Le noble qui vit mal est dépeint sous les traits d’un monstre dans le Nouveau Recueil de pièces comiques et facétieuses les plus agréables et divertissantes de ce temps (1661) :
Le Noble-vilain.
C’est presque un autre Minotaure que celui que mon pinceau vous représente dans ce petit tableau. C’est un gentilhomme de nom, mais non d’effet. Il est sorti de noble tige plutôt par richesse que par vertu ; car ses actions sont si brutales qu’il montre d’être demi-homme et demi-taureau. Le lustre que ses parents lui ont acquis et laissé est comme le diamant d’Ésope, trouvé dans le fumier ; car il est civil comme un sauvage, doux comme un marinier, discret comme un maquereau, vaillant comme une vache, adroit comme un pitaud et libéral comme un gavot de Provence. Il sait faire quelques Ergo, pour avoir respiré sous la pédanterie ; mais voilà tout ce qui est de beau en lui. Tout ainsi que le Minotaure tenait de la personne en ce que Pasiphaé s’était prostituée au taureau, de même ce noble vilain ne paraît noble qu’en ce que Minerve a contribué quelque chose pour l’ornement de sa jeunesse ; mais il arrivera que quelque vaillant Thésée, c’est-à-dire le mépris qu’en feront ceux qui sont vrais nobles, conduit par le favorable peloton de la considération, l’égorgera et exterminera, afin que le labyrinthe de ce siècle soit purgé de ce monstre trop horrible et épouvantable.
(p. 82-83) (source : indication aimablement fournie par François Rey)