Les mêmes ambitions féminines étaient revendiquées dans les Nouvelles Observations sur la langue française (1668) de Marguerite Buffet :
Je sais qu’elles aiment les belles choses et qu’elles ne sont pas moins capables d’en juger que les hommes, ayant les mêmes dispositions pour les apprendre. Ceux qui savent connaître la vivacité et l’excellence de leur esprit n’ignorent point que, dans toutes les sciences où elles voudraient s’appliquer, elles s’y rendraient aussi habiles que les hommes.
( p. 8)
Le bien-fondé de ces ambitions avait été débattu dans des conférences du Recueil du bureau d’adresses de 1666 ( p. 53sq).
L’aspiration féminine au savoir était dépeinte sur le mode satirique dans
– La Précieuse (1656-1658) de l’abbé de Pure :
Le second ouvrage ou plutôt le second dessein et qui est bien d’une plus haute conséquence, est celui de rétablir l’empire du sexe, usurpé par le nôtre, avec tant d’injustice, dit-elle, qu’il n’ est aucun empire dont on leur fasse part, ou du moins où l’on ne lui fasse injustice. Car, dit-elle, si la nature veut faire régner notre jeunesse par le mérite de la beauté, donner quelque élévation à notre rampant, et nous approcher tant soit peu du trône que possèdent les hommes, aussitôt paraissent des obstacles : ou son succès alarme sa mère et sa parente ; ou son empire fait des envieuses parmi ses compagnes, ou du désordre parmi des rivaux ; ou sa vertu même cruelle à ses plaisirs, la contraint de renoncer à ses plus illustres avantages, pour conserver son honneur et sa gloire.
(éd. Magne, Paris, Droz, 1938, t. II, p. 268)
Si mon parti eut quelque suite, il eut aussi quelque traverse ; il y eut des dames qui trouvèrent mauvais cet essai d’être savante, cet effort pour leur défense, et le désir d’égaler l’intelligence des hommes. Ces esprits critiques n’ayant été élevés que dans le ménage, n’avaient aussi tout au plus de l’ambition que pour les maris, et ne pouvaient approuver ce vol audacieux, qui portait l’esprit à examiner les belles choses, et à les savoir par leurs véritables raisons. Et les mêmes jugèrent mal de cette honnête hardiesse, que d’aucunes se donnaient de faire des vers, des romans et qui consommaient leur temps et leurs soins à ces choses inutiles. Mais cette persécution eut plus de violence que de durée et finit aussitôt qu’on eut vu le caractère du savoir que professaient mes compagnes et moi. Leur critique même nous fut utile ; car elle nous fit redoubler nos précautions, et nous obligea à être encore plus modestes, et à travailler avec autant de soin à composer l’apparence que l’esprit et rendre le dehors digne du dedans.
(éd. Magne, t. II, p. 277)
– Le Cercle des femmes (1656) de Chappuzeau :
EMILIE
[…] Je méprise désormais les hommes, autant qu’ils se peuvent priser eux-mêmes, et nous allons bientôt les mettre si bas qu’ils ne se pourront jamais relever.
( p. 25)
EMILIE
[…] Vous savez donc le sujet pour lequel nous nous assemblons aujourd’hui ; vous savez, dis-je, combien il est déchu de nos droits de ce que, tandis que les hommes veillent avec tant de soin à leurs intérêts, nous nous tenons enfermées dans la maison avec l’aiguille, négligeant si honteusement les nôtres. […] Les hommes de lettres ont leur synodes, les gens de guerre ont leurs assemblées ; il n’est pas jusqu’aux fourmis qui n’aient les leurs. Nous seules entre tous les animaux ne cherchons jamais de jonction.
( p. 53-54)
De façon qu’au point où nos affaires sont aujourd’hui, il est à propos de faire des règlements qui soient suivis de tout notre sexe. Nous aurons aussi à traiter quelques articles touchant les hommes qui nous ôtent toute administration et nous tenant pour leurs blanchisseuses et leurs cuisinières font toutes choses à leur volonté.
( p. 64)
– L’Académie des femmes (1661) de Chappuzeau :
EMILIE
[…]
Faisons sortir pour nous ainsi que du tombeau
[…] pour tout notre sexe une autre destinée.
Aux hommes pleins d’orgueil il est par trop soumis,
Nous n’oserions rien faire et tout leur est permis !
Pour notre unique emploi, pour tout notre partage,
N’aurons-nous donc jamais que les soins du ménage,
Et sans faire valoir notre capacité
Auront-ils dans l’état toute l’autorité ?
[…]
Ils ont pour s’établir sénat, académies,
Cours, diètes, conseils; nous seules endormies
Nous seules sur le point de nous voir accabler
Ne songeons point qu’il est temps de nous assembler.
(III, 3, p. 38)
Depuis mon mari mort je fais la nique aux hommes,
Je leur ferai bientôt savoir ce que nous sommes,
Et nous avons assez souffert de leur humeur,
Pour leur montrer, enfin, que nous avons du coeur.
(I, 4, p. 13)