La toute puissance d’amour est un lieu commun d’inspiration platonicienne, présent chez
– Hésiode, Théogonie (1)
– Virgile, Bucoliques (2)
Il est repris ensuite par
– Guarini, Il Pastor fido, 1598 (3)
– Le Tasse, L’Aminta, 1573 (4)
(1)
Au commencement exista le Chaos, puis la Terre à la large poitrine, demeure toujours sûre de tous les Immortels qui habitent le faîte de l’Olympe neigeux ; ensuite le sombre Tartare, placé sous les abîmes de la Terre immense ; enfin l’Amour, le plus beau des dieux, l’Amour, qui amollit les âmes, et, s’emparant du coeur de toutes les divinités et de tous les hommes, triomphe de leur sage volonté.
(120, traduction Bignan (1841)
(2)
« Non illum nostri possunt mutare labores,
nec si frigoribus mediis Hebrumque bibamus,
Sithoniasque niues hiemis subeamus aquosae,
nec si, cum moriens alta liber aret in ulmo,
Aethiopum uersemus ouis sub sidere Cancri.
Omnia uincit Amor: et nos cedamus Amori. »
(X, 64-69)Toutes nos peines ne sauraient fléchir sa rigueur ; non pas même quand au plus fort de l’Hiver on boirait toutes les eaux de l’Hebre, quand on pourrait souffrir les neiges qui s’amassent en la froide saison sur les monts Sithoniens, ou bien quand on paîtrait sur les brebis des Ethiopiens sous les feux de l’Ecrevisse qui dessèchent si fort les grands ormes, que rien ne les peut empêcher de mourir. L’Amour surmonte toute chose : et nous aussi nous cédons à l’Amour.
(traduction de Michel de Marolles, 1649)
(3)
Mira d’intorno, Silvio:
quanto il mondo ha di vago e di gentile,
opra è d’Amore. Amante è il cielo, amante
la terra, amante il mare.
Quella, che là su miri innanzi a l’alba
così leggiadra stella,
ama d’amor anch’ella e del suo figlio
sente le fiamme, ed essa, che ‘nnamora,
innamorata splende.
( acte I, scène 1)Jette ici partout tes regards,
Et vois ce qui de toutes parts
Te divertit et t’environne;
Cette beauté de l’Univers,
Et tous ces ornements divers
Qu’aux désirs des mortels la nature abandonne,
Enfin tout aime dans le monde,
Le Ciel, la Terre et l’Onde.
Et cette étoile que tu vois,
Qui prévient les rayons de la naissante Aurore,
Brûle d’Amour encore.
Elle qui fait aimer les Sujets et les Rois […].
( I, 1, traduction de l’abbé de Torche, 1672)
(4)
[un Dio]
ma tra’ grandi e celesti il più potente,
che fa spesso cader di mano a Marte
la sanguinosa spada, ed a Nettuno
scotitor de la terra il gran tridente,
ed i folgori eterni al sommo Giove.
(Prologo)Celui qui près des murs d’une ville sapée
A fait tomber cent fois l’impitoyable épée
Du grand Dieu des combats, et qui sur ces Autels
Captive les désirs de tous les immortels.
Celui de qui le feu peut éteindre la foudre
Dont Jupiter tonnant met les Palais en poudre,
Qui lui fait traverser malgré tous ses rivaux
La terre sous le nom de divers animaux;
Qui pour Endymion fit descendre la Lune;
Qui fait tomber des mains le trident à Neptune;
Et qui du moindre éclat de ses traits glorieux
De tous les Eléments se rend victorieux.
(adapté en français par Charles de Vion: L’Aminte pastorale, 1648, Prologue)