Le jeu de scène de quiproquo nocturne, donnant lieu à un baisemain mal adressé, avait déjà été mise en oeuvre par la troupe de Molière, dans la comédie de L’Embarras de Godard ou l’Accouchée (1667) de Donneau de Visé, jouée dix-huit fois entre 1667 et 1668 :
CLEANTE, prenant la main de Paquette et la baisant
Oui, ma chère Isabelle,
Je vous aime.
PAQUETTE, bas.
Laissez le galant sans chandelle…
CLEANTE, sentant que Paquette lui serre la main
O douceurs, ô transports qu’on ne peut exprimer !A Isabelle, qui le tire du côté où était Paquette
Laisse-moi là, de grâce, va-t-en rallumer
Ta chandelle.
ISABELLE
Il me prend pour Paquette, sans doute.
(sc. I, p. 6)
Il figurait également, sous une forme légèrement différente, dans le spectacle italien « Le Coeur me fait mal », joué au Palais-Royal durant les années 1660, ainsi que le révèlent les notes de l’Arlequin Biancolelli traduites par Gueulette :
Je fais entrer ma femme et je la suis. Trivelin dit : « Par où est-il sorti ? Diamantine va revenir ». Et entendant marcher et croyant que c’est ma femme, il dit : « viens, ma chère Diamantine, viens que je t’embrasse »; il vient effectivement pour m’embrasser, et voyant qu’il s’est trompé, il s’enfuit.
(éd. D. Gambelli, Arlecchino a Parigi. Lo scenario di Domenico Biancolelli, Rome, Bulzoni, 1993, t. II, p. 170)
Ainsi que dans la comédie des Grisettes (1671) de Champmeslé :
CRISPIN, s’adressant à Griffaut
[…] holà,
Où diable êtes-vous donc, la belle ? Ah, vous voilà !
Digne objet de mes yeux, pour nous prouver ma flamme,
Je vous donne en présent, et mon corps et mon âme,
Dans ma principauté, prêt à vous épouser,
Je veux vous enlever, permettez qu’un baiser…
(Scène dernière, p. 37)