Mufti

« Le Mufti, quatre Dervis, six turcs dansant, six turcs musiciens, et autres joueurs d’instruments à la turque, sont les acteurs de cette cérémonie. […]

Mi star Mufti
Ti qui star ti
Non intendir
Tazir, tazir. »
Le Bourgeois gentilhomme, IV, 5

Incarnation même de la loi musulmane et, à ce titre, homologue du pape, le Mufti est fréquemment mentionné dans les textes évoquant l’Empire ottoman, par exemple :

– récits de voyages ; ainsi dans De la république des Turcs (1560) de G. Postel (1) ou dans la Relation d’un voyage fait au Levant (1664) de Jean Thévenot (2)

– traités tels que l’Histoire générale de la religion des Turcs (1625) de Michel Baudier (III, 1, « Du Mufti, souverain pontife de la loi de Mahomet », p. 167sq) ou l’Histoire de l’état présent de l’empire ottoman (1668) de Rycaut (II, 4 « De la charge et du pouvoir des muftis », trad. française de 1670, p. 264 et suiv.)

 

– oeuvres de fiction à tonalité orientale ; ainsi dans

 

– * le roman Almahide (1660-1663) des Scudéry ( I, 1, p. 22)

– *le roman Ibrahim ou l’illustre Bassa (1644) et dans la tragédie portant le même titre que Georges de Scudéry en tire (3)

– * Le Siège de Malte, tragédie jésuite représentée sur la scène du Collège de Sens en 1634, où le Mufti est présenté comme un être idolâtre et superstitieux (4)

 

 

(1)

Il y a premier quelque vieil sage, et prudent et élu, par l’estime de bonne vie approuvée de chacun, sous chacun Prince Muhamedique, qui des doutes qui se trouvent fort perplexe, [en marge : Le Muphti ou arbitre des douteuses et difficiles sentences.] tant en matière de la loi, que des lois, donne sentence définitive au plus près de la raison. […] Le Turc fait au sien la plus grande révérence qu’a homme de son royaume, à cause qu’il représente Justice, et l’image de Dieu.
(De la république des Turcs, p. 117-118)

 

(2)

Les Turcs ont aussi leurs ecclésiastiques, qui sont gens savants, et qui étudient continuellement l’Alcoran : le chef de leurs ecclésiastiques est le moufti, qu’ils ont même considération que nous le pape ; il ne se fait pas par une assemblée de leurs ecclésiastiques, mais le Grand Seigneur en pourvoit qui bon lui semble, qui est toujours un homme savant à leur mode, et fort versé dans l’Alcoran, aussi est-ce lui qu’on consulte pour les affaires de conscience, et il en donne les décisions dans de petits billets qu’on appelle Fetua.
(p. 100)

 

(3)

Dans les oeuvres de fiction, le Mufti apparaît en règle général comme le supplétif corrompu d’un couple de comploteurs qui utilisent avec un sens de l’à-propos notable sa rhétorique fallacieuse et son savoir, ainsi que l’estime dans lequel il est tenu par le sultan, afin de faire progresser leurs intrigues. Une des scènes les plus emblématiques à ce sujet se situe lorsque le religieux tente de convaincre le sultan qu’il peut faire mettre à mort Ibrahim. Sur le nom de Dieu, Soliman avait en effet promis à son ami que lui vivant, jamais il n’ordonnerait son exécution. Dans un verbiage des plus alambiqués, le Mufti explique alors à son monarque que le sommeil étant proche de la mort, il peut sans se parjurer faire envoyer son grand Vizir Ad Patres par ses sbires

 

Seigneur, Rustan Bassa, m’a dit en peu de mots,
Le doute mal fondé, qui trouble ton repos :
Mais entends seulement, ce que le Ciel m’inspire,
Pour trouver ce repos, et celui de l’Empire :
Prête l’âme et l’oreille, enfin écoute moi ;
Car c’est le Ciel qui parle, et te prescrit sa loi.
Tu promis au Vizir, dont ton âme est ravie,
Que tant que Soliman, serait encor en vie,
Nulle tragique fin, n’achèverait son sort ;
Mais parmi les savants, il est plus d’une mort.
Certains Peuples Seigneur, dont l’Exemple est utile,
Ont un mort entre eux, qu’il appellent civile :
D’autres plus éclairés, ont enseigné souvent,
Que pendant le sommeil, l’homme n’est point vivant.
En effet il est mort, pendant cet intervalle :
Au corps comme en l’esprit, cette mort est égale :
L’âme semble sortir, et quitter sa prison ;
Et l’homme n’est plus homme, étant sans la raison.
Toute ses fonctions, demeurent suspendues ;
Non, il n’est plus vivant, puisqu’il les a perdues ;
Il ne voit, ni n’entends ; bref il est mort ainsi ;
Et lorsqu’il se réveille, il ressuscite aussi ;
Comme après cette mort qu’on nomme naturelle,
Notre corps va reprendre, une gloire immortelle :
Et c’est par ces raisons, qu’il faut tomber d’accord,
Que la mort est sommeil, que le sommeil est mort.
(V, 4, p. 152-153).

 

(4)

SCENE IV. Mais comme la précipitation et la colère nuisent beaucoup à la sagesse des résolutions, avant d’entreprendre et d’exécuter témérairement ce qu’il projette, Solyman se détermine à consulter le grand Muphty, chef suprême du mahométisme dans son empire. Celui-ci hésite longtemps ; enfin il reçoit quelques réponses d’une statue parlante de la lune, sorte d’idole qu’il avait consultée, et comme s’il ressentait au-dedans de soi les effets de l’inspiration divine, il prédit les événements encore incertains de la guerre.
(Lazare Maurice Tisserand, Le Théâtre au collège: étude sur les exercices dramatiques dans les écoles, Paris, Dumoulin, 1859, p. 103)

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