Tant de folles

« — Ah! Madame, c’est vous qui voulez être mère malgré tout le monde; il n’est point d’yeux qui ne s’y opposent, et si vous le vouliez, la princesse Ériphile ne serait que votre soeur.
— Mon Dieu, Prince, je ne donne point dans tous ces galimatias où donnent la plupart des femmes; je veux être mère, parce que je la suis, et ce serait en vain que je ne la voudrais pas être. Ce titre n’a rien qui me choque, puisque de mon consentement je me suis exposée à le recevoir; c’est un faible de notre sexe, dont grâce au Ciel je suis exempte, et je ne m’embarrasse point de ces grandes disputes d’âge, sur quoi nous voyons tant de folles. »
Les Amants magnifiques, acte I, scène 2
.

L’attitude d’Aristione s’oppose à celle de l’héroïne de la Mère coquette (1665), deux comédies au titre identique sur un sujet similaire de Donneau de Visé (1) et Philippe Quinault (2).

 

 


 

(1)

IACINTE.
Madame, d’où vous vient cette langueur mortelle?
Vous êtes, quoique veuve, et jeune, et riche, et belle,
Votre fille est bien faite, et a beaucoup d’esprit.

 

LUCINDE.
Ah, c’est de sa beauté dont vient tout mon dépit.
Les mères, tu le sais, qui sont encore belles
Ne doivent point avoir de filles auprès d’elles.
Nos attraits sont toujours effacés par leurs…
( I,1)

 

(2)

ISMENE.
Une fille à seize ans défait bien une mère.
J’ai beau par mille soins tâcher de rétablir
Ce que de mes appas l’âge peut affaiblir,
Et d’arrêter par art la beauté naturelle
Qui vient de la jeunesse, et qui passe avec elle.
Ma fille détruit tout dès qu’elle est près de moi :
Je me sens enlaidir sitôt que je la vois.
Et la jeunesse en elle , et la simple nature ,
Font plus que tout mon art, mes soins et ma parure.
Fut-il jamais sujet d’un plus juste courroux?
[…]

 

LAURETTE.
Elle ne vous fait pas tant de tort qu’il vous semble,
On vous prend pour deux soeurs quand on vous voit ensemble.

 

ISMENE
Sans mentir?

 

LAURETTE.
Je vous parle avec sincérité.
Ismène, se regardant dans son miroir de poche
Comment suis-je aujourd’hui ? mais dis la vérité.

 

LAURETTE.
Vous ne fûtes jamais plus jeune ni plus belle;
Surtout votre beauté paraît fort naturelle.

 

ISMÈNE.
Est-il bien vrai, Laurette?

 

LAURETTE.
Il n’est rien plus certain.
( II, 2)

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