Il faisait des soupirs

« Il faisait des soupirs, de grands élancements,
Et baisait humblement la terre à tous moments. »
Le Tartuffe, I, 5, v. 285-286

Le caractère grimacier du comportement du dévot est un lieu commun qu’on relève

– dans la « Satire première » (1639) de Du Lorens (1)
– dans le traité El dia de fiesta por la mañana(1654) (2)
– dans le pamphlet anti-janséniste d’ Etienne Agard Dechamps, intitulé La Secrète Politique des jansénistes et l’état présent de la Sorbonne de Paris (1667) (3)

 

La dévotion ostentatoire est condamnée dans l’Evangile selon saint Matthieu (4), ainsi que dans certains sermons, à l’exemple des Sermons sur tous les évangiles du Carême (1666) de Claude de Lingendes (5)

 

Elle est fréquemment dénoncée dans la littérature mondaine.

 

Ainsi,

– dans le Nouveau traité de civilité (1671) d’Antoine Courtin (6)
– dans le dialogue « De l’exhortation » (L’Esprit de Cour, 1662) de René Bary (7)
– dans une épigramme du chevalier d’Aceilly ( Nouveau Recueil de diverses poésies du Chevalier d’Aceilly, 1671) (8)

 

 


 

(1)

C’est un plaisir de voir Jeanne qui bigotise
Aller au pas ailleurs, mais au trot à l’Eglise,
Grimacer en priant, le visage étonné,
Et ne point en sortir que midi ait sonné.

 

(2)

El hipocrita, al entrar en el templo, entristece el semblante porque parezca que le duele algo interior ; y de querer el afligirse a si mismo, se aflige de manera que se pone macilento. Echa con mesura humilde la vista por la iglesia y va a hincarse de rodillas donde ve que esta la gente de mejor porte ; alli es donde quiere clavar el engaño […] Mira de hito en hito al altar, y luego, poco a poco, va dejando caer los parpados como que contempla.
[…]
Despues que ha estado de rodillas grande rato delante del altar nuestro hipocrita, para despedirse del, se humilla y besa el suelo […] ponese de extasis, y da unos vaivenes tan sutiles che parece que le menea el aire.
(éd. Cristobal Cuevas García, 1983, p. 153-154)

 

(3)

Ils furent aussi persuadés qu’ils conquêteraient assurément les dames par la modestie et la douceur ; par une manière de prononcer jolie et un peu féminine ; par le langage juste et propre en ses termes ; par les soupirs dévots, par le tour et l’élévation fréquente des yeux vers le Ciel.
( p. 19)

 

(4)

Ainsi, lorsque vous priez, ne faites pas comme les hypocrites, qui affectent de prier en se tenant debout dans les synagogues et dans le coin des rues, afin qu’ils soient vus des hommes. Je vous dis en vérité qu’ils ont déjà reçu leur récompense.
Mais lorsque vous priez, entrez en un lieu retiré de votre maison et, fermant la porte, priez votre Père en secret; et et votre Père qui voit ce qui se passe dans le secret vous rendra la récompense.
(Evangile selon Saint Matthieu, 6, 1-3, Le Nouveau Testament de Notre Seigneur Jésus Christ, trad. Lemaistre de Sacy, 1667, t. I, p. 19)
(voir également « c’est trop de la moitié« )

 

(5)

Le prophète a vu, pour nous apprendre qu’il n’y a presque plus que de la composition dans l’Eglise, qu’il ne faut pas se fonder sur cette foi extérieure, sur ces yeux baissés, sur ces mains levées au Ciel, pour assurer qu’un homme est un parfait chrétien. Ah ! s’il m’était permis d’entrer dans l’âme de tous les dévots et de toutes les dévotes de ce temps, je reconnaîtrais bien qu’il n’y a presque rien de solide.
[…]
Il n’y a presque plus de véritable vertu, plus de sincérité dans la religion, plus de fidélité pour Dieu. II y a de la dissimulation partout, et on couvre d’une infâme hypocrisie les plus grands vices, l’indévotion, la haine, l’ambition, la vengeance, l’avarice, les sales pensées, les impiétés, les perfidies, et les sacrilèges.
(Sermon « Contre les insolents profanateurs des églises », p. 42)

 

(6)

Il ne faut point grimacer en priant Dieu, ni dire ses prières d’un ton haut, ni parler et s’entretenir avec quelqu’un, de peur de détourner les autres.
(éd. de 1728, p. 153)

 

Il faut éviter encore deux autres défauts, un certain air étudié, mystérieux ou grimacier, tel, par exemple, que nous voyons dans certains dévots, dont les uns roulent les yeux dans la tête, font des contorsions de la bouche, font de gros soupirs et de grands hélas, de grandes gesticulations de la tête et des mains, croyant par là signaler leur zèle, quoiqu’ils le feraient peut-être encore mieux sans cela.
( p. 335)

 

(7)

LE PRELAT :
Oh que c’est être ignorant en la science de bien vivre que d’attacher le salut aux apparences ! Dieu ne se soucie pas qu’on frappe son estomac, il veut qu’on froisse son coeur; Dieu ne se soucie pas qu’on baisse la vue, il veut qu’on mortifie sa chair; Dieu ne se soucie pas qu’on pousse des soupirs, il veut qu’on forme des résolutions.

 

L’ABBÉ :
On peut inférer de ce que j’ai rapporté que la supersition veut des grimaces et qu’encore que les véritables dévotions soient semblables à ces arbres dont les racines sont plus longues que les branches, il faut, pour être estimé dans le monde, faire profession de celles qui ont plus de montre que de solidité, plus d’éclat que de fondement »
(R. Bary, « De l’exhortation », L’Esprit de Cour, p. 82)

 

(8)

Contre un hypocrite

Il nous semble être un coeur sans fiel
A toute heure il se mortifie,
Il a toujours les yeux au Ciel
Et cependant fou qui s’y fie.
( p. 64)

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