Votre style sauvage

« Vous ne sauriez changer votre style sauvage,
Et nous faire un contrat qui soit en beau langage?
– Notre style est très bon, et je serais un sot,
Madame, de vouloir y changer un seul mot »
Les Femmes savantes, V, 3 (v. 1601-1604)

La référence au « style de notaire » avait été au coeur de la controverse qui s’était développée entre La Mothe le Vayer et Vaugelas, à la suite de la publication des Remarques de ce dernier.

 

Le premier avait fait remarquer ironiquement, dans ses Considérations sur l’éloquence française de ce temps (1638) :

Si vous vous servez d’une diction qui entre dans le style d’un notaire, il n’en faut pas davantage pour vous convaincre que vous n’êtes pas dans la pureté du beau langage.
(éd. des Oeuvres de 1756, II, 1, p. 211)

 

Le second avait répondu dans la préface de l’édition de ses Remarques (1647) :

Enfin, ils finissent leurs plaintes par ces mots, qu’il n’en faut pas davantage pour vous convaincre que vous n’êtes pas dans la pureté du beau langage, que de vous servir d’une diction qui entre dans le style d’un Notaire: les termes de l’art sont toujours fort bons et fort bien reçus dans l’étendue de leur juridiction, où les autres ne vaudraient rien. Et le plus habile Notaire de Paris se rendrait ridicule, et perdrait toute sa pratique, s’il se mettait dans l’esprit de changer son style et ses phrases pour prendre celles de nos meilleurs Écrivains. Mais aussi, que dirait-on d’eux s’ils écrivaient Icelui, jaçait que, ores que, pour et à icelle fin, et cent autres semblables que les Notaires emploient? Ce n’est pas pourtant une conséquence, comme ces Messieurs nous la veulent faire faire, que toutes les dictions qui entrent dans le style d’un Notaire soient mauvaises. Au contraire, la plupart sont bonnes, mais on peut dire sans blesser une profession si nécessaire dans le monde que beaucoup de gens usent de certains termes qui sentent le style de Notaire et qui dans les actes publics sont très bons, mais qui ne valent rien ailleurs.
( n. p.)

 

Dans le Roman bourgeois (1666) de Furetière, le héros Charroselles avait émis un avis semblable à celui du notaire moliéresque :

Eh ! de grâce, encore un coup, dit Charroselles, nous n’avons que faire des dates ; je vous prie, voyons seulement les dispositions de ce testament, et surtout sautez le préambule, et ce style des notaires, qui ne fait que gâter le parchemin.
(Livre second)

 

De même un personnage des Nouvelles nouvelles (1663) de Donneau de Visé :

Ce nouvelliste, s’étant trouvé chez un notaire, relut cent fois un acte que l’on lui voulait faire signer, déclama contre la barbarie et la dureté des termes, les voulut faire changer et ne le voulut jamais signer, disant que c’était, non seulement approuver, mais même autoriser une méchante chose, et qu’il y allait de son honneur de le signer avant que de l’avoir fait mettre ou mis lui-même en meilleure prose.
(t. II, p. 280)

 

Un personnage des Fâcheux se plaignait déjà d’ « une barbare, pernicieuse et détestable orthographe ».

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