Assaisonner la bonne chère

« C’est merveilleusement assaisonner la bonne chère, que d’y mêler la musique, et je me vois ici admirablement régalée ».
Le Bourgeois gentilhomme, IV, 1

Le grand couvert du roi se déroulait au son des vingt-quatre violons de la Chambre, qu’il prêtait parfois à des particuliers (1).

 

Ces concerts sont aussi décrits par les romans contemporains (2), mais la cour développe de véritables sérénades

– lors des fêtes des Plaisirs de l’Ile enchantée en mai 1664 (3)
– lors de la réception du cardinal Chigi, légat du Pape en juillet de la même année (4),
– lors des fêtes données en l’honneur de la convalescence de la reine en juin 1665 (à l’occasion desquelles la troupe de Molière joua Le Favori de Mme de Villedieu)… (5)

 

(1)

L’abbé de Bouillon donna à souper au prince de Conti, au prince de Marsillac, aux chevaliers de La Rochefoucauld et de Gramont, etc. Ils eurent en soupant les vingt-quatre violons du roi.
Mémoires inédits sur la Fronde, Journal de Dubuisson-Aubenay, 15 Juin 1649, cité par P.A. Chéruel, Mémoires de Mlle de Montpensier, 1858, t. I, p. 63.

 

(2)

Je ne m’arrêterai pas non plus, à vous décrire le festin : et il me suffira de vous dire que tout ce qu’on y servit fut exquis, que la musique fut excellente, que les Phrygiennes dansèrent miraculeusement et que la conversation pendant le repas fut infiniment agréable.
Madeleine et Georges de Scudéry, Artamène ou le Grand Cyrus, 1656, IX, livre II, p.370.

 

(3)

[…] l’on vit entrer l’Orphée de nos jours, vous entendez bien que je veux dire Lully, à la tête d’une grande troupe de Concertants, qui s’étant approchés à petits pas, et à la cadence de leurs instruments près des Reines, se séparèrent en deux bandes à droit et à gauche du haut Dais, en bordant les palissades du Rond, […] Tous les Concertants passèrent à droit et à gauche de la Barrière, et s’allèrent placer sur un Amphithéâtre qui était derrière la table ; et certes, il faut avouer qu’en ce moment là, les yeux, et les oreilles eurent toute la satisfaction que la nature, l’art, et l’harmonie étaient capables de leur donner, et que jamais rien n’eut tant l’air d’un enchantement, que ce que l’on vit dans cette place, où cent objets différents occupaient toute l’imagination des spectateurs.
Jacques Carpentier de Marigny, Relation des divertissements que le Roi a donné aux Reines dans le Parc de Versailles, Paris, Barbin, 1664, pp.24-25 et 30-31.

 

(4)

Ensuite, on couvrit une Table
De maint aliment délectable,
Dont je tais le dénombrement,
Et je vous dirai seulement,
Qu’on le servit à cinq services ;
Et pour augmenter les délices,
Les agréments et les appas
De ce magnifique Repas,
Des Violons, la grande Bande,
Y joua mainte sarabande,
Avec quantité d’airs nouveaux,
Que l’on trouva charmants et beaux,
Ou plusieurs Hautbois se mêlèrent,
Qui fort plaisamment raisonnèrent […].
Loret, Lettre XXVII, du samedi 12 juillet 1664

 

(5)

Dans un endroit du bois, où l’Art et la Nature
D’une rondeur parfaite ont tracé la figure,
Un dôme verdoyant, l’asile des oiseaux,
Soutenait dans les airs un cercle de flambeaux,
Dont le brillant éclat éclairait quatre tables,
Mille fois au-dessus de ce qu’ont feint les fables.
Plusieurs festons de fleurs, appliqués galamment,
De ce fertile cercle achevaient l’ornement.
Et ce fut là qu’au son d’une belle musique
S’acheva ce repas galant et magnifique ;
Ce repas que ma Muse avec tout son effort
Ne put peindre sans honte et sans lui faire tort.
Mme de Villedieu, Description d’une des fêtes que le roi a faites à Versailles, 1665, éd. Aurore Evain, 2009

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