Les Anciens sont les Anciens

« Les anciens, Monsieur, sont les anciens, et nous sommes les gens de maintenant. Les grimaces ne sont point nécessaires dans notre siècle, et quand un mariage nous plaît, nous savons fort bien y aller, sans qu’on nous y traîne. »
Le Malade imaginaire, II, 6

L’opposition entre les coutumes des Anciens et celles des Modernes avait été soulignée dans un passage du roman Carmente (1666) de Mlle Desjardins (Mme de Villedieu) :

Si vous me permettez de vous dire mon sentiment sur la manie de vos sages, à quoi sert pour la société civile cette science profonde, dont ce qu’on appelle un savant assaisonne tous ses discours ? Qu’ai-je affaire de savoir comment les Anciens faisaient l’amour, quand je veux le faire dans ce siècle-ci ? Et de quoi me guérit la citation de cinq ou six auteurs qui me sont inconnus, quand il s’agit d’une affaire dont mon coeur seul doit décider ? Croyez-moi, Seigneur, les savants sont bons dans le cabinet, mais ils sont assez inutiles dans la ruelle ; je les tiens fort précieux pour la postérité, mais je ne crois pas qu’ils le soient autant pour le siècle où ils vivent.
(p. 346)

 

Auparavant elle avait été fréquemment alléguée dans les prologues de comédies érudites italiennes. Ainsi,

 

– dans le prologue de I Bernardi (1564), comédie de Francesco d’Ambra :

A dotti habbiam’a dir, che e’ non aspettino
Una commedia grave e copiosissima
Di sententie, com’una di Terenzio,
O d’altro anticho, ma tal, qual producano
I tempi nostri, che non sendo simili
A quelli antiqui, non è anco miracolo
Se non son simil gli huomini
e le favole
da lor composte.
(n. p.)

 

– dans le prologue de La strega (1582) de Grazzini :

Aristotele e Orazio viddero i tempi loro, ma i nostri sono d’un altra maniera, habbiamo altri costumi, altra religione, e altro modo di vivere, e pero bisogna fare le commedie in altro modo ; in Firenze non si vive come si viveva già in Atene et in Roma
(p. 13)

 

Elle est utilisée dans De la Recherche de la vérité (1674-1675) de Malebranche pour dénoncer les errements des « faux savants » :

La carte de leur pays ou de leur ville leur est souvent inconnue, dans le temps qu’ils étudient les cartes de la Grèce ancienne, de l’Italie, des Gaules du temps de Jules César, ou les rues et les places publiques de l’ancienne Rome. Labor stultorum, dit le sage, affliget eos, qui nesciunt in urbem pergere : ils ne savent pas le chemin de leur ville, et ils se fatiguent sottement dans des recherches inutiles. Ils ne savent pas les lois ni les coutumes des lieux où ils vivent ; mais ils étudient avec soin le droit ancien, les lois des douze tables, les coutumes des Lacédémoniens, ou des Chinois, ou les ordonnances du Grand Mogol.
(IV, 7, éd. de 1688, p.443)

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