La raillerie est une question souvent débattue dans les textes consacrés au fonctionnement de la société mondaine, notamment par:
– Nicolas Faret, L’Honnête homme, 1630 (1)
– Georges et Madeleine de Scudéry, Artamène ou Le Grand Cyrus, 1656 (2)
– Jean-François Sarasin, « Chanson » (3)
– René Bary, L’Esprit de cour (1665) (4)
(1)
La raillerie est une espèce de discours un peu plus libre que l’ordinaire, et qui a quelque chose de piquant mêlé parmi, dont l’usage est commun entre les plus galants, et n’est pas même aujourd’hui banni d’entre les plus intimes amis de la cour. Si cet usage est raisonnable ou non, c’est une question assez épineuse ce me semble, et assez importante dans notre sujet pour mériter que je m’arrête un peu à l’examiner. […] il semble que d’honnêtes gens, venant à se rencontrer parmi eux, s’acquitteraient fort mal de leur devoir, et manqueraient bien de vivacité, s’ils ne l’employaient à s’entrepicoter de petites railleries, qui ne sont jamais si douces au commencement qu’à la fin elles ne laissent quelque pointe d’aigreur dans l’âme, qui ne s’en arrache pas toujours facilement.
( pp.200-205)
(2)
[…]car j’avoue que je ne trouve point de conversation plus douce, que celle où il y a je ne sais quelle agréable malice mêlée, qui la rend plus divertissante et plus animée : joint qu’à parler véritablement, s’il y a jamais eu une raillerie innocente, c’est celle qu’on fait d’un amant sérieux et grave ; car il est vrai que la galanterie sans enjouement est une si extravagante chose que je ne sais comment on peut trouver mauvais que j’en raille, puisqu’il est certain qu’il ne serait pas plus étrange lorsque le Conseil général de la Grèce est assemblé, de voir danser tous les Amphictions en parlant du bien public que de voir un galant à mine sévère et grave.
(IX, 3, p. 6397)
(3)
Tyrsis, la plupart des amants
Sont des Allemands,
De tant pleurer,
Plaindre, soupirer:
Et se désespérer.
Ce n’est pas là pour brûler de leurs flammes
Le coeur des dames;
Car les Amours
Qui sont des enfants veulent rire toujours.
Il faut pour être un vrai galant,
Etre complaisant,
De belle humeur,
Quelquefois un peu railleur,
Et quelque peu rimeur.
Les doux propos et les chansons gentilles
Gagnent les filles;
Et les Amours
Qui sont enfants veulent chanter toujours.
(oeuvres de Monsieur Sarasin, édition de 1663, p.70)
(4)
TYFON.
Vous riez, et je m’en aperçois bien : mais quelque sensible que je sois à l’humeur qui vous domine, je ne me plains jamais que des railleries grossières.
CARIE.
Un homme qui reçoit de bonne grâce la raillerie ne doit pas être raillé ; et si je vous avais entrepris, je cesserais de vous entreprendre.
(conversation xxiv, p. 204)
Elle est aussi mise en scène dans Le Ballet de la Raillerie(1659) :
Comme le seul titre de ce Ballet suffit pour lui servir d’Argument, la première ouverture du Théâtre expose aux yeux des spectateurs un Portique dans lequel paraît la Poésie Française, qui pour s’adonner à la Raillerie s’étant occupée depuis quelque temps à faire des portraits, en a fait venir la Mode, jusqu’au point que la plupart des gens se raillent d’eux-mêmes: Et dans cette pensée elle vient faire le portrait du Ballet.
( p.3)