Lettre

::Le Roy, dont la magnificence
Egale la haute puissance,
Dézirant agreablement
Donner un divertissement
A la REINE, que son coeur aime
Aussi tendrement que luy-mesme,
Choizissant le plus bel endroit,
Dit qu’à Versailles on iroit.

Au bout de la plus longue allée,
De feuillages épais voilée,
Prés du parterre aimable & beau,
Devant la porte du Château,
Il fit élever un Téatre,
Suivy de maint Amphitéatre,
Embély de cent agrémens,
Paré de divers ornemens,
D’Architecture, de portiques,
De perspectives magnifiques :
Des espaliers avec des fleurs
De toutes sortes de couleurs,
Dans des vazes de porceléne,
Pour mieux faire éclater la Scéne.

Les plus grands Seigneurs de la Cour,
Avec les Dames, tour-à-tour,
Dans le petit Parc se trouvérent,
Et quelque-temps s’y promenérent.
L’importune & grande chaleur
Cédant la place à la fraîcheur,
Ainsi que Phébus aux étoilles,
La nuit tendit ses sombres voiles,
Mais, pour chasser l’obscurité,
Des lumières en quantité
(Dont quatre mille êtoit le nombre),
Disspérent tout-à-fait l’ombre.

Le ROY, brillant comme un Soleil,
De mesme que luy sans-pareil,
En habit plain de pierrerie,
De galans & de broderie,
D’un air qui n’ût jamais d’égal,
Avec la REINE ouvrit le Bal.
En une semblable justesse,
Ils dansoient avec tant d’adresse
Que leurs mouvemens et leurs pas
Sembloient être faits au compas.
Ensuite, MONSIEUR & MADAME,
Animez d’une égale flâme,
Secondérent Sa MAJESTÉ
Avec beaucoup d’agilité,
Et tous les Seigneurs & les Belles,
Tachans d’imiter ces Modelles,
En un superbe vétement,
Dansérent aussi galamment.

Après le Bal, la Comédie
Divertit bien la Compagnie,
Ouvrage parfait & chéry,
Intitulé le FAVORY,
Compozé de la main sçavante
De cette Personne charmante, *Mademois. Desjardins
Qui dans un beau corps féminin
Enferme un esprit masculin.
La Piéce êtoit entre-coupée
De mainte joviale Entrée
De Balet, d’un habile Acteur,
Et des Scénes de cét Autheur *Le Sr de Molière.
Qui reprézente & qui compoze
Egalement bien Vers & Proze.
Pendant ces divertissémans,
Si doux, si gais & si galans,
On ouyt de l’aimable HILAIRE
La voix mélodieuze & claire,
Qui flatoit l’oreille & le coeur
Du plus délicat Auditeur ;
Les instrumens & la muzique,
Dont le Maître scientifique
Compose des airs ravissans,
Répondoit à ses doux accens.
De VIGARANI les Machines,
Paroissoient des piéces divines,
Et cét excélent Ingénieur
Eut de la gloire & du bon-heur
D’avoir suivy, par son adresse,
Avec tant de délicatesse,
Les ordres & le beau dessein
De nôtre puissant SOUVERAIN.

Après ces chozess surprenantes,
Pompeuzes & divertissantes,
Qui ravissoient l’oeil & l’esprit,
Tous ayans fort bon aprétit,
Le ROY, de sa main agréable
Mena la REINE incomparable
Dans le labyrinte du bois,
Où quatre Tables, à la fois
Parurent, en des formes rondes,
Pour ces Personnes sans sécondes ; *Le Roy, La Reine, Monsieur, Madame.
Et l’on les sceut si bien ranger
Que chacun se voyoit manger.
Par léclat de quatre rangées
De billans lustres éclairées
On se distinguoit, je vous dy,
A minuit comme en plain midy.
On y servit tant de viandes,
Et si rares & si friandes,
Qu’à la Table mesme des Dieux
On n’ût pû jamais être mieux,
Tant pour les ragoûts agréables
Que pour les liqueurs délectables,
Dont la grande profuzion
Passe toute description ;
Si je voulois icy la mettre,
J’en remplirois toute ma lettre.

Les Pages du ROY proprement
Les servoient, & fort promptement.
Au mesme temps, à la mesme heure,
Dans cette Royale demeure,
Trois autres Tables pour Seigneurs
Ducs, Marêchaux & Gouverneurs,
De quarante couverts chacune,
Dans cette Regale commune,
Furent servies amplement
Et toutes magnifiquement.
Violons, Hautsbois & Muzique,
Pendant ce Festin Angélique,
Ajoutans le comble charmant
A ce grand divertissemant,
Avec la grand jour atirérent,
Ou, pour mieux dire, reveillérent
Les Rossignols du fonds des bois,
Qui mêloient leur chant à leurs voix.
La grace & la galanterie,
L’abondance avec l’industrie,
Firent connôitre, sur ma-foy,
Que tout étoit digne d’un ROY.

Après cette Feste si gaye,
On fut à Saitn Germain en Laye
Pour prendre, sans-doute, à propos,
Du sommeil, l’aimable repos ;
Et le Pére de la Lumiére
S’étant caché dans la Riviére,
Soit par dépit ou par raizon,
Parut lors sur nôtre horizon.

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