Myrtil et Mélicerte

Nicolas-Armand-Martial GUERIN D’ESTRICHE, Myrtil et Mélicerte, pastorale héroïque, Paris, P. Trabouillet, 1699

MYRTIL
ET
MELICERTE,
PASTORALE HÉROÏQUE,
A PARIS,
chez PIERRE TRABOUILLET, au
Palais, dans la Galerie des Prisonniers,
à l’Image S. Hubert.
M. DC. XCIX.
AVEC PRIVILEGE DU ROI.

 

 

A SON A. S.
MADAME LA PRINCESSE
DE CONTI
DOUAIRIÈRE

 

 

MADAME,

Que je serais heureux, si j’avais assez de force et de délicatesse dans mes productions, pour apprendre au public tout ce que vous doit ma reconnaissance ! Votre Altesse Sérénissime a eu tant de bontés pour loi, qu’il me serait difficile de les exprimer, et j’en fus accablé avant que d’en pouvoir remarquer l’étendue. Lorsque j’eus l’honneur de vous lire Mélicerte, vous daignâtes me rassurer, vous me donnâtes des applaudissements et dès ce même moment vous m’honorâtes de votre protection. Jamais la joie n’avait trouvé plus de sensibilité dans mon âme, et je m’estimais trop heureux de n’avoir pas déplu à la Princesse la plus délicate et la plus éclairée. Cependant, MADAME, Votre Altesse Sérénissime voulut mettre le comble à ses bontés, après avoir entendu lire Mélicerte : elle en parla à Monseigneur si favorablement qu’elle eut l’honneur de paraître devant lui à Fontainebleau : elle en prit le parti, et la décision avantageuse qu’elle en fit ferma la bouche à mes Critiques. Je ne puis oublier ici l’accueil favorable que vous fîtes aux deux Contes de Fées que j’eus l’honneur de vous procurer à Fontainebleau, et la bonté avec laquelle vous receviez les petits Vers que j’offrais quelquefois à Votre Altesse Sérénissime. Je sais, MADAME, que l’on ne devrait exposer à vos yeux que de ces compositions sublimes et hors du commun : Mais si mes expressions n’ont pas été relevées, du moins leur simplicité doit-elle faire connaître le respect du Poète. La grâce que je demande à Votre A. S. c’est de me permettre de donner au public les Vers qu’elle a daignés recevoir. Il est de mon devoir de le faire, et de ma gloire de me dire, MADAME, avec tout le respect possible,

 

De Votre A. S.
Le très humble, très obéissant et très respectueux serviteur,
GUERIN

 

 

REMERCIEMENT DE
l’Auteur à Son Altesse Sérénissime Madame la Princesse de Conti :

Sur la grâce qu’elle lui fit d’entendre
la lecture de Mélicerte
.

Heureux amusements d’une Muse naissante,
Osiez-vous espérer un si rare bonheur ?
Muse, cet excès d’honneur
Surpasse de loin votre attente.
Et comment pourriez-vous être reconnaissante ?
Je le sais, vous avez du coeur :
Vous voudriez avec ardeur,
Reconnaître la faveur
D’une Princesse bienfaisante :
Mais pour de tels efforts vous êtes impuissante :
Soyons justes, n’ayons jamais de vanité.
Quoi, vous flatteriez-vous de louer la Princesse ?
Vous parleriez de sa bonté,
De sa générosité,
De son esprit, de sa délicatesse ;
Mais ce serait à vous trop de témérité,
Vous avez pour cela, Muse trop de faiblesse,
Retournons à nos chalumeaux,
Chantons sous les tendres ormeaux
Les Plaisirs d’un Berger aimé de sa Bergère.
Mais renonçons à des sujets trop hauts ;
Entreprenons ce que nous pouvons faire :
En voulez-vous suivre mon sentiment ?
Montrez-lui votre jugement,
Et votre reconnaissance,
En gardant là-dessus un modeste silence.
Vous voulez cependant faire un remerciement.
Eh bien donc dites-lui respectueusement,
Le destin ne m’est plus sévère ;
Il m’en a coûté des soupirs,
Pour me le rendre moins contraire,
Mais si ma Pastorale au gré de mes désirs,
A le bonheur de ne vous pas déplaire,
Le destin met le comble à mes plus doux plaisirs.

 

 

LETTRE DE L’AUTEUR
A SON A. S.
MADAME LA PRINCESSE
DE CONTI.

MADAME,

Pardonnez à l’ardeur d’une jeune Muse : Les applaudissements qu’elle a reçus de Votre Altesse Sérénissime lui ont donné du courage. Elle est fière d ‘avoir occupé pendant quelques moments l’attention d’une Princesse telle que vous. Après ce glorieux avantage, elle traite avec dédain ses autres compagnes, j’ai beau lui dire qu’elle doit être modeste, et qu’elle ne doit pas abuser de vos bontés. Elle dit pour ses raisons, MADAME, que vous êtes une Princesse si bienfaisante, que vous voudrez bien encor lui pardonner cette importunité : Elle a même donné à ses discours un tour si naturel et si vraisemblable, que je me suis laissé persuader : La grâce que vous m’avez faite semble en quelque façon autoriser ma hardiesse ; ce n’est cependant qu’en tremblant que j’ose vous parler encor des Bergers de la Vallée de Tempé : ils supplient tous Votre Altesse Sérénissime de les honorer de sa protection : ils quitteront avec joie leurs petits Hameaux, pour venir à Fontainebleau, si Monseigneur le souhaite, et qu’il daigne les écouter ; mais comme ils y veulent paraître avec les agréments qui leur sont nécessaires, si l’on leur fait cette faveur, Ils vous demandent en grâce, MADAME, de prier Monseigneur de leur donner au plus tôt un ordre, pour se préparer à cet honneur : Ils ont dans la tête d’agréables projets de Fêtes champêtres, qu’ils ne pourraient exécuter, s’ils n’étaient avertis quelque temps auparavant. Celui qui vous adresse leurs prières, ne saurait vous exprimer, MADAME, et le zèle, et la reconnaissance qu’ils ont pour la Princesse du monde la plus spirituelle, et la plus accomplie.

 

 

REMERCIEMENT DE
l’Auteur à Son Altesse Sérénissime Madame la Princesse de Conti.

Sur la bonté qu’elle a eue de faire jouer Mélicerte à Fontainebleau, et de recevoir favorablement ses deux Contes de Fée.

Contre une grande-mère Fée,
Une bergère aimable faite au tour,
Disputa longtemps l’autre jour,
Et la dispute avait l’une et l’autre échauffée.
La jeune disait hautement,
Qu’à votre bonté sans égale,
Les Bergers de Tempé devaient assurément
Le succès de leur Pastorale,
Que cela mettrait du moins un compliment ;
Qu’entreprends-tu folle jeunesse ?
Continua la Fée, et quel aveuglement ?
Toi la remercier ! connais mieux ta faiblesse :
Mes Contes, tu le sais, ont pendant quelque temps
Occupé ma grande Princesse ;
Je veux lui témoigner, dans l’ardeur qui me presse,
Que s’ils lui font plaisirs tous mes voeux sont contents.
Pour mettre fin à leurs querelles,
Je leur fis concevoir, que jusqu’à ce moment
Ne vous ayant donné que quelques bagatelles,
Elles devaient penser plus sérieusement
A faire choix de matières plus belles.
C’est en vain que vous vous flattez,
Leur dis-je, il faut se rendre un peu plus de justice.
Songez à mériter les charmantes bontés
De votre illustre Protectrice.
Ce discours sérieux fit un prompt changement.
L’une et l’autre en ce moment
S’adoucit et reprit sa douceur ordinaire.
Oui, dirent-elles galamment,
Nous suivrons toutes deux cet avis salutaire.
Entre mille projets fameux,
Il n’en est qu’un capable de nous plaire,
Et la Princesse seule est l’illustre matière
Qui peut fournir de ces sujets pompeux.

 

PREFACE

Je ne veux point ici me parer d’un vain titre de gloire. Je suis tout le premier à me rendre justice, et si mon Ouvrage a eu le bonheur de ne pas déplaire à mes Auditeurs, c’est à la mémoire de son premier Auteur que j’en dois tout le succès.
Monsieur de Molière avait commencé Mélicerte : lecteur avide des moindres productions de ce grand homme, je me suis étonné cent fois de ce qu’il n’avait pas donné la dernière main à un Ouvrage dont l’heureux commencement nous promettait une suite aussi parfaite. J’admirais les couleurs avec lesquelles il peignait tous ses caractères et Mélicerte me parut avoir toute l’innocence et toute la pureté que demande la Pastorale. Je fis une sérieuse attention à la grâce de ses expressions, et ce fut dans ces moments que je formai le dessein de la continuer. Ce ne fut pas sans réflexions, et je n’entrepris point la chose en jeune homme : je reconnus la grandeur du péril où je m’exposais, et je n’osai qu’en tremblant hasarder sur le papier une première ébauche. Je sortais de mes études, j’étais jeune, sans lumière, et sans expérience, peu savant dans les règles de l’art, le désir de me distinguer, et quelque peu de naturel, furent les guides de mon génie.
On me blâmera peut-être d’avoir mis en Vers irréguliers ce que Monsieur de Molière avait fait en grands Vers ; je ne l’eusse jamais fait sans les avis de personnes éclairées que je consultai là-dessus, et qui me firent connaître que les Vers libres étant les plus enjoués, étaient plus dans le goût de la Pastorale.
Il était de mon intérêt de faire un Prologue qui m’excusât dans l’esprit de mes Auditeurs, et qui leur fit connaître le respect et la vénération que j’ai toujours eus pour Monsieur de Molière. J’avouerai en tremblant que le troisième Acte est mon ouvrage, et que je l’ai travaillé sans avoir trouvé dans ses papiers ni le moindre fragment, ni la moindre idée. Heureux s’il m’eût laissé quelque projet à exécuter. Tout ce que je pus conjecturer ce fut qu’il avait tiré Mélicerte de l’Histoire de Timarète et de Sésostris, qui est dans Cyrus. Je la lus avec attache, et là-dessus, je traçai mon sujet. J’aurais pu fournir à la carrière, et l’Histoire me donnait cinq Actes complets : mais je m’examinai moi-même, et je connus qu’il valait mieux me rendre supportable dans un seul Acte, que fatigant dans deux autres. J’avoue de bonne foi ma faiblesse. Je ne prétends point défendre ce qui part de ma plume. Je l’expose à la critique et à la délicatesse de mes censeurs. Je ne me pique point d’un entêtement ridicule, mon esprit est encore à former, et je puis dire ici avec Perse :

 

Nec fonte labra prolui caballino
Nec in bicipiti somniasse Parnasso
Memini, ut repente sic Poeta prodirem
.

 

J’ai mêlé dans les Actes quelques Intermèdes qui m’ont paru convenir au sujet. S’ils ont fait du plaisir, c’est à la grâce et à l’agrément des personnes qui les ont exécutés que j’en suis redevable. J’ai la même obligation aux Acteurs qui m’ont bien voulu faire l’honneur de jouer dans ma Pièce, ils s’y sont tous portés avec chaleur ; ils sont entrés dans les caractères qu’ils représentaient ; ils se sont tous ressouvenus de Monsieur de Molière, et ils n’ont rien oublié pour soutenir un ouvrage commencé par un homme, qui a fait l’honneur de leur Théâtre, et dont la mémoire leur est si chère.

 

ACTEURS DU PROLOGUE

APOLLON
MELPOMÈNE, Muse de la Tragédie
THALIE, Muse de la Comédie.

La Scène est sur le Mont Parnasse.

 

[1]

PROLOGUE
SCÈNE PREMIÈRE
MELPOMÈNE, THALIE

 

MELPOMÈNE
Nous voulons d’un zèle semblable
Former un sujet agréable,
Et je soutiens que pour le mieux
Ce doit être un sujet tragique,
Rien n’est plus beau qu’un noble sérieux.

 

THALIE
Et je vous soutiens, moi, qu’il doit être comique.
Qui l’emportera de nous deux ?

 

MELPOMÈNE
Vraiment, vous avez bonne grâce,
D’oser avecque moi faire comparaison :
Pour moi, j’admire votre audace,
Et votre peu de raison.

 

THALIE
Voyons donc, s’il vous plaît, quel est ce haut partage
Qui me met au-dessous de vous ?
Je crois pour moi que l’avantage
Est assez égal entre nous.

 

[2]

MELPOMÈNE
Egal ! ah point du tout ; la seule Mélpomène
Elève des Auteurs fameux,
Dont les Vers grands et pompeux
Sont les nobles enfants de la seconde veine.

 

THALIE
Et c’est donc là ce qui vous rend si vaine ?
Il est vrai, tous les jours je vous dois admirer.
Je l’avoue, et veux bien le dire ;
Mais demeurant d’accord que vous faites pleurer,
Convenez avec moi que je sais faire rire.

 

MELPOMÈNE
Vous avez ce talent, ma soeur ;
Mais c’est une chose facile
De faire rire l ‘auditeur.

 

THALIE
Et je le soutiens, moi, c’est le plus difficile.
A des sujets touchants on le voit compatir.
On peut facilement exciter la tendresse ;
Mais il faut travailler avec délicatesse
Lorsque l’on veut le divertir.

 

MELPOMÈNE
Apollon qui paraît peut de notre dispute
Décider en un seul moment.
En voulez-vous subir le jugement ?

 

THALIE
Oui, je consens qu’ainsi la chose s’exécute.

 

MELPOMÈNE
C’est assez, vous allez avoir contentement.

 

[3]

SCÈNE II

 

APOLLON, MELPOMÈNE, THALIE

 

MELPOMÈNE
Nous attendions au sortir du Parnasse
Que vous vinssiez dans ces beaux lieux.
Apollon, faites-nous la grâce
De nous écouter toutes deux.
Depuis longtemps j’avais en tête
De former un sujet avec quelque agrément
Qui pût donner naissance à quelque fête.
Ma soeur loua mon sentiment
Quand cependant, dans l’ardeur qui me presse,
Je prétends en venir à l’exécution,
Ella a la même intention.
Apollon, faites-lui connaître sa faiblesse,
Et quelle est sa présomption :
Je ne puis souffrir de partage.
Une de nous doit l’emporter,
Et si ma soeur travaille à cet ouvrage,
Je ne veux point lui disputer,
Elle en aura tout l’avantage.
Apollon, décidez, et sans aucun effort,
Thalie y souscrira sans peine.

 

APOLLON
Vous le voulez, Melpomène,
Apprenez que vous avez tort.

 

[4]

THALIE, en la raillant.
Eh bien, ma soeur, est-ce folie,
D’oser avecque vous comparaison.

 

APOLLON
Point de fierté, belle Thalie,
Vous n’avez pas plus de raison.
Ces manière chez vous devraient être bannies,
Et ne devez-vous pas être toujours unies ?

 

MELPOMÈNE
C’est l’unique sujet de mes ressentiments,
Et c’est là ce qui met mon esprit à la gêne.
Pour quelques traits plaisants que produira sa veine,
On oubliera soudain mes nobles sentiments.

 

THALIE
Ma soeur, sans prétendre médire,
Ni vous imputer des défauts,
N’est-il pas vrai que nous entendons dire,
Voilà des Vers qui sont fort beaux !
Mais nous aimerions mieux rire.

 

APOLLON
Votre intérêt est le nôtre ;
Sans vouloir ici vous fâcher,
Vous n’avez ni l’une ni l’autre,
A parler entre nous, rien à vous reprocher.

 

MELPOMÈNE
Si ma soeur était plus sage,
Nous traiterions certain petit ouvrage….
Mais non, elle a peu de solidité.

 

THALIE
Si vous vouliez, nous pourrions faire ensemble
Certain sujet de qui la nouveauté…
Mais non pour cela ce me semble,
Vous avez trop de gravité.

 

[5]

APOLLON
Eh bien, voyons, Melpomène et Thalie,
N’est-il point quelque moyen,
De joindre au sérieux quelque peu de folie ?
Cela serait assez bien.

 

MELPOMÈNE
J’ai fait choix d’un sujet où Molière a fait naître
Les Grâces et l’enjouement
Qu’exige le style champêtre,
Et ceux qui sauront s’y connaître
Y trouveront de l’agrément,
C’est…

 

APOLLON
Quoi, dites donc promptement.

 

MELPOMÈNE
Une Pastorale Héroïque.

 

APOLLON
Oh tant pis, là-dessus je crains le jugement
De l’auditeur-satirique
On ne veut présentement
Que ce qui réveille, et qui pique :
C’est s’exposer à des dangers,
Que de remettre sur la Scène
Des Bergères et des Bergers :
Cela me fait trembler, ma chère Melpomène.
On ne veut plus voir sous l’ormeau
L’agréable Berger Tityre,
Chanter sur son chalumeau,
Et conter aux Echos son amoureux martyre :
Nous ne sommes plus au temps
De Théocrite et de Virgile.
Pour rendre enfin les spectateurs contents
A leur goût formez votre style,

On ne chante plus d’Amarille.

 

[6]

MELPOMÈNE
Vous faites là trop de difficultés,
On a trop de délicatesse
Pour ne pas goûter une Pièce,
Où peut-être on pourra trouver quelques beautés.
D’un sujet engageant je ne crains point la perte,
Pour vous tirer de votre erreur,
C’est Myrtil et Mélicerte.

 

THALIE, étonnée.
Ah Dieux ! vous me volez, ma soeur,
C’est là votre sujet ? ma surprise est extrême.
Je voulais travailler au même.

 

APOLLON
Travaillez-y toutes deux.
Dans cette sorte de Poème,
On peut fort bien mêler comique et sérieux.
Cela n’en sera que mieux ;
Ecoutez-moi l’une et l’autre,
Je vais parler de bonne foi.
Les grands Vers feront votre emploi,
Les enjoués feront le vôtre.
Voilà, sans doute, un grand dessein,
Et cette idée est très parfaite.
Mais avez-vous quelqu’un en main
Qui puisse exécuter…

 

THALIE
Je connais un Poète
Qui de son savoir n’est pas vain.
Il est capable d’entreprendre,
Si je lui conseille, un dessein si hardi.

 

APOLLON
C’est-à-dire, à vous entendre,
Que c’est un petit étourdi,
Qui suit le feu de sa jeunesse.

 

[7]

MELPOMÈNE
Il voudrait achever la pièce ?
Un tel dessein pour lui me fait trembler de peur :
Travaillez après un Auteur,
Que tout le Parnasse renomme !
Vous avez raison, ma soeur,
C’est là l’action d’un jeune homme.

 

THALIE
Ma soeur, ne raillez pas tant,
Je vous garantis moi qu’il est plus excusable,
Qu’un vieux Auteur qui serait raisonnable,
Et qui voudrait en faire autant.
Apollon, faisons-lui la grâce toute entière :
Il est jeune, il est vrai : prévenons l’auditeur :
Disons-lui que ce jeune Auteur,
Borne tous ses voeux à lui plaire,
Et qu’il en fait tout son bonheur.

 

APOLLON
Pour moi, je ne veux point me mêler de l’affaire.
Je tiens le premier rang dans le sacré vallon ;
Mais le public peut dans cette matière
Avoir meilleur goût qu’Apollon.

 

THALIE
Il faut lui donner du courage :
C’est un auteur naissant qu’il faut favoriser.

 

APOLLON
Ne m’en pressez pas davantage,
Et laissons au Public le soin de l’excuser.

 

Fin du prologue.

 

[8]

PERSONNAGES.

 

AMASIS, Roi d’Egypte
MYRTIL, Amant de Mélicerte.
MÉLICERTE, Jeune Bergère, Amante de Myrtil.
LYCARSIS, Pâtre, cru père de Myrtil.
CORINNE, Confidente de Mélicerte.
MOPSE, Berger, cru Oncle de Mélicerte.
MÉNALQUE, Amant de Daphné.
TYRÈNE, Amant d’Éroxène.
DAPHNÉ, Nymphe.
ÉROXÈNE, Nymphe.
NICANDRE, Berger.
SILVANDRE, Satyre.
CLORIS, Driade.
Troupe de Bergers de la vallée de Tempé.
Troupe d’Egyptiens de la suite d’Amasis.

 

La Scène est en Thessalie, dans la Vallée de Tempé.

 

[9]

MYRTIL
ET
MELICERTE,
PASTORALE HÉROÏQUE,

 

ACTE I

 

SCÈNE PREMIÈRE.

 

MÉNALQUE, TYRÈNE, DAPHNÉ, EROXÈNE.

 

TYRÈNE à Eroxène.

 

Dans les jours précieux de la saison nouvelle
N’est-il pas temps de s’enflammer ?
Eroxène, il n’est point de Berger plus fidèle,
Ni qui sache mieux aimer.

 

[10]

MÉNALQUE à Daphné.
J’ai beau dire en tous lieux, c’est à Daphné la belle,
A qui je veux faire ma cour.
C’est en vain que je dis plus de cent fois le jour,
Qu’on ne voit point aux hameaux d’alentour
D’Amant mieux fait, plus digne d’elle.
Lorsque tu fais ainsi la fière et la cruelle,
J’enrage de son peu d’amour,
Et de te voir si jeune et si belle :
Là, là, nous aurons notre tour.

 

TYRÈNE
De grâce, apprenez-moi, trop cruelle Eroxène,
Quand vous voudrez finir ma peine ?

 

EROXÈNE
Quand vous ne serez plus un Amant langoureux.

 

MÉNALQUE
Elle a raison. Pour moi, je suis toujours joyeux.
N’est-il pas vrai, Daphné, que mon amour fait rire ?
Tu m’aimes bien aussi, j’en suis très sûr.

 

DAPHNÉ
Qui toi ?

 

MÉNALQUE
Oui da moi, pourquoi non ? je te jure ma foi
Que je suis fait d’un air à charmer une belle.
La Bergère la plus cruelle
Ne saurait contre moi tenir un seul moment.

 

DAPHNÉ
C’est mentir bien impunément.

 

MÉNALQUE
En vain tu fais la railleuse,
Examinons toues mes qualités :
J’ai d’abord une humeur joyeuse,
Qui ferait après moi courir mille beautés,
Dans l’humide cristal qui baigne ce rivage
Je me mirais l’autre jour.

 

[11]

J’y regardais mes yeux perçants et pleins d’amour :
Ma taille m’y parut avoir de l’avantage,
Et je me trouvai fait au tour.
Sans faire vanité de mon mérite extrême,
Je te puis assurer ici,
Qu’il n’est point dans Tempé de Nymphe qui ne m’aime :
Ergo, tu dois m’aimer aussi.
Pour moi, je t’aime à la folie,
Non pourtant à perdre l’esprit.
Plus de cent fois je te l’ai dit,
Lorsque je te vois si jolie,
Par ma foi tu me fais envie.

 

DAPHNÉ
Quoi tout de bon ?

 

MÉNALQUE
Oui tout de bon :
Mais si tu veux toujours faire ainsi la cruelle,
Tu banniras je crois au plus tôt la raison,
Que l’on trouvait dans ma cervelle.
Ce serait grand dommage au moins !
Ça, dites-nous un peu, la belle,
Est-ce que nous perdrons nos soins ?

 

DAPHNÉ
Cela se pourrait bien.

 

MÉNALQUE
Tu me parais sincère.

 

DAPHNÉ
Je dis toujours la vérité.

 

MÉNALQUE
Quoi nous ne pourrons point vous plaire ?
Notre amour sera rebuté ?

 

TYRÈNE
Parlez, aimable Eroxène,
Aurez-vous tant de cruauté

 

[12]

Pour votre fidèle Tyrène ?

 

EROXÈNE
Pour Ménalque, Daphné, quel est ton sentiment ?

 

DAPHNÉ
C’est un fol.

 

MÉNALQUE
Grand merci, doux est le compliment.

 

EROXÈNE
Tyrène aime trop tendrement.

 

MÉNALQUE
Le grand défaut !

 

TYRÈNE
Je vous entends, cruelle.
Ce mot seul en dit assez ;
Vous ne reverrez plus un Berger trop fidèle,
Ménalque, allons mourir, nos plaisirs sont passés.

 

MÉNALQUE
Mourir ? peste quelle folie !
Adieu donc, la Nymphe jolie ;
Vous posséder, c’est un doux bien ;
Mais de perdre pour vous la vie,
Par ma foi je n’en ferai rien.

 

SCÈNE II.

 

EROXÈNE, DAPHNÉ.

 

DAPHNÉ
Je respire, m’en voilà quitte ;
Mais c’est avoir trop de sévérité.
Erxène, Tyrène a beaucoup de mérite.
D’ou vient que son amour est de toi rebuté ?

 

[13]

EROXÈNE
Pourquoi Ménalque et toute sa tendresse
N’ont-ils pu fléchir ta rigueur ?

 

DAPHNÉ
Je ne prétends donner mon coeur
Qu’à quelque Amant, dont la sagesse
Lui fasse goûter son bonheur.

 

EROXÈNE
En bonne foi, Daphné, dis-le-moi, je te prie,
Ton coeur est-il à donner ?

 

DAPHNÉ
A donner ! et je suis jolie ;
Fi, cela ne pourrait jamais se pardonner.
Mais toi ma chère Eroxène,
Vois-tu donc tout autre Berger
Avec le même oeil que Tyrène ?
Il est certains moments où la plus inhumaine
Se laisse bientôt engager.

 

EROXÈNE
A ton avis, crois-tu que je sois insensible ?

 

DAPHNÉ
Toi sans amour ? cela n’est pas possible.
Parlons ici de bonne foi :
Chère compagne, nomme-moi,
L’heureux choix qu’amour t’a fait faire.

 

EROXÈNE
J’y consens de très grand coeur ;
Mais, à ton tour, du tien ne me fais pas mystère.

 

DAPHNÉ
Cela s’entend.

 

EROXÈNE
L’objet de ma plus tendre ardeur
Qui possède tout mon coeur,
Et qui si tendrement m’engage,
Est… je ne l’ose dire.

 

[14]

DAPHNÉ
Ah que de badinage !
Tu n’as pas là-dessus raison.
Chère Eroxène, à notre âge
Doit-on faire cette façon ?
Tiens, vois si ce Portrait te paraît agréable,
Il est d’Athis ce peintre inimitable,
Et je trouve pour moi qu’il ressemble si fort,
Tes yeux le connaîtront d’abord.

 

EROXÈNE
Je vais te contenter par une même voie,
Et te payer de pareille monnaie.
Athis, ce Peintre si fameux,
Y renferma les traits de l’objet de mes voeux,
Mais avec cette grâce extrême,
Et ces yeux qui font que je l’aime.

 

DAPHNÉ regardant la boîte de son Portrait.
La boîte que je tiens ici
Ressemble fort à celle-ci.

 

EROXÈNE regardant les deux.
Il est vrai, l’une à l’autre entièrement ressemble,
Il les aura fait faire ensemble.

 

DAPHNÉ
Voyons si cet amas des plus vives couleurs
Fera connaître aux yeux le secret de nos coeurs.

 

EROXÈNE
Voyons si ce brillant ouvrage
Les fera reconnaître au défaut du langage.

 

DAPHNÉ ouvrant son Portrair.
Mais ici tu te brouilles bien:
Au lieu de ton portrait, tu m’as rendu le mien.

 

EROXÈNE
Je ne sais pas comment j’ai fait la chose.

 

DAPHNÉ prenant le portrait d’Eroxène.
Donne, de cette erreur ta rêverie est cause.

 

[15]

EROXÈNE ouvrant son Portrait.
Nous rions toutes deux, je crois.
Tu fais de ces Portraits même chose que moi.

 

DAPHNÉ
T’aurait-il plu, ne veux-tu pas le rendre ?

 

EROXÈNE regardant ensemble leurs portraits.
Voici le vrai moyen de ne plus se méprendre.

 

DAPHNÉ
Ciel ! quel est mon étonnement !
Myrtil à mes regards s’offre dans cet ouvrage,
Et mes yeux l’ont trouvé charmant.

 

EROXÈNE
De Myrtil dans ces traits je rencontre l’image,
Et je l’aime aussi tendrement.

 

DAPHNÉ
Quoique nous soyons Rivales,
Veux-tu suivre mes avis ?
Nos beautés sont assez égales.
Allons-nous déclarer ensemble à Lycarsis,
Du tendre amour que nous donne son fils.

 

EROXÈNE
J’ai peine à concevoir, tant ma surprise est forte,
Comme il est né d’un père de la sorte,
Tout brille en lui, tout enchantelses yeux,
Et pour moi je croirais qu’il sort du sang des Dieux :
Mais je consens à tout, allons trouver ce père,
Allons-lui de nos coeurs découvrir le mystère
Et que Myrtil entre nous deux,
Décide, par son choix, ce combat de nos voeux.

 

DAPHNÉ
Soit. Je le vois avec Mopse et Nicandre ;
Ils pourront le quitter, cachons-nous pour attendre.

 

[16]

SCÈNE III.

 

LYCARSIS, MOPSE, NICANDRE.

 

NICANDRE
Dis-nous donc ta nouvelle.

 

LYCARSIS
Oh, pour la bien conter,
Il ne faut rien précipiter.

 

MOPSE
Que de sottes façons, et que de badinage,
Ménalque en fait-il davantage,
Quand on le veut faire chanter.

 

LYCARSIS
Je me veux mettre un peu sur l’homme d’importance
Jouir pendant un moment
Et vous donner un peu d’impatience.

 

NICANDRE
Veux-tu nous fatiguer tous deux?

 

MOPSE
Prends-tu quelque plaisir à te rendre fâcheux?

 

NICANDRE
Veux-tu nous mettre en colère ?

 

LYCARSIS
Priez-moi donc tous deux de la bonne manière,
Et dites-moi quel don vous me ferez,
Pour obtenir ce que vous désirez.

 

[17]

MOPSE
Crois-moi, laissons-le là, Nicandre,
C’est le faire enrager que de ne le pas entendre.

 

NICANDRE
Voilà pour tes sottes façons.

 

LYCARSIS

Je vais vous la dire.

 

MOPSE
Chansons.

 

LYCARSIS
Vous ne voulez donc pas apprendre ma nouvelle ?

 

NICANDRE
Non.

 

LYCARSIS
Ecoutez.

 

MOPSE
Bagatelle.

 

LYCARSIS
Ne vous tourmentez pas, eh bien,
Je ne dirai donc mot, et vous n’apprendrez rien.

 

MOPSE
Soit.

 

LYCARSIS
Vous ne saurez donc pas qu’avec magnificence,
Ce Roi qui voit le Nil sous son obéissance,
Ce fameux Amasis, de sa haute présence
Doit venir honorer l’agréable Tempé.
Et qu’à le voir je fus tout occupé,
Hier qu’il vint à Larisse
À peu près sur le haut du jour.
Qu’à l’aise je l’y vis avec toute sa Cour !
Qu’il n’est rien que n’éblouisse
Un spectacle si pompeux.
Je regardais de tous mes yeux.

 

[18]

Nos forêts vont jouir de sa vue
Et l’on parle sur sa venue.

 

NICANDRE
Nous ne voulons rien savoir.

 

LYCARSIS
Je vis cent choses-là ravissantes à voir.
Ce ne sont que Seigneurs, qui des pieds à la tête,
Sont parés, comme au jour de Fête :
Ils surprennent la vue, et nos prés au Printemps,
Sont beaucoup moins éclatants.
Pour le Prince entre tous, sans peine on le remarque :
On voit en lui ce grand je ne sais quoi,
Qui fait distinguer un Monarque,
Et fait juger d’abord que c’est un maître Roi.
Sa grâce est, sans mentir, à nulle autre seconde,
Ce qu’il fait charme tout le monde.
On voit que de toutes parts,
Toute sa Cour s’empresse à chercher ses regards.
Ce sont autour de lui confusions plaisantes,
Et l’on dirait de mouches reluisantes,
Qui suivent en tous lieux un doux rayon de miel.
Rien n’est si beau sous le Ciel,
Et la Fête de Pan parmi nous si chérie,
Auprès de ce spectacle est une gueuserie ;
Mais puisque vous parlez si bien,
Ma foi, je ne vous dirai rien.

 

NICANDRE
Nous ne voulons aucunement t’entendre.

 

LYCARSIS
Et moi rien du tout vous apprendre.

 

[19]

SCÈNE IV.

 

ÉROXÈNE, DAPHNÉ, LYCARSIS

 

LYCARSIS
C’est ainsi qu’on punit les gens,
Quand ils font les impertinents.

 

DAPHNÉ.
Le Ciel tienne, Pasteur, vos brebis toujours saines.

 

ÉROXÈNE.
Cérès enrichisse vos plaines.

 

LYCARSIS.
Et que Pan favorable à vos voeux les plus doux
Vous donne au plus tôt un époux ?

 

DAPHNÉ.
Ah! Lycarsis, nos voeux à même but aspirent.

 

ÉROXÈNE.
C’est pour le même objet que nos deux coeurs soupirent.

 

DAPHNÉ.
Celui qui cause nos langueurs,
A pris chez vous le trait dont il blesse nos coeurs.

 

ÉROXÈNE.
Et nous venons chercher votre alliance.

 

LYCARSIS.
Nymphes…

 

DAPHNÉ.
Pour ce bien seul nous poussons des soupirs.

 

ÉROXÈNE.
Qui de nous deux aura la préférence ?

 

[20]

DAPHNÉ.
Contenterez-vous nos désirs ?

 

LYCARSIS.
Oui-da.

 

ÉROXÈNE.
C’est librement expliquer sa pensée.

 

LYCARSIS.
Oh ! non.

 

DAPHNÉ.
La bienséance y semble un peu blessée.

 

LYCARSIS.
Pourquoi ?

 

EROXÈNE.
Mais tel est notre feu,
Qu’il faut vous en faire un aveu.

 

LYCARSIS.
Je…

 

DAPHNÉ.
Cette liberté nous peut être permise,
Et du choix de nos coeurs la beauté l’autorise.

 

LYCARSIS.
C’est m’offenser que me parler ainsi.

 

ÉROXÈNE.
N’affectez point de modestie ici.

 

DAPHNÉ.
Notre bonheur est en votre puissance.

 

ÉROXÈNE.
Vous êtes seul notre unique espérance.

 

DAPHNÉ.
Trouverons-nous en vous quelques difficultés?

 

ÉROXÈNE.
Nos voeux seront-ils rejetés ?

 

LYCARSIS.
Non, j’ai l’âme fort peu cruelle.
Je tiens de feu ma femme, et je me sens comme elle

 

[21]

Pour le prochain beaucoup d’humanité,
Et je ne suis point homme à garder de fierté,
Surtout pour deux beautés aimables,
Qui me disent des mots qui sont si doucereux ;
Oui, Nymphes, nous serons traitables,
Et quand vous le voudrez je remplirai vos voeux.

 

DAPHNÉ.
Accordez donc, Myrtil, à notre amoureux zèle.

 

ÉROXÈNE.
Et qu’il règle notre querelle.

 

LYCARSIS.
Myrtil !

 

DAPHNÉ.
C’est lui que nous voulons.

 

ÉROXÈNE.
De qui pensez-vous donc qu’ici nous vous parlons?

 

LYCARSIS.
Je ne sais, mais il n’est pas dans un âge
Qui soit encor fort propre au mariage.

 

DAPHNÉ.
Il peut briller à d’autres yeux,
Il est d’un âge où l’on sait plaire,
Et peut-être quelque Bergère,
Pourrait nous enlever un bien si précieux,

 

ÉROXÈNE.
Comme par ses heureux talents,
Son grand esprit et son mérite extrême,
Il semble devancer le temps,
Notre amour veut faire de même.

 

LYCARSIS.
Sans doute il surprend quelquefois.
Et cet Athénien qui fut chez moi vingt mois,
S’étant mis dans la fantaisie,
De lui remplir l’esprit de sa philosophie,

 

[22]

L’a rendu tellement profond
Sur de certaines matières
Et donné tant de lumières,
Que tout grand que je suis, souvent il me confond.
Mais avec tout cela ce n’est encore qu’enfance,
Tout ce qu’il fait est mêlé d’innocence.

 

DAPHNÉ.
Il n’est point tant enfant, qu’à le voir chaque jour,
Je ne lui croie un peu d’amour :
Et plus d’une aventure à mes yeux s’est offerte,
Où j’ai connu qu’il aimait Mélicerte.

 

LYCARSIS.
Belles Nymphes, c’est un abus,
Et je n’y vois nulle apparence.
Pour elle passe encor : les filles là-dessus
Ont, comme vous savez, assez d’expérience ;
Mais lui, c’est un jeune éventé,
Le jeu l’occupe tout, je pense,
Et le plaisir de se voir ajusté,
Ainsi que les Bergers de haute qualité.

 

DAPHNÉ.
Enfin, par le noeud d’hyménée :
Avec une pareille ardeur,
Nous prétendons l’unir à notre destinée,
Et nous assurer son coeur.

 

LYCARSIS.
J’en suis ravi plus qu’on ne saurait croire.
Je suis un pauvre Pâtre, et ce m’est trop de gloire,
Que deux Nymphes d’un rang le plus haut du pays,
Se veuillent faire un époux de mon fils.
Puisqu’il vous plaît qu’ainsi la chose s’exécute,
Il règlera votre dispute,
Et celle qu’à l’écart laissera cet arrêt,
Pourra m’épouser, s’il lui plaît.

 

[23]

Enfin, c’est à peu près de même,
Nous sommes même sang et ma tendresse extrême
Fera…

 

ÉROXÈNE.
Vos qualités ont ébloui nos yeux.
Vous avez beaucoup de sagesse,
Myrtil a pour lui la jeunesse.

 

LYCARSIS.
Et c’est ce qui vous plaît le mieux ?
On aime un printemps agréable,
Mais l’Hiver est insupportable.
N’est-il pas vrai ? toujours dans la froide saison,
Nous trouvons des Nymphes cruelles,
Et les tendres faveurs des belles
Ne sont jamais pour un barbon :
Mais j’aperçois Myrtil. Il tient en ce moment
Des fleurs qu’il veut apparemment
Présenter à quelque Bergère.
Voilà son plaisir ordinaire,
Et c’est là, que je crois, tout son attachement.

 

SCÈNE V.

 

MYRTIL, ÉROXÈNE, DAPHNÉ, LYCARSIS.

 

MYRTIL tenant un bouquet.
Brillant amas de nos prairies,
Aimables et jeunes fleurs,
Ne vous offensez pas si je vous ai cueillies ;
Mais redoublez l’éclat de vos couleurs :

 

[24]

Ne regrettez point votre perte,
Votre bonheur fera mille jaloux ;
Et vous le trouverez trop doux,
Quand vous serez auprès de Mélicerte :
Elle vous tiendra dans sa main,
Et de vous mettre auprès de son beau sein
Elle vous fera la grâce ;
Est-il un destin plus charmant ?
Et qui des Rois hélas ! dans cet heureux moment,
Ne voudrait être en votre place?

 

LYCARSIS.
Holà, quittons ce vain amusement,
Parlons ici plus sérieusement,
Ces deux Nymphes, Myrtil, à la fois te prétendent,
Et pour époux te demandent.
Je dois t’engager à leurs voeux,
Par le saint noeud de l’hyménée ;
C’est à toi dans cette journée
A choisir une des deux.

 

MYRTIL.
Ces Nymphes….

 

LYCARSIS.
Oui, des deux tu peux en choisir une;
Vois, Myrtil, quelle est ta fortune.

 

MYRTIL.
Ce choix qui m’est offert peut-il m’être un bonheur,
S’il n’est pas le ch

Le moteur de recherche fonctionne par co-occurence, par exemple, la saisie femmes superstition, affichera uniquement les fiches qui comportent les deux termes, et non toutes les pages qui comportent chacun des termes.