La situation dans laquelle l’amoureux secret est en position de départager ses rivaux, soupirants « officiels » et d’un plus haut rang que le sien, se rencontre au début du Don Sanche d’Aragon (1649) de Pierre Corneille, où la reine Isabelle demande à Carlos de choisir entre Don Lope, Don Alvar et Don Manrique (1).
Dans Le Grand Cyrus (1656) de Madeleine de Scudéry (2), Périnthe, amoureux secret et malheureux, est choyé par ses rivaux (voir aussi: « la concurrence de deux princes »).
(1)
Je l’ai fait votre égal ; et quoiqu’on s’en mutine,
Sachez qu’à plus encor ma faveur le destine.
Je veux qu’aujourd’hui même il puisse plus que moi :
J’ en ai fait un marquis, je veux qu’il fasse un roi.
S’il a tant de valeur que vous-mêmes le dites,
Il sait quelle est la vôtre, et connaît vos mérites,
Et jugera de vous avec plus de raison
Que moi, qui n’en connais que la race et le nom.
Marquis, prenez ma bague, et la donnez pour marque
Au plus digne des trois, que j’en fasse un monarque.
Je vous laisse y penser tout ce reste du jour.
Rivaux, ambitieux, faites-lui votre cour :
Qui me rapportera l’ anneau que je lui donne
Recevra sur-le-champ ma main et ma couronne.
Allons, reines, allons, et laissons-les juger
De quel côté l’amour avait su m’engager.
(I, 3)
(2)
Après cela, Madame, il vous est aisé de juger que l’amour produisit des effets biens différents en l’âme de ces deux princes. Aussi leurs desseins eurent-ils un succès fort inégal. Ils agirent pourtant également en quelques rencontres ; car comme Mexaris, en toutes les choses où il n’y avait point de dépense à faire, n’était pas moins soigneux et moins complaisant qu’Abradate ; sachant combien Panthée aimait Doralise, et estimait Perinthe, il tâcha de s’en faire aimer aussi bien que lui. De sorte que cet amant secret de la princesse eut une persécution que personne que lui n’a peut-être jamais éprouvée, qui fut de recevoir cent mille civilité de ses rivaux, qu’il était obligé de leur rendre.
(5e partie, livre I, p. 63-64)