-Loret évoque la fête donnée à Vaux-le-Vicomte par Fouquet et la représentation de L’École des Maris.
Fouquet, dont l’illustre mémoire,
Vivra toujours dans notre Histoire ;
Fouquet, l’amour des beaux Esprits,
Et dont un Roman de grand prix,
Dépeint le mérite sublime
Sous le nom du Grand Cléonime :
Ce Sage, donc, ce Libéral,
Du Roi, Procureur Général,
Et plein de hautes connaissances
Touchant l’État et les Finances,
Lundi dernier, traita la Cour
En son délicieux séjour,
Qui la Maison de Vaux s’appelle,
A mis (je ne le flatte point)
La Peinture en son plus haut point,
Soit par les traits incomparables,
Les inventions admirables,
Et les desseins miraculeux
Dont cet Ouvrier merveilleux
Délicatement représente
L’inclination excellente
De ce sage Seigneur de Vaux,
Qui par ses soins et ses travaux,
Ses nobles instincts, ses lumières,
Et cent qualités singulières,
Se fait aimer en ce bas lieu,
Presque à l’égal d’un demi-Dieu.
J’en pourrais dire davantage ;
Mais à ce charmant Personnage
Les Éloges ne plaisant pas,
Les siens sont, pour lui, sans appas,
Il aime peu que l’on le loue ;
Et, touchant ce sujet, j’avoue
Que l’excellent sieur Pélisson
M’a fait plusieurs fois ma leçon :
Mais comme son rare mérite
Tout mon coeur puissamment excite,
Et que ce sujet m’est très cher,
J’aurais peine à m’en empêcher.
Ici, je passe sous silence
La multitude et l’excellence,
Et, même, la diversité
Des jets d’eau, dont la quantité
Sont des choses toutes charmantes,
Sont des merveilles surprenantes,
Qui passent tout humain discours ;
Et le Soleil faisant son cours
Dessus et dessous l’Antarctique,
Ne voit rien de si magnifique :
C’est ainsi que me l’ont conté
Diverses Gens de qualité.
Mais pour dire un mot des Régales
Qu’il fit aux Personnes Royales [la Reine d’Angleterre,]
Dans cette superbe Maison [Monsieur.]
Admirable en toute saison ; [Madame.]
Après qu’on eut de plusieurs Tables
Desservi cents mets délectables
Tous confits en friands appas,
Qu’ici ne je ne dénombre pas :
Outre concerts et mélodie,
Il leur donna la Comédie ;
Savoir l’École des Maris,
Charme (à présent) de tout Paris,
Pièce nouvelle et fort prisée,
Que sieur Molière [Molier] a composée,
Sujet si riant et si beau,
Qu’il fallut qu’à Fontainebleau,
Cette Troupe ayant la pratique
Du sérieux et du comique,
Pour Reines et Roi contenter,
L’allât, encor, représenter :
Mais c’est assez sur ce chapitre
Je m’en vais parler d’une Mître.
(Texte saisi par David Chataignier à partir du Tome III (années 1659-62) de l’édition de Ch.-L. Livet de 1878, Paris, Daffis éditeur).
– Autres textes concernant la vie théâtrale et musicale selon Loret en 1661