Une surprise adroite

« D’abord j’appréhendai que cette ardeur secrète
Ne fût du noir esprit une surprise adroite;
Et même à fuir vos yeux, mon coeur se résolut,
Vous croyant un obstacle à faire mon salut. »
Le Tartuffe, III, 3 (v. 945-948)

Plusieurs textes de dévotion invitent le chrétien à éviter autant que possible la fréquentation des femmes, en sorte de ne pas succomber aux pièges du Malin :

– dans Le Combat spirituel (1589) de Lorenzo Scupoli (1)
– dans L’Imitation de Jésus-Christ (1656) de Pierre Corneille (2)
– dans les « Mémoires historiques sur Mr Olier » de Bretonvilliers, manuscrit rédigé vers 1660, relatant les propos et les faits marquants d’un des plus célèbres directeurs de conscience (3)
– dans la Dissertatio de sobria alterius sexus frequentatione per sacros et religiosos homines (1653) de Théophile Raynaud (4)

 

Cette attitude est imitée par le faux ermite de la nouvelle La Fouine de Séville (1661) de d’Ouville (5)

 

 


 

(1)

Demeurer sur ses gardes face aux pièges du malin :

CHAPITRE XI: De la façon de combattre le vice de la chair

Ne disputons aussi jamais avec elles [les mauvaises pensées] et ne nous arrêtons jamais tant qu’elles durent, à rechercher si nous leur avons donné quelques consentement, parce que cette sorte d’examen est un piège du démon, pour nous embarrasser sous prétexte de fidélité ou de tendresse de conscience, et principalement, pouvant plus sûrement après la tentation reconnaître la vérité par l’avis de notre Père spirituel, lors que nous serons dans le calme […]
Après qu’elle [la tentation] a passé, quelque libres et quelque assurés que nous pensions être, nous devons plus que jamais nous tenir plus éloignés que jamais des objets qui nous causaient la tentation, et ne les rappeller jamais en notre esprit, encore que nous nous y sentions attirés par le motif de quelque vertu, et pour l’amour de quelque bien. Car telles pensées ne peuvent être qu’illusions de la concupiscence, et tromperies de satan.
( Le Combat spirituel, composé en italien, par un serviteur de Dieu, et traduit en français par un autre serviteur de Dieu, Paris, P. Le Petit, 1664, p. 68-70.)

Dès lors, la fuite est un remède efficace, même si l’on ne devrait pas toujours « fuir les occasions de combattre »:

CHAPITRE IX: Qu’il ne faut point fuir les occasions de combattre

Il est vrai que je conseille à ceux qui commencent, de se comporter en ces matières avec beaucoup de prudence et de dextérité; tantôt chassant les mauvaises pensées, et tantôt leur allant au devant, selon qu’ils se trouvent ou reculés ou avancés en la vertu. Mais il ne faut pas pour cela qu’ils tournent jamais le dos, ou entièrement, ou en sorte qu’ils fuient toute incommodité, ou toute occasion de souffrir. Car quand même ils se sauveraient pour une fois, à la faveur de cette fuite, il est certain qu’en d’autres rencontres, ils seront surpris, et se trouveront sans défense contre les coups de passion, devant laquelle ils ont mieux aimé fuir, que de luy résister avec les armes de la vertu contraire.
(Paris, P. Le Petit, 1664, p. 57-58.)

CHAPITRE X: De la façon de résister aux mouvements soudains des passions

Mais enfin le remède le plus salutaire, et le plus assuré qu’on puisse jamais employer contre les premiers mouvements, c’est d’ôter par avance, mais de bonne heure, les occasions et les causes qui leur donnent naissance. Ainsi, si j’aime, par exemple, quelque objet avec attachement; et que je sente d’ordinaire que je tombe en une soudaine altération d’esprit, toutes les fois que je rencontre quelque traverse dans cette affection, l’unique moyen d’y pourvoir, c’est de me détacher de cet objet, et d’en retirer l’affection et l’attachement que j’y ai.
(Paris, P. Le Petit, 1664, p.61.)

 

(2)

Evite avec grand soin la pratique des femmes,
Ton ennemi par là peut trouver ton défaut ;
Recommande en commun aux bontés du Très-Haut
Celles dont les vertus embellissent les âmes ;
Et sans en voir jamais qu’avec un prompt adieu,
Aime-les toutes, mais en Dieu.
(I, 8)

 

(3)

Sinon nous pourrons tomber dans le même désordre que la première Eve lorsqu’elle regarda le fruit défendu : parce qu’elle le trouva « beau à voir », elle le prit à cause de cette beauté et ensuite le mangea et le donna à manger à son mari. Il peut en aller de même pour nous si nous prenons en considération les dons des personnes que nous conduisons. Ayant, en effet, à les fréquenter assez souvent, si nous attachons notre regard à ce qu’elles ont de beau et de plaisant selon la nature, il est à craindre que nous fassions cas de cet agrément. L’estime que nous en avons nous portera à nous y complaire et à y prendre quelque satisfaction. Cette satisfaction nous le fera aimer. Et notre attachement nous fera perdre, petit à petit, l’attention à Dieu : nos conversations avec ces personnes ne seront plus motivées par la recherche de la gloire de Dieu, mais par le souci de notre satisfaction, et c’est elle qui pourra finalement nous conduire à l’attachement.[…] Nous devons donc demander à Dieu, et surtout quand nous travaillons à la direction, qu’il lui plaise de nous anéantir dans l’esprit de toute la créature et d’anéantir en même temps toute la créature dans notre propre esprit.
(B. Pittaud, G. Chaillot, Jean-Jacques Olier, directeur spirituel, Paris, Cerf, 1998, p. 84-85)

 

(4)

CAPUT XV
[…]
Cautiones in allocutione feminarum per sacros homines
[…]
Plane prolixitas affatuum hujusmodi illecebrosorum, argumentum est diabolici visci, quo impliciti inhaerescunt hi confabulatores, idcirco affectantes prolixitatem et frequentiam mutuae allocutionis, praetextu fovendae devotionis et incendae pietatis, cum denique totum negotium spiritu in speciem coeptum, carne consumetur, sin minus externo opere, at sensu saltem et affectu corruptio.

 

(5)

Je sens bien qu’il faut que je m’éloigne de vous promptement, si je ne veux tomber dans le piège que me tend le diable.
( p. 293) (voir également « je ne suis pas un ange »)

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