Pour changer un peu de discours,
Une chose de fort grand cours
Et de beauté très singulière
Est une pièce de MOLIÈRE.
Toute la Cour en dit du bien :
Après son MISANTHROPE il ne faut plus voir rien ;
C’est un chef-d’oeuvre inimitable.
Mais moi, bien loin de l’estimer,
Je soutiens, pour le mieux blâmer,
Qu’il est fait en dépit du Diable.
Ce n’est pas que les vers n’en soient ingénieux :
Ils sont les plus charmants du monde,
Leur tour, leur force est sans seconde,
Et serait fin qui ferait mieux ;
Mais je prouve ainsi ma censure :
Il peint si bien tous les péchés
Que le Diable fait faire à toute la Nature
Que ceux qui s’en croiront tâchés
Les haïront sur sa peinture,
Et qu’ainsi les Diables, à cru,
N’y gagneront plus un fétu.
Il daube encor si fort le Marquis ridicule
Que de l’être on fera scrupule,
Et ce n’est pas un petit tort
Que cela ferait à nos PRINCES,
Qui de ces Marquis de Provinces
Parfois se divertissent fort.
Cela me fait dire en colère
Ce qu’autrefois j’ai déjà dit :
Qu’on devrait défendre à MOLIÈRE
D’avoir désormais tant d’esprit.
(Texte saisi par David Chataignier à partir du Tome I (mai 1665-juin 1666) de l’édition du Bon Nathan-James-Edouard de Rothschild et de Émile Picot, 1881-1883, Paris, D. Morgand et C. Fatout éditeurs).
– Autres textes concernant Les spectacles et la vie de cour dans les Continuateurs de Loret en 1666