et préoccuper à la créance publique, de laquelle ils ne s’étonnent point, sachant qu’il y a plusieurs bourdes, faussetés et impostures reçues au monde avec approbation et applaudissement, voire adoration et révérence publique.
(éd. de 1797, p. 184)
– par Pierre Corneille dans l’édition originale de son Polyeucte martyr (1643), au sein des propos du païen Sévère, mettant en cause le bien-fondé de la religion romaine :
Peut-être qu’après tout ces croyances publiques
Ne sont qu’inventions de sages politiques
Pour contenir un peuple, ou bien pour l’émouvoir
Et dessus sa faiblesse affermir leur pouvoir.
(IV,6, p. 96)
Ce passage est supprimé dans l’édition du Théâtre de 1660.