Le roi Antigonus, personnage du roman Tarsis et Zélie (1665) de Le Vayer de Boutigny, était lui aussi victime de croyances superstitieuses aux présages, qu’exploitaient certains de ses courtisans (1)
Dans les Considérations politiques sur les coups d’état (1667) de Gabriel Naudé, la superstition est considérée comme le fondement de l’adhésion aux supercheries religieuses (2)
(1)
Toutes ces considérations, dis-je, lui firent croire que c’étaient là de visibles commencements de cette grandeur fatale à la sienne, dont les dieux l’avoient menacé par des songes. Il assembla de nouveau ses Chaldéens ; et leur ayant étalé toutes ses visions, ces gens qui sont, comme je crois vous l’avoir dit, les prophètes ou devins du pays, soit qu’ils fussent corrompus par Alcime, à qui Antigonus s’en était ouvert, comme au capital ennemi d’Ariarate, soit qu’ils en parlassent suivant leurs règles, ils lui déclarèrent que c’était un présage qu’Ariarate, s’il n’y prenait garde, lui ôterait le royaume, dont il transporterait le siège dans les provinces de Cappadoce et de Pont. Pour un aussi grand personnage qu’Antigonus, on peut dire qu’il déférait trop à ces sortes de superstitions. Il en parla à Démétrius, qui n’en tint aucun compte ; et comme il cherchait quelqu’un pour lui complaire dans cette faiblesse, le malheur d’Ariarate voulut qu’il prît d’Alcime conseil de ce qu’il devait faire. Celui-ci, qui cherchait, à quelque prix que ce fût, toute sorte d’occasions de perdre le prince, se prévalut de son mieux de celle-ci.
(éd. de 1720, t. II, p. 104)
(2)
Nulla si quidem res efficacius multitudinem movet quàm superstitie. ( Q. Curt. 1. 4.) Et en effet ç’a toujours été le premier masque que l’on a donné a toutes les ruses et tromperies pratiques aux trois différences de vie, auxquelles nous avons déja dit, que l’on pouvait rapporter les coups d’état. Car pour ce qui est de la monastique, nous avons l’exemple dans saint Jérôme (Epist. 13. lib. 2.) de ces vieux moines de la Thébaïde, qui feignent des monstres et démons qui se battent contre eux, pour persuader leurs miracles aux idiots et au menu peuple, et pour acquérir du bien. A quoi nous pouvons rapporter la tromperie que firent les prêtres du Dieu Canopus pour le rendre supérieur au feu qui était le Dieu des Perses ; l’invention du Chevalier Romain Monde, pour jouir de la belle Pauline sous le nom d’Esculape, les visions supposées des Jacobins de Berne, et les fausses apparitions des cordeliers d’Orléans, qui sont toutes trop communes et triviales pour en faire ici un plus long récit. Que si l’on doute qu’il ne se commette un pareil abus dans l’économie, il ne faut que lire ce que Rabby Moses écrit des prêtres de l’idole Thamuz ou Adonis, qui pour augmenter leurs offrandes le faisaient bien souvent pleurer sur les iniquités du peuple, mais avec des larmes de plomb fondu, au moyen d’un feu qu’ils allumaient derrière son image; et certes il n »y aura plus d’occasion d’en d’en douter , après avoir lu dans le dernier chapitre de Daniel, comme en couvrant de cendres le pavé de la chapelle de l’idole Bel, il découvrit que les prêtres avec leurs femmes et enfants venaient enlever de nuit par des conduits souterrains tout ce que le pauvre peuple abusé croyait être mangé par ce Dieu qu’ils adoraient sous la figure d’un dragon.
( p. 2545-246)