Mon néant

« S’il faut que vos bontés veuillent me consoler,
Et jusqu’à mon néant daignent se ravaler, »
Le Tartuffe, III, 3 (v. 981-982)

Le terme fait partie du vocabulaire dévot.

 

Il figure avec une grande fréquence dans les textes où le pécheur s’exhorte à « souffrir l’ignominie », entre autres, dans

Le Chrétien intérieur ou la Conformité intérieure que doivent avoir les chrétiens avec Jésus-Christ (1660) (1)
L’Imitation de Jésus-Christ (1656) de Pierre Corneille (2)
– dans Dieu seul, ou l’Association pour l’interêt de Dieu seul (1662) d’Henri-Marie Boudon (3)

 

 


 

(1)

CHAPITRE III
Que le centre et le repos de la créature est son néant

Notre seigneur me donne une vue si claire de mon néant et de mon indignité que je suis convaincu que c’est ma place, dont je ne puis et ne dois sortir.[….] Que cette vue de mon néant et de mon impuissance m’est agréable et qu’elle me donne de repos, car c’est mon vrai centre.
[…]
Qu’est-ce que la créature après la chute d’Adam ? ce n’est que néant, c’est l’infirmité et la fragilité même. Qu’est-ce que la créature après le péché ? c’est un abîme d’orgueil, d’aveuglement et d’aversion de Dieu, de conversion vers ses semblables. Qu’est-ce que la créature, c’est un amas de toute corruption, de toute pauvreté et de toute incapacité. Ce qu’elle doit faire, c’est de s’humilier, s’anéantir, s’abîmer dans le néant et vivre dans une crainte perpétuelle de sa fragilité.
(éd. de 1667, p. 8-10)

 

CHAPITRE VI
Que la vue de notre néant inspire le mépris de nous-mêmes et l’amour de Dieu
(p. 18-20)

 

(2)

Vraiment grand est celui qui dans soi se ravale,
Qui rentre en son néant pour s’ y connaître bien,
Qui de tous les honneurs que l’ univers étale
Craint la pompe fatale,
Et ne l’ estime à rien.
(I, 3)

 

Si tu me laisses à moi-même,
Je n’ ai dans mon néant que faiblesse et qu’ effroi ;
Mais si dans mes ennuis tu jettes l’oeil sur moi,
Soudain je deviens fort, et ma joie est extrême.
(III, 8)

 

Mais si je m’ abaisse et m’ obstine
A me réduire au néant dont je viens,
Si toute estime propre en moi se déracine,
Et qu’ en dépit de tous ses entretiens
Je rentre en cette poudre où fut mon origine,
Ta grâce avec pleine vigueur
Est soudain propice à mon âme.
(III, 8)

 

Et ce feu tout divin, plus il sait pénétrer,
Plus dans mon vrai néant il m’ apprend à rentrer.
(III, 8)

 

Que je dois m’ abaisser, que je dois m’ avilir
Sous tes saints jugements, sous leurs profonds abîmes,
Où je ne vois en moi qu’un néant plein de crimes,
Qui tout néant qu’ il est, ose s’ enorgueillir !
O néant ! ô vrai rien ! Mais pesanteur extrême,
Mais charge insupportable à qui veut s’ élever !
(III, 14)

 

Qu’ ai-je à dire de plus ? Que puis-je davantage,
Que te rendre à jamais un juste et plein hommage,
Sous tes saintes grandeurs toujours m’ humilier,
De mon propre néant jamais ne m’ oublier,
Et par un souvenir fidèle et magnanime
Déplorer à tes pieds ma bassesse et mon crime ?
(III, 21)

 

C’ est de toi, mon sauveur, c’ est de toi, source vive,
Que se répand sur moi tout le bien qui m’ arrive.
Je ne suis qu’un néant bouffi de vanité,
Je ne suis qu’ inconstance et qu’imbécillité ;
(III, 40)

 

(3)

La créature dans son origine n’est qu’un néant ; lors même qu’elle est, dit saint Augustin, elle n’est pas en pouvoir de subsister d’elle-même. A ces néants, elle en ajoute un criminel, qui est le néant du péché. L’on peut juger ensuite si l’on doit s’occuper des intérêts d’une telle créature, qui ne peuvent être que des intérêts de néant, puisqu’elle-même n’est qu’un pur rien.
(« Ne s’attacher qu’aux intérêts de Dieu seul », éd. de 1825, p. 39)

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