Le fouet

« Oh çà, je m’en vais vous faire voir quelque chose, moi. Il va prendre une poignée de verges.– Ah! mon papa. – Ah, ah, petite masque, vous ne me dites pas que vous avez vu un homme dans la chambre de votre soeur ? – Mon papa. – Voici qui vous apprendra à mentir. LOUISON se jette à genoux.- Ah! mon papa, je vous demande pardon. C’est que ma soeur m’avait dit de ne pas vous le dire; mais je m’en vais vous dire tout.- Il faut premièrement que vous ayez le fouet pour avoir menti. Puis après nous verrons au reste. – Pardon, mon papa. – Non, non. – Mon pauvre papa, ne me donnez pas le fouet. – Vous l’aurez. – Au nom de Dieu, mon papa, que je ne l’aie pas. ARGAN, la prenant pour la fouetter.- Allons, allons. »
Le Malade imaginaire, II, 8

Dans son traité De la Recherche de la vérité (1674), Malebranche condamne les châtiments corporels (1).

 

Un jeu de scène du « petit enfant Guillaume », présentant des éléments communs avec cette scène du Malade imaginaire, est indiqué dans

– les notes de Biancolelli sous « La Suite du Festin de pierre » (2)
– « La Suite du Festin de pierre » (jouée 4 février 1673) (3)

 

 


 

(1)

Il n’y a rien qui soit si contraire à l’avancement des enfants dans les sciences que les divertissements continuels dont on les récompense, et que les peines dont on les punit et dont on les menace sans cesse.
Mais ce qui est infiniment plus considérable, c’est que ces craintes de châtiments et ces désirs de récompenses sensibles, dont on remplit l’esprit des enfants, les éloignent entièrement de la piété.
[…]
Les plus petits enfants ont de la raison aussi bien que les hommes faits, quoiqu’ils n’aient pas d’expérience : ils ont aussi les mêmes inclinations naturelles, quoiqu’ils se portent à des objets bien différents. Il faut [donc les accoutumer à se conduire par la raison, puisqu’ils en ont; et il faut les exciter à leur devoir en ménageant étroitement leurs bonnes inclinations. C’est éteindre leur raison et corrompre leurs meilleures inclinations que de les tenir dans leur devoir par des impressions sensibles. Ils paraissent alors être dans leur devoir, mais ils n’y sont qu’en apparence. La vertu n’est pas dans le fond de leur esprit ni dans le fond de leur coeur; ils ne la connussent presque pas, et ils l’aiment encore beaucoup moins. Leur esprit n’est plein que de frayeurs et de désirs, d’aversions et d’amitiés sensibles, desquelles il ne se peut dégager pour se mettre en liberté t pour faire usage de sa raison. Ainsi les enfants qui sont élevés de et te manière basse et servile s’accoutument peu à peu à une certaine insensibilité pour tous les sentiments d’un honnête homme et ; un chrétien, laquelle leur demeure toute leur vie; cl quand ils espèrent se mettre à couvert des châtiments par leur autorité ou par leur adresse, ils s’abandonnent à tout ce qui flatte la concupiscence et les sens, parce qu’en effet ils ne connaissent point d’autres biens que les biens sensibles.

 

Il est vrai qu’il y a des rencontres où il est nécessaire d’instruire les enfants par leurs sens, mais il ne le faut faire que lorsque la raison ne suffit pas. Il faut d’abord les persuader par la raison de ce qu’ils doivent faire; et s’ils n’ont pas assez de lumière pour reconnaître leurs obligations, il semble qu’il faille les laisser en repos pour quelque temps. Car ce ne serait pas les instruire que de les forcer de faire extérieurement ce qu’ils ne croient pas devoir faire, puisque c’est l’esprit qu’il faut instruire et non pas le corps. Mais s ils refusent de faire ce que la raison leur montre qu’ils doivent taire, il ne le faut jamais souffrir; et il faut plutôt en venir à quelque sorte d’excès, car en ces rencontres celui qui épargne son fils a pour lui, selon le Sage, plus de haine que d’amour.

 

Si les châtiments n’instruisent pas l’esprit, et s’ils ne font point aimer la vertu, ils instruisent au moins en quelque manière le corps, et ils empêchent que l’on ne goûte le vice, et par conséquent que l’on ne s’en rende esclave. Mais ce qu’il faut principalement remarquer, c’est que les peines ne remplissent pas la capacité de l’esprit, comme les plaisirs. On cosse facilement d’y penser, des qu’on cesse de les souffrir et qu’il n’y a plus de sujet de les craindre. Car alors elles ne sollicitent point l’imagination ; elles n’excitent point les passions ; elles n’irritent point la concupiscence ; enfin elles laissent à l’esprit toute la liberté de penser à ce qu’il lui plaît. Ainsi on peut s’en servir envers les enfants pour les retenir dans leur devoir ou dans l’apparence de leur devoir.
(« Avis pour bien élever les enfants », II, 1, VIII, 2)

 

(2)

Arrive Scaramouche, qui fait la scène du petit enfant perdu qui dit qu’il s’appelle Guillaume; ensuite il fait le père qui le veut battre, je lui dis de demander pardon à son père, il le fait et feint de pleurer; ensuite, feignant de le battre, il m’assomme de coups.
(éd. D. Gambelli, Arlecchino a Parigi. Lo scenario di Domenico Biancolelli, Rome, Bulzoni, 1993, t. II, p. 321)

 

(3)

Nous faisons le lazzi du petit enfant perdu qui s’appelle Guillaume, puis celui du père qui veut le battre. Je lui dis : « Demande pardon à ton père », il feint de pleurer; Guillaume, le père, feignant de battre son fils, me rosse, je lui dis : « Vous estropiez cet enfant ».
(éd. D. Gambelli, Arlecchino a Parigi. Lo scenario di Domenico Biancolelli, Rome, Bulzoni, 1993, t. II, p. 596)

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