Hors de son sentiment on n’a pu l’entraîner

« Non, l’on n’a point vu d’âme à manier, si dure,
Ni d’accommodement plus pénible à conclure ;
En vain, de tous côtés, on l’a voulu tourner,
Hors de son sentiment, on n’a pu l’entraîner
[…]
Non, Messieurs, disait-il, je ne me dédis point »
Le Misanthrope, IV, 1, v. 1133-1139

L’attitude d’Alceste correspond aux caractéristiques de l’ « opiniâtreté » telle que la conçoit La Mothe le Vayer

– dans la première des « homélies académiques » (Homélies académiques, 1664), intitulée « Des disputes opiniâtres » (1)
– dans le dialogue intitulé « De l’opiniâtreté » (Cinq dialogues à l’imitation des Anciens) (2).

 

Ce trait caractérisera également Pancrace dans Le Mariage forcé (« je crèverais plutôt ») et Thomas Diafoirus dans Le Malade imaginaire (« ferme dans la dispute »).

 

 


 

(1)

Il s’est de tout temps trouvé des gens tels qu’on en voit aujourd’hui, qu’on dépouillerait plus aisément de leur peau que de leurs préventions d’esprit, sans parler de ceux à qui le sens commun est un sens qu’on pourrait mieux nommer un sens rare et presque inconnu, tant ils en possèdent peu. Cependant, quoi qu’ils aient une fois entrepris de soutenir, ils ne s’en dédisent jamais et, comme ceux qui se noient embrassent tout ce qu’ils peuvent rencontrer, il n’y a point de si mauvaise raison qu’ils ne débitent ridiculement, quand ils se sentent pressés, mettant leur gloire à faire paraître une force d’esprit qui est souvent celle d’un furieux. […] Condamnons comme très pernicieuse la mauvaise éducation qui se prend dans la plupart des collèges, où la jeunesse est portée à parler toujours, en quelque défaut de raison qu’elle se puisse trouver.
(« Des disputes opiniâtres », Oeuvres, éd. de 1756, III, 2, p. 7-8)

 

(2)

Il est quasi des esprits comme des métaux ; dont le plus noble est le plus flexible de tous ; ces personnes que vous voyez n’avoir aucune souplesse dans leur conversation […] et qui ne ploient pour qui que ce soit, ont des âmes serrées, d’autant plus visibles qu’elles sont d’une invincible dureté.
– [Les opiniâtres] ne se départent jamais d’une proposition, avec quelque témérité qu’ils l’aient avancée[…] et quelque mauvaise teinture de doctrine qu’ils aient prise la première fois, ils ne la perdent jamais. L’âge ne corrige point en ces personnes les erreurs de leur jeunesse, quod quisque perperam discit, in senectute confiteri non vult, et leurs présuppositions régentent leur jugement avec tant de tyrannie, qu’ils ne discernent plus le vrai du faux, toutes leurs disputes n’allant qu’à s’acquérir la victoire, sans se soucier d’obtenir la vérité.
(« De l’opiniâtreté », Cinq dialogues à l’imitation des Anciens, éd. de 1716, p. 197-198)

 

A mon avis, qu’outre cette sotte vanité que vous remarquez, il y a encore quelque chose de plus puissant, qui tient les hommes opiniâtrement attachés à leurs premières notions. Est-ce point que nos âmes, aussi bien que nos corps, aient des maladies incurables, et que cette jalousie d’opinions en soit une, contre laquelle la raison ne trouve point de remède ? Est-ce point que l’amour propre […] l’emporte sur celui de la vérité, et qu’en faveur du premier nous défendions ainsi nos sentiments contre tout ce qui leur est contraire ? Est-ce point encore qu’il n’y ait rien de si naturel que de contredire, et qu’on puisse assurer en termes de logique que proprium sit homini quanto modo, dissentire ? Pour le moins en voyons-nous beaucoup qui n’ont pas moins d’inclination à se raidir contre tout ce que les autres approuvent, que de certains poissons à nager toujours contre le fil de l’eau.
(Ibid., p. 200-201)

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