A la scène V, 1 du Phormion Chrémès apprend de sa servante Sophronie que le hasard a réalisé tout le seul le mariage de sa fille exactement comme il entendait le conclure lui-même :
– dans la version latine connue au XVIIe siècle (1)
– dans la traduction janséniste de 1647 (2)
– dans la traduction de Marolles (1659) (3)
(1)
CH. certe edepol, nisi me animum fallit
Aut parum prospiciunt oculi, meae nutricem gnatae video.
[…] east ipsa : conloquar.
[…] di obsecro vos, estne hic Stilpo? CH. non. SO.negas?
[…]CH. Ne me istoc posthac nomine appellassis. […]
verum istoc me nomine,
Eo perperam olim dixi ne vos forte inprudentes foris
Effuttiretis atque id porro aliqua uxor mea rescisceret.
SO. em istoc pol nos te hic invenire miserae numquam potuimus.
CH. Eho dic mihi quid rei tibi est cum familia hac unde exis? aut ubi
Illae sunt? SO. miseram me! CH. hem quid est? vivuntne? SO. vivit gnata.
Matrem ipsam ex aegritudine hac miseram mors consecuta est.
CH. male factum. SO. ego autem, quae essem anus deserta egens ignota,
Ut potui nuptum virginem locavi huic adulescenti
Harum qui est dominus aedium. CH. Antiphonin? SO. em isti ipsi.
[…] CH.dii vostram fidem, quam saepe forte temere
Eveniunt quae non audeas optare!
[…] CH. sequere me: intus cetera audies.
(2)
CH. Certes, si mon imagination ne me trompe point ou si j’ai assez bonne vue, c’est la nourrice de ma fille que je vois. […] C’est elle-même, il faut que je lui parle. […] SO. Ah dieux ! Est-ce là Stilphon ? CH. Non. SO. Comment non ? CH. […] Ecoutez, ne m’appelez jamais comme cela. […] J’avais autrefois pris ce faux nom, de peur que, sans y penser, vous n’allassiez découvrir qui j’étais, et que cela ne vînt ensuite aux oreilles de ma femme. SO. Certes nous n’avons jamais pu vous trouver ici sous ce nom-là. CH. Mais, dites-moi un peu, quelle affaire aviez-vous dans ce logis d’où vous sortez ? Et où sont-elles ? SO. Hélas ! CH. Eh quoi ? qu’y a-t-il ? comment se portent-elles ? SO. votre fille se porte bien ; mais la pauvre mère est tombée ici dans une maladie dont elle est morte. CH. Cela est bien fâcheux. SO. Moi qui suis demeurée comme une pauvre vieille femme abandonnée, inconnue, j’ai marié votre fille comme j’ai pu et je l’ai donnée à un jeune homme qui est le maître de ce logis. CH. Quoi ? à Antiphon ? SO. Lui-même. […] CH. O dieux ! qu’il est bien vrai que souvent il arrive des choses par hasard que nous n’eussions pas seulement osé souhaiter. […] Suivez-moi, nous parlerons du reste au logis.
(3)
CH. Certainement, si mon imagination ne me trompe, ou si j’ai assez bonne vue, c’est la Nourrice de ma fille. […] C’est elle-même, il faut que je lui parle. […] SO. O bons Dieux ! Est-ce là Stilphon ? CH. Non. SO. Ce ne l’est pas ? CH. […] Garde-toi bien désormais, si tu es sage, de m’appeler ainsi. […] J’ai dans ce logis une terrible femme : c’est pourquoi je vous ai fait accroire autrefois que je portais ce nom-là, de peur que sans y penser tu n’allasses découvrir qui j’étais, et que cela ne vînt ensuite aux oreilles de ma femme. SO. Hélas ! je vois bien que cela est cause que nous avons été si longtemps sans vous trouver, après vous avoir cherché avec beaucoup de peine. CH. Mais dis-moi un peu, quelle affaire avais-tu avec ceux de cette maison d’où je t’ai vu sortir ? Ou que je sache un peu de toi, où tu les as laissées. SO. Hélas ! pauvrette que je suis ! CH. Quoi ? Qu’y a-t-il ? Sont-elles vivantes ? SO. Votre fille est en vie : la pauvre Mère est morte ici de maladie. CH. Voilà qui est fâcheux. SO. Moi cependant, qui me voyais pauvre et chargée d’années, sans nulle connaissance, j’ai marié comme j’ai pu la fille à ce jeune homme qui est le Maître de ce logis. CH. A Antiphon, non pas ? SO. Hélas ! à lui-même. […] CH. O Dieux ! qu’il es vrai qu’il arrive souvent des choses par hasard, que nous n’eussions pas seulement osé souhaiter ! […] Allons par ici : tu apprendras là-dedans tout le reste.
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