Un concert de musique chez soi

« – Au reste, Monsieur, ce n’est pas assez : il faut qu’une personne comme vous, qui êtes magnifique, et qui avez de l’inclination pour les belles choses, ait un concert de musique chez soi tous les mercredis ou tous les jeudis. – Est-ce que les gens de qualité en ont ? – Oui, Monsieur. – J’en aurai donc. Cela sera-t-il beau ? – Sans doute. Il vous faudra trois voix : un dessus, une haute-contre, et une basse, qui seront accompagnées d’une basse de viole, d’un théorbe, et d’un clavecin pour les basses continues, avec deux dessus de violon pour jouer les ritournelles. »
Le Bourgeois gentilhomme, II, 1

La pratique du concert à domicile était en plein développement, comme le montrent les indications portées en tête de partitions pour des recueils d’Airs (1).

 

Mlle de Montpensier explique qu’il est aisé de constituer un groupe de musiciens au sein d’une vie retirée (2).

 

Le gazetier Loret parle à plusieurs reprises d’un salon musical à Paris (3), (4), (5). Les effectifs musicaux sont plus modestes que ce que propose le maître de musique à M. Jourdain, qui correspond en réalité à un orchestre digne de celui que la cour pouvait offrir au légat du pape, le cardinal Chigi en juillet 1664 (6).

 

 

(1)

[Seuls les deux premiers couplets sont imprimés car] aux concerts qui se font dans les maisons particulières, on a accoutumé d’en user de la sorte pour les airs, où l’on cherche le plaisir de l’ouïe, qui demande la diversité des chants, et non pas la fréquente répétition d’un même air.
Jacques de Gouy, Airs à quatre parties sur la Paraphrase des psaumes de Godeau, R. Ballard, 1650, Préface.

 

[…] vous observerez aussi que la plupart des airs à trois se peuvent chanter en basse et en dessus sans la troisième partie, et se jouer en symphonie avec la basse, et le dessus de viole, ainsi que je l’ai pratiqué dans quelques concerts.
Robert Cambert, Airs à boire à deux et à trois parties de Monsieur Cambert, R. Ballard, 1665, « Au Lecteur ».

 

(2)

Ceux qui aiment la musique la pourraient entendre, puisque nous aurions parmi nous des personnes qui auraient la voix belle et qui chanteraient bien, et d’autres qui joueraient du luth, du clavecin et des autres plus agréables instruments. Les violons se sont rendus si communs, que sans en avoir beaucoup de domestiques , chacun en ayant quelques-uns auxquels il aurait fait apprendre, il y aurait moyen de faire une fort bonne bande quand ils seraient tous ensemble.
Lettre de Mlle de Montpensier à Mme de Motteville, mai 1660, dans Mémoires, éd. 1746, t. VII, p.123.

 

(3)

Mercredi (le 4 décembre 1652), près de Notre-Dame,
Au logis d’une honnête femme
Dont dame Payen est le nom,
Se fit un concert de renom,
D’un clavecin et deux violes,
Qui valait trois mille pistoles ;
Oui, je le proteste, ma foi,
Et, si j’étais dauphin ou roi,
Pacha, grand vizir ou satrape,
Cardinal, empereur ou pape
Je les donnerais tout comptant
Pour en entendre encore autant.
Monsieur Hédouin et sa consorte
Mariaient, d’une aimable sorte
Au son des susdits instruments,
Leurs tons de voix doux et charmants ;
Mais, durant ces rares merveilles,
Où leurs beaux airs dans les oreilles
Étaient si doucement reçus,
La femme tenait le dessus.
Illec n’étaient point de comtesses,
De marquises ni de duchesses ;
Mais on ne laissait pourtant pas
D’y voir mille brillants appas,
De yeux, des gorges et des bouches
Capables d’émouvoir des souches,
De beaux teints d’oeillets et de lis,
Mainte Cloris, Mainte Philis,
Mainte Chimène et mainte Astrée,
Dont la chambre était illustrée ;
Enfin, si des accords nouveaux
Des trois instruments musicaux
Et des voix si bien animées
Les oreilles étaient charmées,
Certes, j’ai plus de vingt témoins
Que les yeux ne l’étaient pas moins !
Au reste, ce divin régale
Dont l’excellence sans égale
Est à peu prés digne d’un Dieu,
En même jour, en même lieu,
Se fait, non toutes les semaines,
Mais du moins toutes les quinzaines.
Ceux du logis sont diligents
D’ouvrir l’huis aux honnêtes gens,
Et je puis rendre témoignage,
Quoi qu’assez simple personnage,
Qu’on m’y reçut, en vérité,
Avec grande civilité.
Jean Loret, lettre du 7 décembre 1652, dans La Muse historique

 

(4)

Je ne puis m’empêcher ici
De faire encore un raccourci
De la mélodie angélique,
Ou du moins charmante musique,
Dont Coutel, qui vaut un trésor,
Régala ses amis encore,
Le dix-huit du mois de décembre,
Dans une assez petite chambre,
Où le beau peuple qui survint
Passait pourtant quatre fois vingt.
Les violes et voix-humaines
Y firent mieux que des sirènes,
Et le ravissant clavecin
Faisant din, din, drelin, din, din,
Par son excellente harmonie,
Charma toute la compagnie.
Jean Loret, lettre du 21 décembre 1652, dans La Muse historique

 

(5)

Mardy (le 20 janvier 1653), pour la troisième fois,
J’entendis ces deux belles voix
Chantants d’excellentes paroles,
Ce clavecin et ces violes,
Dont Coutel charme ses voisins,
Et se fait beaucoup de cousins.
Illec étaient plusieurs mignonnes
Et de fort aimables personnes ;
Mais entre tant de doux regards,
Qui luisaient-là de toutes parts,
Une ravissante lumière
Y tenait la place première,
En était le plus beau brillant,
Et c’était madame Galand.
Jean Loret, lettre du 25 janvier 1653, dans La Muse historique

 

(6)

Après, pour le mieux réjouir,
À ce Prélat, on fit ouïr
Dans un lieu propre à l’harmonie,
Une agréable symphonie,
Et les accords presque divins
Des luths, violes, clavecins,
Et la voix, belle à l’ordinaire,
De l’aimable et fameuse Hilaire.
Enfin, pour finir ce beau jour,
Les Italiens, à leur tour,
Où présidait le sieur Baptiste,
Qui d’Orphée est un vrai copiste,
Firent, pour un dernier dessert,
Un rare et célèbre Concert,
Où, pour bien flatter les oreilles,
La Ségnore Anne fit merveilles,
Avec sa nette et claire voix
Qui m’a ravi très bien des fois.
Jean Loret, Lettre XXVII, du samedi 12 juillet 1664

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