Des tentatives de procurer une définition de la jalousie se retrouvent, au XVIIe siècle, aussi bien :
– dans la littérature morale; ainsi, par exemple, dans
– *La Défense de la jalousie (1642) de René Bary (1).
– *le Traité de la jalousie (1674) d’Antoine Courtin (2).
que
– dans la littérature mondaine, en particulier dans les questions d’amour; ainsi dans
– *les Questions d’amour (1671) de Charles Jaulnay (3)
(1)
Dans La Défense de la jalousie de René Bary (Paris, P. Rocolet, 1642), Bérénice entreprend d’entretenir une compagnie « d’une passion dont le nom même offense les oreilles » (p.16). La question est alors soulevée de savoir si la jalousie est mauvaise, ou si « elle est indifférente » (p.46). Dans le débat qui suit entre Clisante et Théophane, la définition de la jalousie constitue une question préjudicielle :
Il y a deux sortes d’amour, l’un est parfait, et l’autre ne l’est pas ; celui-là est accompagné d’une crainte respectueuse ; Et celui-ci d’une jalouse crainte. […] Comme la jalousie embarrasse l’esprit et l’altère, il ne faut pas s’étonner si la conduite est défectueuse, et si elle est plus nuisible que considérable. […]
(p. 49 et suiv.)
Comme dans le « raisonnement » mené par Alain, la conduite du jaloux est, dans la bouche de Clisante, l’un des éléments qui permettent de caractériser cette passion :
Le désir de savoir s’il est aimé ou s’il ne l’est pas le violente tellement qu’il qu’il suit jusques à l’Eglise celle dont la conduite lui est suspecte. Il caresse les servantes et les valets, il leur fait quantité de dons, mais ses présents sont ses ennemis : et plus il tache d’être assuré de ce dont il est incertain, et moins il réussit son entreprise […].
(p. 49 et suiv.)
Son discours se fonde en outre, comme celui d’Alain, sur un large usage de la comparaison :
[les défenseurs de la jalousie] disent que comme le soleil n’est jamais sans lumière, l’amour n’est jamais sans jalousie, et que comme l’éclair est le signe de la foudre qui va éclater, la jalousie est une marque de l’amour qui va paraître vivement. Mais quoi que cette comparaison semble pressante, si est-ce qu’elle est faible, et qu’elle est plus digne de mépris que de réponse. Comme le soleil en son midi ne jette point d’ombre, l’amour en sa perfection ne souffre point d’ombrage, et comme l’éclair est le signe de la foudre qui va crever la nue, épouvanter l’ouie et faire des ravages ici-bas, Ainsi la jalousie est le signe d’un amour qui va perdre le respect et l’honneur, et qui va même exercer toutes les cruautés dont ses fureurs sont capables. […] la plupart des philosphes ont reconnu que comme la fièvre était le signe d’une vie imparfaite, la jalousie était une marque d’un amour défectueux, et que comme par le venin de la fièvre, l’on passait souvent de la vie à la mort, par celui de la jalousie, l’on passait souvent de l’amour à son contraire.
(p. 64-66)
(2)
La définition de la jalousie constitue également l’un des sujets centraux de l’ouvrage de Courtin, Traité de la jalousie (1674) :
L’erreur où tombe la plupart du monde, en croyant que la jalousie n’est pas seulement un effet ordinaire, mais une des plus puissantes preuves de l’amour, a donné occasion à ce traité : la jalousie (disent-ils) est à proprement parler un amour excessif, qui est à cause de cet excès un amour malade […] C’est cette erreur que l’on s’est proposé ici de combattre […]. Pour la bien connaître, il faut d’abord la distinguer de certaines autres jalousies, qui portent à la vérité ce nom, mais qui n’en ont pas les qualités.
( p. 1-3)
(3)
DE LA JALOUSIE
QUESTION PREMIERE
Qu’est-ce au vrai que la jalousie ? qu’est-ce précisément qu’elle craint ?
Réponse
C’est un soupçon bien ou mal fondé de la légèreté, de la coquetterie ou de l’infidélité de ce que l’on aime; c’est la crainte de faire cette tendresse qui fait tout notre bonheur.
( p. 101)