La bassesse de ma fortune

« Trop de choses, hélas! condamnent mes feux à un éternel silence. – Eh quoi? – La bassesse de ma fortune, dont il plaît au Ciel de rabattre l’ambition de mon amour, le rang de la princesse, qui met entre elle et mes désirs une distance si fâcheuse, »
Les Amants magnifiques, I, 1

L’inégalité de la fortune rend impossible l’amour entre Aronce, de naissance inconnue, et la princesse Clélie dans la Clélie (1654) des Scudéry (1), interdit celui de Cléandre pour Palmis dans Artamène (1656) des mêmes auteurs (2), ainsi que celui du prince Evandre pour la princesse Carmente dans le roman Carmente (1666) de Mlle Desjardins. Le sage Théocrite, mentor du prince, rassure ce dernier en lui rappelant que l’amour abolit les inégalités (3).

 

 


 

(1)

…je ne serais pas en droit d’espérer de posséder Clélie, quand même il serait possible que cette merveilleuse fille ne me haït point; car puisque Clélius la refuse à Maharbal, qui est d’une naissance très haute, qui est très riche, et qui a la première autorité dans une des premières villes du monde, il la refuserait bien à un malheureux qu’il regarderait toujours comme un ingrat, et qui serait peut-être même regardé de Clélie comme un homme qui chercherait autant à s’enrichir en l’épousant, qu’à se rendre heureux par la seule possession de sa personne.
(vol. I, livre I, p. 226-227)

 

(2)

…cette Fille qui s’appelle Cylenise, et qui est fort bien avec la Princesse, se mettant à rire : mais Madame, lui dit-elle, vous ne voulez donc pas que Cléandre soit amoureux : ou vous voulez qu’il le soit beaucoup au dessus ou beaucoup au dessous de lui : car je vous ai nommé toutes les personnes vers lesquelles raisonnablement en l’état qu’est sa fortune présentement il peut tourner les yeux. Vous avez raison, lui dit la Princesse Palmis en rougissant, mais c’est que je ne cherche pas une Maîtresse de Cléandre proportionnée à sa condition, puis qu’il ne la sait pas lui-même : ni à sa fortune, qui n’est encore que médiocre : mais à sa vertu, qui est fort extraordinaire : et c’est ce qui fait sans doute que je ne devine point qui il aime, parce que je ne trouve rien digne de son affection, parmi toutes celles que vous m’avez nommées : et qu’ainsi je conclus qu’il faut qu’il aime au dessous de lui.
(4e partie, livre 1, p. 72)

 

(3)

J’ai pensé, reprit Théocrite en souriant que, dans le tournoi, tous couraient un même prix, que l’inégalité de la fortune ne se remarquait point en ces occasions, parce que le moindre chevalier pouvait courir contre le plus grand prince : et cela me paraissait assez semblable à ce qu’on voit arriver d’ordinaire dans l’empire de l’Amour. Ce dieu égale ainsi les sceptres et les houlettes, et la seule perfection du feu que l’on ressent fait les heureux ou les misérables. – S’il ne fallait qu’aimer parfaitement pour être heureux, interrompis-je , il y a des misérables de ma connaissance qui ne le seraient pas. – Qu’ils attendent, reprit Théocrite, et ils verront l’expérience de ce que j’ai avancé : car la proposition en est infaillible. Tout homme qui aime parfaitement sera quelque jour parfaitement aimé, pourvu qu’il n’ait pas trouvé le coeur de fa maîtresse préoccupé.
(éd. des Oeuvres de 1720, p. 47)

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