Les spectacles et la vie de cour dans les Continuateurs de Loret en 1668

Table des matières

Cette page constitue une des composantes de la documentation sur LES SPECTACLES ET LA VIE DE COUR SELON LES GAZETIERS (1659-1674)

Lettre du 1er janvier 1668, par Robinet.

 

-La famille royale et ses plus illustres serviteurs sont à l’honneur dans ces bouts-rimés du premier jour de l’année :

 

 

AU ROI

Grand MONARQUE, qui fais tes plaisirs tu BIVOUAC,
L’Europe, l’Amérique, et l’Asie et l’AFRIQUE
Chantent tes Faits guerriers, je crois, même en MUSIQUE,
Et de tes Ennemis condamnent le MIC-MAC.

 

Tes Soldats, sur leur nez, vont prendre du TABAC,
Et morguer en tous lieux leur fière POLITIQUE,
Que tu réduis à bout par une autre Ru BRIQUE,
Qui les met dans la Flandre et Ab-hoc et AB-HAC.

 

Je les vois tous perdus, la chose est sans REMÈDE ;
Contre Toi leur Rodrigue est un franc GANIMÈDE,
Ou, pour le plus, sans doute, un Marquis à RÉBUS.

 

Quand tu voudras, chez Lui nous mangerons l’ESCLANCHE
Et nous y danserons, comme ici, le DIMANCHE,
Ou la Paix me rendra Prophète de BIBUS.

 

 

 

À LA REINE

MADAME, pour vos Droits, le ROI court au BIVOUAC
Et, pour les maintenir, il irait dans l’AFRIQUE
Faire de ses Canons entendre la MUSIQUE,
Et dissiper enfin tout injuste MIC-MAC.

 

S’il va, comme un Soldat, où fume le TABAC,
S’il est un grand Guerrier comme un grand POLITIQUE,
C’est afin d’appuyer de Thémis la Ru BRIQUE,
Que l’Espagne n’entend et qu’Ab-hoc et qu’AB-HAC.

 

Votre Bien autrement se perdait sans REMÈDE ;
L’Ibère nous croyait plus mols que GANIMÈDE,
Et nos Raisons chez lui passaient pour des RÉBUS.

 

Il présumait en Paix manger toujours l’ESCLANCHE,
Entendre en Castillant, le Sermon, le DIMANCHE,
Et prendre ainsi vos Droits pour des Droits de BIBUS.

 

 

 

À MONSEIGNEUR LE DAUPHIN

Vous avez l’air d’aimer quelque jour le BIVOUAC
Et d’en vouloir tâter, fût-ce même en AFRIQUE ;
Mais parlons à présent de Jeux et de MUSIQUE,
Et laissons-là de Mars le trop affreux MIC-MAC,

 

Vous ne sauriez encor bien souffrir le TABAC,
Non plus que vous montrez le front d’un POLITIQUE ;
L’Amour veut le premier vous montre sa Ru BRIQUE,
Et comme on met les Coeurs et Ab-hoc et AB-HAC.

 

Ah ! que j’en vois déjà de blessés sans REMÈDE,
Car vous êtes plus beau qu’Amour ni GANIMÈDE,
Et ce que je dis-là ne sont point des RÉBUS.

 

Mais, Monsieur PÉRIGNY, jour de Carpe ou d’ESCLANCHE,
Vous fait étudier, et même le DIMANCHE,
Et vous n’écoutez point leurs soupirs de BIBUS.

 

 

 

À MADAME DE FRANCE.

Vous ignorez encor ce que c’est que BIVOUAC,
Ce vous est un Pays inconnu que l’AFRIQUE,
Vos cris sont votre Note et meilleure MUSIQUE
Et vous ne sauriez faire intrigue ni MIC-MAC.

 

Mais, jusques aux Climats qui portent le TABAC,
Vous faîtes raisonner maint et maint POLITIQUE
Qui sur votre Avenir consume sa Ru BRIQUE,
Devinant en ce cas et ab-hoc et AB-HAC.

 

Maints Héros languiront pour Vous, sans nul REMÈDE ;
J’en vois deux néanmoins, plus beaux que GANIMÈDE,
Dignes de vos Appas, et ce n’est point RÉBUS.

 

Mais on a beau manger le Poulet et l’ESCLANCHE
Jusqu’au jour de l’Hymen, soit-ce Fête ou DIMANCHE ;
Vous êtes tous encor des Amants de BIBUS.

 

 

 

À MONSIEUR,

Comme au Bal, vous passez la nuit dans le BIVOUAC,
Et là vous paraissez un Héros de l’AFRIQUE ;
Du seul bruit des Béliers vous aimez la MUSIQUE,
Et vous ne vous plaisez qu’au Martial MIC-MAC ;

 

Vous courez la Tranchée, à l’odeur du TABAC,
Vous montrez tout l’air fier d’un grave POLITIQUE,
Vous bravez les Palais dans un Logis de BRIQUE,
Et ne vous nourrissez et qu’Ab-hoc et qu’AB-HAC ;

 

Vous volez aux Dangers où l’on meurt sans REMÈDE,
Vous rompez en visière à tout mol GANIMÈDE,
Et ne voulez ouïr ni Contes ni RÉBUS ;

 

À peine, en bon Bourgeois, vous tâtez d’une ESCLANCHE
Et prenez linge blanc le saint jour du DIMANCHE,
Et Dieu sait si je tiens des Discours de BIBUS !

 

 

 

À MADAME

Ayant rimé pour Vous tant de fois en BIVOUAC,
Jeune Divinité qui charmeriez l’AFRIQUE,
Agréez qu’en ce Jour, en pareille MUSIQUE,
J’étrenne vos Appas, sans fard et sans MIC-MAC.

 

Mais la Muse s’enfuit au seul mot de TABAC ;
En vain, pour l’arrêter, je mets ma POLITIQUE ;
Votre Nom n’est pas même une bonne Ru BRIQUE ;
Ainsi, je vais rimer et Ab-hoc et AB-HAC.

 

Je voudrais bien pourtant y trouver un REMÈDE,
J’en jure par les Dieux et par leur GANIMÈDE ;
Mais Phébus même ici n’aurait que des RÉBUS.

 

Car que pourrait-il dire à la Rime d’ESCLANCHE,
Lui qui n’en mange point, jour ouvriers ni DIMANCHE ?
Ah ! c’est vous étrenner en Rimes de BIBUS.

 

 

 

À MADEMOISELLE

L’Amour autour de Vous fait déjà le BIVOUAC
Pour garder vos Appas, prônez jusqu’en AFRIQUE,
Qui, feignant d’ignorer des soupirs la MUSIQUE,
Causeront dans les Coeurs un terrible MIC-MAC.

 

Ils sont déjà plus fiers d’un Mars fait au TABAC,
Ils se piquent déjà de fine POLITIQUE,
Ils entendent déjà du Monde la Ru BRIQUE,
Et, bref, tiennent leur Rang, non Ab-hoc et AB-HAC.

 

Les Héros, sous leurs coups, tomberont sans REMÈDE,
Et, fussent-ils encor plus beaux que GANIMÈDE,
Leurs tendres Oime passeront pour RÉBUS.

 

Plus heureux donc cent fois qui mange son ESCLANCHE,
Après la Promenade à Boulogne, un DIMANCHE,
Que vos Amants futurs, à soupirs de BIBUS.

 

 

 

AUX FILLES D’HONNEUR DE LA REINE ET DE MADAME

Vous n’êtes ni de coeur, ni de taille à BIVOUAC,
Et moins à terrasser les Monstres de l’AFRIQUE ;
On créa vos Appas pour le Bal, la MUSIQUE,
Et pour piper les coeurs par leur charmant MIC-MAC.

 

Pour vous plaire, l’Amour jamais ne prend TABAC,
Ni ne montre l’aspect d’un morne POLITIQUE ;
Toujours sur votre humeur, cet Enfant se fa BRIQUE
Et met, avecque vous, tout Ab-hoc et AB-HAC.

 

Ceux que vous voulez perdre, il les perd sans REMÈDE,
Et, fût-ce Adonis même, ou fût-ce GANIMÈDE,
Au gré de vos beaux yeux, il en fait des RÉBUS.

 

Tous vos Mets sont douillets, vous tâtez peu d’ESCLANCHE ;
Vous dansez, vous riez, jour ouvrable et DIMANCHE,
Et vos soucis enfin sont soucis de BIBUS.

 

 

 

AUX COURTISANS

Vous qui suivez LOUIS à Tranchée ou BIVOUAC,
Et qui, dessus ses Pas, marcheriez dans l’AFRIQUE,
Ainsi qu’à ses Ballets, où charme la MUSIQUE,
Courtisans, qui savez l’Intrigue et le MIC-MAC,

 

Et vous, rares Objets, Ennemis du TABAC,
Qui suivez, par amour et non par POLITIQUE,
THÉRÈSE, qui du Ciel sait la sainte Ru BRIQUE,
Et celle de Régner, non Ab-hoc et AB-HAC,

 

Soyez, cet An, exempts de tous Maux sans REMÈDE,
Vivez aussi contents que le beau GANIMÈDE,
Et pour vous divertir, sachez maints bons RÉBUS.

 

Ne mangez qu’Ortolans, au mépris de l’ESLCANCHE,
Masquez, dansez, riez, jour ouvrable et DIMANCHE :
Voilà mes Voeux pour Vous, sont-ce Voeux de BIBUS ?

 

 

 

AUX MINISTRES

Ministres d’un Héros, dont l’on craint le BIVOUAC
Jusques dedans l’Asie et jusques dans l’AFRIQUE,
Où le bruit se répand de sa fière MUSIQUE,
Soyez, pour le servir, unis et sans MIC-MAC.

 

Faites fleurir les Lys, même où croît le TABAC.
Jamais dessous le Ciel on n’a vu POLITIQUE
Dans un Emploi plus digne employer sa Ru BRIQUE
Et mettre avec ardeur tout Ab-hoc et AB-HAC.

 

Ainsi, jusqu’au Croissant, pourra choir sans REMÈDE,
Et nous supprimerons, avec son GANIMÈDE,
Le plaisant Alcoran, tout rempli de RÉBUS.

 

Quel plaisir ce serait de manger là l’ESCLANCHE
Et d’y faire chômer la Fête et le DIMANCHE,
En dépit de Mahom, Prophète de BIBUS !

 

Je ne prendrai pas le soin de me mettre en garde contre la Critique qu’on pourrait faire des douze Préfaces que j’ai mises de cette nature à la tête de mes lettres à MADAME, ni des dix Sonnets suivants, dont je viens à peu de frais, d’étrenner la Cour. Je sais bien ce qu’on en peut dire et ce que je pourrais y répondre, mais le jeu ne vaudrait pas la chandelle. Quoiqu’on ait trouvé quelques-uns de ces Préambules assez beaux, je déclare que je n’ai point prétendu faire assaut de Bouts-rimés avec ceux qui en ont ouvert la Carrière, ni avec les autres qui les y ont heureusement suivis. J’en laisse tout l’honneur à Messieurs de Bensérade, Têtu, Perrin, Marruc, Berthod, Yvelin, de Villiers, de Molière et quelques autres, et je leur proteste que mon dessein a seulement été de satisfaire à mon caprice.

 

 

 

Lettre du 7 janvier 1668, par Robinet.

 

-Après avoir évoqué la reprise sporadique de la guerre en Flandre, Robinet revient sur des divertissements de Cour :

 

Ce Jeudi-là, Veille des Rois,
Où l’on en voit de tout Minois,
Dont l’Empire est dans la Cuisine,
Et qui dans ce jour se termine,
On commença dans notre COUR,
Si brillant et pompeux Séjour,
De rappeler les Ris, la Danse
Et les Banquets pleins d’opulence,
Et l’on préluda par le Bal,
Après un Souper tout Royal ;
Mais, hier, ce fut autre chose,
Et, si ma Lettre n’était close,
Je vous en ferais le narré,
Qui ne vous sera différé
Que jusqu’à l’Octave prochaine,
Où, pour MADAME encor, je rouvrivai ma Veine.

 

 

 

Lettre du 14 janvier 1668, par Robinet.

 

-Nocret a fait un portrait de Madame :

 

Grande Princesse HENRIETTE-ANNE,
Plus éclatante que Diane,
Je vais, par un Destin bien doux,
Écrire aujourd’hui devant Vous
Et donner naissance à mes Charmes,
Grâces au célèbre NOCRET,
Qui m’a fait de votre Portrait
Un incomparable Régale,
Qu’aucun autre Présent n’égale,
Et que, pour moi, j’aime bien plus
Qu’un million de Jacobus.

 

Dieux ! que son illustre Peinture
Sait de près suivre la Nature !
On y croit voir vos propres Yeux ;
Oui, ceux-ci brillent ainsi qu’eux,
Et l’on y découvre une Bouche
Qui peut animer une Souche,
Et qui, certainement, sourit,
Comme la vôtre, avec esprit ;
Votre coloris, qu’on admire
Et qui des beaux Teints a l’empire,
Est copié si bien Ici,
Qu’on dirait de lui-même aussi ;
Vos cheveux, les plus beau du monde,
Qui (soit en Boucle, ou bien par Onde)
Sont autant de Liens d’Amour,
Y semblent plantés à l’entour
D’un Front poli comme l’ivoire
Et tout resplendissant de gloire,
Qui du vôtre est le vrai Pareil ;
Bref, on y voit l’air nonpareil
Qui marque que votre Origine
N’est pas moins que toute divine.
NOCRET ne vous y flatte point,
Mais, à parler franc sur ce Point,
ALTESSE d’un mérite extrême,
On jurerait que c’est vous-même ;
Et je crois devant vous ainsi
Faire la LETTRE que voici.

 

Le Médecin malgré lui joué devant le Roi :

 

Chose promise est chose due,
PRINCESSE en tout si bien pourvue,
Et je débute en cet Écrit
Par le juste et charmant Récit
Des Fêtes et Galanteries
Qui se firent aux Tuileries
Le Jour que l’on consacre aux Rois,
Car je le promis l’autre fois.

 

Le cher MOLIÈRE, avec sa Troupe,
Qui mène pleine Joie en croupe,
Commença ces Ébats des mieux,
Jouant, d’un air un peu sérieux,
Son MÉDECIN bâti par force,
Qui donne la dernière entorse,
Même aux soucis les plus cuisants,
Par mille Rebus fort plaisants
Et des Traits de fine Satire,
Qui, ma foi, feraient aussi rire,
Le Corps Hippocratique entier
De se voir là si bien jouer.

 

Ensuite de ce gai Prélude,
LULLY, qui me tout son étude
À charmer notre puissant ROI,
Qui l’en paie aussi bien, je crois,
Fit, en faveur de ses Oreilles,
Son Concert rempli de merveilles,
Qu’à tant de fois ouï la COUR
Dans les Grottes du beau Séjour
Nommé le Château de Versaille[s],
Où quelques fois j’ai fait ripaille.

 

À la fin de ce grand Concert,
Lequel après ample Dessert
Eût encor mieux valu, sans doute,
L’Intestin, pour lors à l’écoute,
En attendant qu’il fût minuit,
Eut, à son tour, son cher Déduit,
A de vrai Tables de Luculle,
Ou que je brûle comme Hercule ;
Car on ne vit au grand jamais
Si belle quantité de Mets,
Beaucoup plus friands que solides,
Servis par hautes Pyramides,
Ni tant de Vins et de Liqueurs,
Qui de plaisirs comblent les coeurs,
Ni même tant de Politesse,
Ni de Pompe, ni de Richesse,
Car ce Convive si charmant
Se faisait dans l’Appartement
De notre PORTE-DIADÈME,
Plus brillant que l’Olympe même.
Au reste, outre ces deux Beautés,
Qui semblent deux Divinités,
À savoir la REINE et MADAME,
Si parfaites de Corps et d’Âme,
Plusieurs autres mignons Objets
Firent agir leurs rouges Becs,
De la belle et bonne manière,
Dedans cette Chère plénière ;
Puis chacun fut chercher son Lit,
Et par là finit mon Récit.

 

Le lendemain, les Allégresses
Passèrent chez les deux ALTESSES
Qui font un Couple si charmant
Et sont de ma Clion l’Aimant.
L’Assemblée y fut très nombreuse,
Et, bien loin d’être ténébreuse,
Rien ne peut être sous les Cieux
Plus brillants et plus radieux.
Outre les Miroirs et les Lustres,
Et l’Argent poli des Balustres
Qui des Flambeaux, en quantité,
Redoublaient partout la clarté ;
Outre, dis-je, la Pierrerie,
Qui semblait en Astres fleurie
Dessus l’Étoffe des Habits,
Dont pas un n’était de Tabis,
Grand nombre de jeunes Aurores
Et de fraîches et lestes Flores
Y semaient mille et mille Feux
De la Sphère de leurs beaux Yeux,
Sans compter ceux de la DÉESSE
Pour qui je fais rouler la Presse,
Lesquels, comme les nonpareils,
Semblaient là deux petits Soleils,
Dont les Clartés supérieures,
Régentaient avecque raison
Sur cette lucide Horizon.
Or, illec, l’un et l’autre Sexe,
Dont le Féminin l’autre vexe,
Des mieux, dit-on, escarpina [sic]
Et même collationna
De rares Fruits et Confitures,
Et d’autres exquises Pâtures,
De manière que ce Bal-là
A miracle, sans doute alla.

 

Deux jours devant, en ce Lieu même,
Où jamais presque on ne se chême [sic],
Car tout y plaît et tout y rit,
Un rare Concert on ouït
De Clavecin, Théorbe et Viole,
Que jusques au Ciel on extole [sic].
Les Amphions qui les touchaient
Aussi de grands Maîtres étaient ;
C’est MÉLITON, GARNIER, le MOINE
Et RICHARD, Personnage idoine
À toucher l’Orgue, de façon
Que de Lui chacun prend leçon,
Et qu’il n’est Luth, Mandore, ou Lyre,
Sans flatterie on le peut dire,
Qui fasse de plus doux Accords
Qu’en fait, sous ses Doigts, ce grand corps ;
D’où vient qu’en l’Église Saint Jacques,
Sans attendre Noël ni Pâques,
Il se fait quasi tous les jours,
Pour l’ouïr, un fameux Concours,
Des plus Grands même, en Conscience :
Témoin m’est PHILIPPE DE FRANCE
Et sa digne HENRIETTE aussi,
Qui, pleins pour lui d’un beau souci,
Ont été prêter leurs Oreilles
À ses merveilles sans pareilles.

 

 

 

-Un nouvel Immortel :

 

Naguère, en notre ACADÉMIE,
Des Lettres la Savant Amie,
Dont Monseigneur SÉGUIER est Chef
(Que Dieu gard’ du final Méchef !),
D’ANJAU, ce Courtisan illustre, [Maître de Camp du Régiment Royal]
Qui se couvre d’un si beau lustre [et Gouverneur de Touraine.]
Par son Esprit et par son Coeur,
Fut reçu de belle hauteur,
Ayant fait à la Compagnie
Connaître son rare Génie
Par un Discours si délicat
Qu’il valait un Mont d’ir ducat.
Le DIRECTEUR, grand Personnage,
Et le Salomon de notre Âge, [Le Président Salomon.]
Éloquemment y répartit,
Et dit très bien tout ce qu’il dit,
Quoique sans Phrases et sans Verbes
Des Salomoniques [sic] Proverbes ;
Si que de tous ses Auditeurs
Il se fit des Admirateurs.

 

 

 

Lettre du 21 janvier 1668.

 

-Représentation d’Amphitryon devant le roi :

 

En cette Saison, peu sacrée,
Mais toute aux Plaisirs consacrée,
Les Divertissements de Cour
S’y recommencent chaque jour.
Lundi, chez le nonpareil SIRE,
Digne d’étendre son Empire
Dessus toutes les Nations,
On vit les deux AMPHITRYONS,
Ou, si l’on veut, les deux SOSIES,
Qu’on trouve dans les Poésies
Du feu sieur Plaute, franc Latin,
Et que, dans un Français très fin,
Son digne Successeur, MOLIÈRE,
A travesti d’une manière
À faire ébaudir les Esprits,
Durant longtemps, de tout Paris.
Car, depuis un fort beau Prologue,
Qui s’y fait par un Dialogue
De Mercure avecque la Nuit,
Jusqu’à la fin de ce Déduit,
L’aimable enjouement du Comique
Et les beautés de l’Héroïque,
Les Intrigues, les Passions
Et, bref, les Décorations,
Avec des Machines volantes,
Plus que des Astres éclatantes,
Font un Spectacle si charmant
Que j ne doute nullement
Que l’on n’y courre en foule extrême,
Bien par delà la mi-Carême.

 

Je n’ai rien touché des Acteurs,
Mais je vous avertis, Lecteurs,
Qu’ils sont en conche très superbe
(Je puis user de cet Adverbe)
Et que chacun de son Rôlet,
Soit sérieux, ou soit follet,
S’acquitte de la bonne sorte ;
Surtout, ou qu’Astarot m’emporte,
Vous y verrez certaine NUIT
Fort propre à l’amoureux Déduit,
Et de même certaine Alcmène ,
Ou bien sa Remembrance humaine,
Qui vaudrait bien, sans en douter,
Qu’un Remembrant de Jupiter,
Plein de ce feu qui le coeur brûle,
Lui fît un Remembrant d’Hercule.

 

-Le Palais Royal est en fête :

 

Le lendemain, se fit un Bal
Dedans le beau Palais Royal,
Non à Huis clos, mais Porte ouverte,
Où mainte et mainte Troupe alerte,
Vint en Masque, en tant de façons,
Que Callot, dans ses Visions,
Gravant, de son Burin idoine,
La Tentation de Saint Antoine,
A moins fait de divers Portraits
De tous les Diables les plus laids,
Qui furent, d’une humeur fantasque,
Dans son Désert lui faire frasque.
Or, entre ces divers Fredons,
Dont peu portaient des Espadons,
On en vit un, de tous le Maître,
Et qu’on put aisément connaître,
Malgré tout vain Déguisement,
Fredon tout Royal et charmant,
Que nos TÊTES à DIADÈMES
Composaient vraiment Elles-mêmes,
Avecque plusieurs de leur Cour,
Tant en riche que simple Atour.

 

Le ROI, comme maint le proteste,
En Persan, avait une Veste
De qui les enrichissements
N’étaient que de purs Diamants.
La REINE, en Sarmate charmante,
En avait une autre éclatante,
Avec des Parements exquis
De Martres d’élite et de prix :
Et six Paysannes gentilles,
Toutes des meilleures Familles, [Les Filles d’honneur.]
Avec des Habits de brocart,
La suivaient d’un pas frétillard.
L’Amazone, MADEMOISELLE,
Aussi grande qu’une Immortelle,
Parut là, dans un Port plus qu’humain,
Sous un Accoutrement Romain.
Cet autre aimable et jeune Altesse,
Savoir Madame la DUCHESSE,
De Palatine Extraction,
Attirait les Yeux, ce dit-on,
D’un chacun dessus sa Personne,
Aussi brillante que pouponne.
Un jeune AVOCAT la suivait, [Monsieur le Duc.]
Que fort versé l’on tient au Droit,
Et qui, par un très digne zèle,
Ne le pratique que pour Elle.

 

La DUCHESSE, aussi, de BOUILLON,
D’Âme et de Corps Objet mignon,
Et qui fut, dès son plus bas âge,
Si spirituelle et si sage,
S’y fit admirer, sans mentir,
Sachant des mieux se travestir ;
Et le vaillant PRINCE, son Homme,
Pour vous dire la chose en somme,
Avec le Comte et Chevalier, [Le Comte d’Auvergne et le Chevalier de Bouillon.]
Faisait un Momon singulier.
Notre DUCHESSE de CHEVREUSE,
EN Père et Mari bienheureuse,
Et qui, d’ailleurs, ne manque pas
D’Écus, de Vertus et d’Appas,
Et son ÉPOUX, lequel l’adore,
Furent de l’Assemblée encore :
Mais j’ignore certainement
Quel était leur Déguisement.
La noble et charmante SOUBISE,
À qui mainte et mainte Franchise
Est, je pense, offerte en Tribut,
Beaucoup à tout le monde y plût ;
Et point menteurs ne sont mes Carmes,
Car elle a pour plaire maints charmes.
La sage INFANTE de TOUSSI
Ne ravit pas coussi coussi,
Et, dès qu’elle eut levé le Casque
(Non, je voulais dire le Masque),
Chacun, et de loin et de près,
Se recréa sur ses Attraits.
La brune COMTESSE de GUICHE,
À qui Nature fut peu chiche
De ce qui des Coeurs est l’Aimant,
Y parut fort, pareillement.

 

Mais cette Liste il faut conclure,
Pour abréger mon Écriture,
Sans oublier, nenni, nenni,
Ou que de tous je sois honni,
Cette BRESSIENNE admirable,
Qu’on trouva là presque adorable,
Ayant jusques par sus les yeux
Des aimables Présents des Cieux,
Avec une charmante Gorge,
Où des mieux l’Amour fait son orge.
Et SÉVIGNY, bref, est le Nom
De cette Beauté de Renom.

 

Dans le PALAIS des TUILERIES,
Lieu des fines Galanteries,
Le lendemain, le CARNAVAL,
Représenté par d’ESTIVAL,
Avec une nombreuse Suite
De Musiciens, tous d’Élite,
À ravir divertit la Cour,
Par un gai Ballet, à son tour.
Il consistait en sept Entrées,
Qui furent fort considérées,
Mais surtout une, des Plaisirs
Qui flattent les jeunes Désirs,
Où paraissait leur Source même
Dans le GRAND PORTE DIADÈME,
Puisque c’est aux soins glorieux
De ce plus puissant Fils des Dieux
Qu’on doit notre Heur et notre Joie,
Et ces beaux Jours filés de soie.

 

Une, de Masques non follets,
[Le Roi, les Comtes d’Armagnac et de Vaudemont, les Marquis de Villeroy et de Rassan.]
Mais sérieux et des mieux faits,
Pleins de Bravoure et Braverie,
Conduits par la GALANTERIE, [La Galanterie représentée]
Merveilleusement aussi plût, [par Mademoiselle Hilaire.]
Et chacun volontiers dit chût
Lorsque cette aimable Déesse,
Avec une voix charmeresse,
Ses dignes Maximes chanta,
Par qui l’Oreille elle enchanta
Tant de Mâles que des Femelles,
Qui, certes, les trouvèrent belles.
Si vous désirez les savoir,
Vous pourrez aisément les voir
Dans le Cahier ou petit Livre
Qui se vend, je pense, une livre
Chez l’Imprimeur du Roi, BALLARD.
Où vous verrez, de part en part,
Le reste de la Mascarade
Et les beaux Vers de BENSÉRADE,
Qui, des Muses favorisé,
Fait toujours miracle, à son gré.

 

 

Lettre du 28 janvier 1668, par Robinet.

 

-En Flandre, la Faculté progresse… :

 

LA TRANSFUSION DE SANG.

 

De FLANDRE on m’écrit fraîchement
Un merveilleux Événement,
Qui convaincra les Incrédules
(Ou bien, sinon, leurs fièvres mules !)
Sur la TRANSFUSION DU SANG,
Car, comme on sait, chacun se rend
Aux Preuves de l’Expérience
Dans toute sorte de Science.

 

Un certain Penard, tout cassé
Et tout près d’être fricassé
Par la camuse et laide Parque
Qui de Caron peuple la Barque,
Ayant ouï parler, dit-on,
De ladite Transfusion,
Consent qu’un essai l’on en fasse
En sa pâle et sèche carcasse,
Ne hasardant, en un tel coup,
Presque rien, pour gagner beaucoup.

 

La FACULTE de MÉDECINE,
Laissant donc et Casse et Racine,
Tire quatorze onces du sang
D’un jeune Mouton, noir ou blanc,
Et tout chaudement vous l’infuse,
Ou, pour mieux dire, le transfuse
Dans les veines de ce Vieillard,
Dont aussi, raillerie à part,
On avait, dedans des Palettes,
Tiré quatorze onces complètes.
Or, ce bon Homme mutilé
En paraît tout ravitaillé ;
Son teint peu à peu se colore,
Comme au Printemps celui de Flore,
Ses yeux redeviennent brillants ;
En la place des cheveux blancs
Il pousse une perruque blonde,
Ainsi qu’au grand Fallot du Monde ;
Ses dents, bonnes à marmonner,
Alors qu’il soulait rognoner,
Ou bien dire ses Patenôtres,
Quittent les gencives à d’autres,
Qui croissent sans aucun travail,
Comme nacre dans du corail ;
Bref, tous ses Membres rajeunissent
Et tout faiblesse bannissent,
Si bien qu’on le voit frais et beau
Tout comme un jeune Jouvenceau,
Et qu’il fourrage les Pucelles
Dans ses Flammes toutes nouvelles.
Hé bien ! si ce n’est Fiction,
Dites-moi, les Transfusion,
Qui fait telle Métamorphose,
N’est-elle pas quelque grand chose,
Et, Disciples de Saint-Thomas,
Pourrez-vous bien n’y croire pas ?

 

Voilà, certe [sic], une belle Épreuve
Et qui sert d’authentique preuve
Pour convertir le sieur LAMY,
Qui s’est déclaré l’Ennemi
De cette Merveille admirable,
Et qui n’est, je crois, comparable,
Dans ses effets miraculeux,
Qu’à ces Remèdes fabuleux
Dont se servit jadis Médée,
De ses Enchantements aidée,
Au rapport du Poète Nason,
Pour rajeunir le vieil aeson,
J’ai bien voulu dans mon Épître
Enclaver aussi ce Chapitre
En faveur de Monsieur DENIS
(Dont de Dieu les soins soient bénis !)
Contre son susdit Adversaire,
Qui dit quasi lère, lanlère,
Par bonnes ou males raisons,
Des surprenantes guérisons
Qu’il a, par ce beau secret, faites,
De Créatures et de Bêtes.

 

Pourtant, quoique j’aie à l’abord
Fait paraître quelque Transport
En souhaitant les fièvres mules
À tous les Esprits incrédules,
Je ne prétends aucunement
Forcer d’aucun le sentiment,
Et tout ce que je viens d’écrire,
Si l’on veut, n’est rien que pour rire.

 

-Nouvelles littéraires en apostille :

 

APOSTILLE :

 

RIBOU de ce me requérant, [à l’image S. Louis, devant la Ste Chapelle.]
J’avertis que dans sa Boutique,
Où l’on vent maint Livre authentique,
Il va, depuis peu, délivrant
La PASTORALE DE DÉLIE,
Que l’on a trouvé si jolie,
La VEUVE À LA MODE, et GODARD.
Pour divertir Mélancolie,
Allez les acheter, Lecteur, plutôt que tard,
Et, si vous y manquez, vous ferez grand’ folie.

 

 

 

Lettre du 11 février 1668, par Robinet.

 

-Retour sur le tableau de Nocret :

 

Merveilleux et charmant Portrait,
Fameux Ouvrage de NOCRET,
Par qui, comme d’un autre Appelle,
Sa gloire doit être immortelle,
Votre divin ORIGINAL
A, Samedi, donné le Bal,
Dans sa Magnifique Antichambre,
Où l’on ne sent que musc et qu’ambre.
Entre les aimables Objets,
Dont force Coeurs sont les Sujets,
Qu’une Maréchale et Duchesse,
Dame d’Honneur de Son ALTESSE, [Madame la Duchesse du Plessis.]
Et, bref, un Trésor de bontés,
Avait de sa part invités,
On m’a nommé MADEMOISELLE,
D’une prestance auguste et belle,
La jeune PRINCESSE D’HARCOURT,
Qui pare des mieux notre Cour,
La triomphante de SOUBISE,
Qu’un Coeur craint plus que vent de Bise,
Les COASQUIN et CASTELNAUT,
Qui savent ravir comme il faut,
Et SÉVIGNY, de qui la Gorge
De charmes amoureux regorge,
Ainsi que sa Bouche et ses Yeux
Sont les Sources de mille voeux.
Outre ces illustres Personnes,
On vit plusieurs autres Mignonnes
Illec piaffer et briller :
Mais, là ! je n’en saurais parler,
Faute de Relateurs fidèles,
Pour savoir le nom de ces Belles,
Je me ressouviens, toutefois,
A bien supputer par mes doigts,
De deux qu’on m’a dites encore ;
Oui, oui, je me les remémore
Et je ne les oublierai pas :
C’est du LUDRE, dont les Appas,
Depuis les pieds jusqu’à la tête,
Sont assurés de leur Conquête,
Et de FIENNE, qui, Dieu merci,
N’en manque nullement aussi,
Et ce sont deux des quatre Grâces
Qui marchent sur toutes les Traces
De celle qu’ô charmant Portrait,
Vous représentez Trait pour Trait.

 

Or sa belle ALTESSE ROYALE,
Qui nulle part n’a son égale
En beautés d’esprit et de corps,
Qui font en Elle des accords
Tous merveilleux et tous célestes,
Effaçait les Dames plus lestes
Par ses éclatants Ornements
De Perles et de Diamants,
Ainsi que par ses propres Charmes,
Qui sont les plus fatales Armes
Dont l’Amour se puisse servir
Pour les Libertés asservir.
Comme cette PRINCESSE Illustre
Se mettait dedans ce grand lustre,
J’eus l’heur extrême de la voir,
Et j’en parle pour le savoir.
MONSIEUR, heureux de belle sorte,
D’avoir une telle CONSORTE,
Était aussi là, si galant
Et, de pied en cap, si brillant,
Qu’avec ses grâces naturelles
Il enchantait toutes les Belles
Qui, dans ce bel Extérieur,
L’appelaient le CHARMANT MONSIEUR.
Mais, changeant bientôt d’équipage,
Aussi bien comme de visage,
Il s’en va, par ses Faits vaillants,
Effrayer tous les Catalans ;
Et, de l’air qu’en cette Carrière
Agira sa Vertu Guerrière,
Il s’en fera, dans leur frayeur,
Nommer le TERRIBLE MONSIEUR.

 

Au surplus, comme cette Fête,
Sur qui si longtemps je m’arrête,
Se faisait, d’un à l’autre bout,
Pour Mr LE DUC DE MONTMOUTH,
Dont quatre lustres font tout l’âge,
Ce jeune Prince, bien fait, sage
Et plein de bravoure et d’esprit
(C’est ce que tout le Monde en dit),
Y parut de noble manière,
Et, d’une grâce singulière,
Qui ravit, surprit, étonna,
MADAME, sa Tante, mena,
Qui, comme en tout la nompareille,
Figure des Pas à merveille.
Pour le reste des Baladins,
Bien frisés, poudrés et blondins,
On n’en compta pas six à peine,
Outre le charmant de LORRAINE [Le Chevalier.]
Et l’allègre DUC de ROHAN,
Qui danse sans aucun hahan,
Des Courtisans la Foule entière,
Par Émulation guerrière,
Ayant suivi le POTENTAT
Qui, pour l’honneur de son État,
Faisant aux Plaisirs banqueroute,
Du Camp de Mars a pris la route.

 

Ce ROI qui, semblable au Soleil,
Ne saurait trouver son Pareil,
Dans tout l’Univers, sur le Trône,
Devait arriver dans Aussone,
Jeudi dernier, soir ou matin,
Et c’est tout ce que de certain
La Muse aujourd’hui vous peut dire
De cet incomparable SIRE.

 

Amphitryon est joué devant Monsieur et Madame :

 

Je dois encor, par un Chapitre,
Remarquer dans la mienne Épître
Que MONSIEUR le DUC de MONTMOUTH,
Allant aux Spectacles partout
Avecque MONSIEUR et MADAME,
Qu’unit une céleste Trame,
A vu celui d’AMPHITRION,
Qui remplit d’admiration
Et nous fait rire tant que terre,
Comme aussi le FESTIN DE PIERRE
Des grands Acteurs Ausoniens,
Ce qui veut dire Italiens,
Qui, pour toutes malades Rates,
Sont de merveilleux Hippocrates.

 

Laodice, de Thomas Corneille :

 

J’ai vu LAODICE à l’HÔTEL,
Pièce d’un habile Mortel,
Savoir du CADET des CORNEILLES,
De qui les admirables Veilles
Ont, vraiment, toujours mérité
Sur la Scène le PLAUDITE.
Or, foi d’Écrivain véridique,
On voit dans ce grand Dramatique,
Selon mon petit sentiment,
Ce que les Gens de jugement
Cherchent dedans la Tragédie.
On n’y voit point de rapsodie,
Ni de ces faux petits Brillants
Dont on éblouit le bon Sens ;
On y voit sujet et conduite ;
Tout est bien lié dans la Suite ;
Les Caractères sont divers,
Et ce qu’on doit nommer beaux Vers
Se rencontre dans ce Poème,
Digne ainsi d’une gloire extrême.

 

Pour ce qui touche les Acteurs,
Sans que mes Vers soient des flatteurs,
Ils font tous, à leur ordinaire,
Ce qu’il faut pour charmer et plaire,
Et Messieurs les Gens de Paris
Savent fort bien ce que je dis,
Sans que par serment je l’atteste.
Passons donc promptement au reste.

 

-Une historiette qui rappelle des intrigues moliéresques :

 

 

LE MARI MALGRÉ LUI ET QUI NE PENSE PAS L’ÊTRE.

 

Trois Mariages, ce dit-on,
Se sont faits au Pays Breton,
Qui valent bien un autre Conte ;
Il faut que je vous les raconte.

 

Une VEUVE, en ses Revenus
Comptant plus d’Appas que d’Écus,
Et cherchant quelque riche Dupe
Qui voulut donner dans sa Jupe
En vertu du grand Sacrement,
A produit cet Événement.

 

Deux Dames, de ses Confidentes,
Dans ses intérêts fort ardentes,
Pour Elle jetèrent les yeux
Sur un TEL, digne de ses Voeux
Et, qui relevant son Étage,
Pouvait la rendre Dame à Page.

 

Or, pour consommer le Dessein
Qu’elle couvaient sous leur beau sein,
Comme il voyait souvent ces Dames,
Qui sont deux très honnêtes Femmes,
À cette belle Intrigue près,
Et vous l’apprendrez par leurs Faits,
Elles lient une Partie,
Amoureusement assortie,
De la Veuve et dudit Quidam,
Qui, je pense, se nomme Adam,
Et de deux autres Personnages,
Comme elles honnêtes et sages.
Ils vont donc, pour quatre ou cinq jours,
En un village des Contours,
Et là, s’étant un peu coiffées,
L’une des Intrigantes Fées,
Ayant même le verre en main,
Rempli d’un délicieux vin,
Tînt aux autres ce beau langage,
Entre la Poire et le Fromage :
« Pour rendre nos plaisirs plus doux,
» Nous voilà six, marions nous
» Et, nous donnant pleine carrière,
» Sus, faisons la Débauche entière.
» Ce ne sera qu’honnêtement
» Si c’est au nom du Sacrement,
» Et nos Époux, sachant l’Affaire,
» Ne sauraient s’en mettre en colère,
» Car ainsi, du moins je le crois,
» La Corne devient un Saint Bois. »
Sa Compagne approuve son dire
Et chacun y veut bien souscrire,
Notamment le QUIDAM susdit,
Pensant s’ébaudir à crédit
Avec la VEUVE jeune et belle,
Et même presque encore Pucelle.

 

Aussitôt dit, aussitôt fait,
Car, dès le fin Poitron Jaquet,
Un jour ouvrier ou Dimanche,
Ayant le Prêtre dans leur manche,
Ils sont joints par le CONJUNGO,
Et puis eux-mêmes, à gogo,
Se joignent, en forme commune,
Chacun avecque sa chacune,
Et, se donnant le Bal d’Amour
Plus d’une nuit et plus d’un jour,
Dansent, non des Branles d’Espagne,
Ains les beaux Branles de Bretagne.
Mais, après l’amoureux Déduit,
Le Revers de Médaille suit.
Sans respect des Cornes sacrées
Qui devraient être révérées,
Les Maris, prenant dans leur coeur
La Gaillardise au point d’Honneur,
En recherchent à tout outrance
Chez Dame Thémis la vengeance,
Et même Monsieur le QUIDAM,
Qui se voit pris, las ! à son dam,
Demande, avec grand Préambule,
Que son CONJUNGO l’on annule ;
Mais on lui repart sur cela
Que SOLUTUS cum SOLUTA,
Qu’Homme libre avec Femme livre
Fait un Hymen de bon Calibre.
Quand davantage j’en saurai,
De l’écrire je ne faudrai.

 

 

 

Lettre du 18 février 1668, par Robinet.

 

-En cette période précédent le Carême, les divertissements sont nombreux et Laodice du jeune Corneille continue de faire merveille :

 

Samedi, dans son Domicile,
Le plus Royal de cette Ville,
Le concours des Beautés fut grand,
Et des Beautés du plus haut Rang,
Car j’y vis jusqu’à des Duchesses
Et même jusqu’à des Princesses,
Or, tous ces Objets ravissants
Et dessus les Coeurs si puissants
Exposaient tant de rares Cho

Ressources complémentaires

Les spectacles et la vie de cour selon les gazetiers
Chronologie moliéresque
Textes du XVIIe siècle en version intégrale
Textes de Molière en version diplomatique

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