Le principe de la pantomime avait été décrit, entre autres, dans
– les « Remarques pour la conduite du ballet » (1658) du Père Ménestrier (1)
– le roman Macarise (1663) de l’abbé d’Aubignac (2)
– une des Conférences du Bureau d’adresses (66e Conférence: « De la danse ») (3)
– le traité De la prudence ou des bonnes règles de la vie (1673) de Charles Sorel (4).
Le terme était également connu des contemporains au travers du traité De la danse de Lucien, où il sert à désigner le danseur (5).
(1)
Il faut aussi exprimer les passions, et c’est le chef d’oeuvre de l’art, parce qu’il en faut parfaitement connaître la nature, et comme elles ont des principes intérieurs, dont on ne voit que les effets, il est difficile de les exprimer. L’Amour demande des empressements, et des tendresses, un visage serein, et autant de formes différentes qu’elle a d’actes divers ; il faut que tout parle en elle, que les yeux deviennent éloquents par leurs regards, et qu’il en sorte des esprits de feu mes lez de larmes, que le plaisir exprime. Il faut qu’il paroisse de la contrainte dans l’Amour naissante, de la hardiesse dans ses progrès, et du transport dans sa bonne fortune. Enfin il lui faut donner toutes les couleurs que les Philosophes ont remarquées. La colère est fougueuse, elle s’emporte et n’a rien de réglé. Tous ses mouvements sont violents et c’est dans cette passion que les pas doivent être précipités dans une cadence inégale, qu’il faut battre du pied, aller par élancements, menacer de la teste, et de la main, et jeter des regards farouches et furieux, la crainte a des pas lents dans les approches, et précipités dans les retraites, une démarche tremblante et suspendue, la vue égarée et les bras embarrassés. Je ne m’arrête pas à la description des autres.
(cité par Marie-Françoise Christout, Le Ballet de Cour de Louis XIV, 1643-1672, Picard, nouvelle édition 2005, annexe IV, p.233-234)
(2)
Après quoi ils laissèrent le théâtre à plusieurs Mimes, dont les uns représentaient des filous, les autres des Magiciennes, mais imprimant si bien dans leurs actions ce qu’ils voulaient faire entendre que l’on y lisait aisément ce que les paroles n’avaient pas mieux expliqué.
On admira surtout deux Pantomimes qui se firent paraître capables de tout imiter ; tantôt ils faisaient une divinité céleste, et tantôt ils faisaient une infernale, ils agissaient maintenant comme des Rois, et maintenant comme les derniers hommes du peuple ; ils contrefaisaient les sages et les fous d’une pareille adresse, faisant de leur corps une éloquence muette, de leurs bras des discours et de leurs doigts des paroles, et s’expliquant aussi clairement par leurs postures qu’ils eussent pu faire par la voix.
(p. 396-397)
(3)
Mais les théâtrales, que les Mimes et Pantomimes représentaient dans les Orchestres, étaient semblables à celles de nos ballets, et exprimaient si bien tous les gestes, qu’un Roi du Pont ne trouva rien de plus excellent dans Rome que l’un de ces Mimes, qu’il obtint de Néron pour lui servir d’interprète vers les Ambassadeurs. Car les gestes ont cela par dessus la voix, qu’ils s’entendent de toutes les nations, pour ce que ce sont les images naïves et naturelles des choses et des actions; où la voix et l’écriture ne sont que des signes par institutions. C’est pourquoi aussi, la danse est des plus dangereuse lorsqu’elle imite par ses gestes des choses déshonnêtes: car elle fait une plus forte impression sur l’esprit qu’aucune autre chose.
(éd. de 1666, tome II, p. 184)
(4)
Dans les Mascarades on fait quantité d’actions, de pas et de postures, qui avec la diversité des habits représentent différentes choses. Cela ne va pas si loin que ce qu’on fait autrefois les Pantomimes qui par divers gestes représentaient telle Histoire qu’ils voulaient sans parler: C’était des Comédiens propres à instruire des Muets, qui étaient gagés pour donner du passe-temps au Peuple: Mais dans nos Ballets ou Mascarades, outre les Baladins ordinaires, il y a des Hommes de qualité qui se mettent de la Partie. Si on leur donne un Personnage sérieux, ils font paraître leur gravité et leur adresse, et quand ils auraient un Personnage ridicule, encore recevraient-ils quelque louange de si bien contrefaire ce qui est fort éloigné d’eux.
( p. 74-75)
(5)
Je représenterai maintenant quelles sont les qualités que doit avoir un bon danseur, pour faire voir que cet Art n’est pas des plus faciles. Car il faut que le Pantomime, ou danseur de Ballet, qui est celui dont j’entends parler, sache plusieurs choses, comme la Poésie, la Géométrie, la Musique, et la Philosophie même […]. Il faut qu’il ait aussi le secret d’exprimer les passions et les mouvements de l’Ame que la Rhétorique enseigne, et qu’il emprunte de la Peinture et de la Sculpture les diverses postures et contenances, en sorte qu’il ne le cède point à Phidias ni à Apelle pour ce regard.
(trad. Perrot d’Ablancourt, 1654, p. 441)