Par l’oreille

« Elle était fort en peine, et me vint demander
Avec une innocence à nulle autre pareille,
Si les enfants qu’on fait se faisaient par l’oreille ».
L’Ecole des femmes, I, 1 (v. 162-164).

L’idée que Jésus a été « conçu par l’oreille » est attestée dans la littérature religieuse (1). Elle est souvent détournée sur le mode comique. C’est le cas chez D’Assoucy (1650) (2). C’était déjà le cas chez Rabelais (3).

 

La signification grivoise de l’oreille apparaît également dans Les Précieuses Ridicules (« de toutes nos oreilles ») et Les Femmes savantes (« de toutes vos oreilles »).

 

 


 

(1)

Mirentur ergo saecula
quod angelus fert semina
quod aure virgo concipit
et corde credens parturit.

(Hymne « Quem terra pontus » de la Liturgia horarum)

 

Ce qu’une femme avait perdu
Une vierge nous l’a rendu,
Lorsque la foi te fit concevoir par l’oreille.
(Racan, Hymne « O gloriosa domina« )

 

C’est celle dont la foi pour notre sauvement
Crut à la voix de l’ange et conçut par l’oreille.
(Du Perron, « Cantique de la vierge », 1622. Source : G. Hall, Mélanges J. Scherer, 1986, p. 163)

 

le Saint Esprit descendra du Ciel et, entrant par votre oreille dedans votre coeur, remplira vos chastes flancs de cet enfant incomparable. Vous vous étonnerez de sentir votre ventre s’enfler peu à peu. Mystère qui vous causera d’abord quelque appréhension…
(Les Couches sacrées de la Vierge, poème héroïque de Sannazar, mis en prose françoise par le sieur Colletet. Revu de nouveau et corrigé sur le latin par le R. P. Philippe Labbe, 1645, p. 16. Source : G. Hall, Mélanges J. Scherer, 1986, p. 334)

 

per aureis
(Excipit interpres) foecundam spiritus aluum
Influet
, implabitque potenti viscera partu.

(Heroicae poeseos Deliciae, 1646, p. 6, éd du De partu virginis de Sannazaro. Source : G. Hall, Mélanges J. Scherer, 1986, p. 334)

 

(2)

J’aurais trop peur, Papa mignon,
D’enfanter un jour par l’oreille,
Qui serait douleur non pareille
.
(Dassoucy, Ovide en belle humeur, 1650, p. 100)

 

(3)

Par cet inconvénient furent au-dessus relâchés les cotyledons de la matrice, par lesquels sursauta l’enfant, et entra en la veine cave, et, montant par le diaphragme jusqu’ au-dessus des épaules (où la dite veine se partage en deux), prit son chemin à gauche, et sortit par l’oreille gauche.
(Rabelais, Gargantua, chapitre V : « Comment Gargantua nâquit en façon bien étrange »)

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