Discourir des choses et non pas des mots

« Puisqu’on doit discourir des choses et non pas des mots, et que la plupart des contrariétés viennent de ne se pas entendre et d’envelopper dans un même mot des choses opposées »
Le Tartuffe, Préface

Ce lieu commun philosophique avait été énoncé à plusieurs reprises dans la Logique de Port-Royal (1662) (1).

 

Mais on le retrouvait également

– dans un traité de vulgarisation de la philosophie aristotélicienne tel que La Philosophie divisée en cinq parties (seconde édition augmentée, 1664) de Louis de Lesclache (2)
– dans deux écrits de La Mothe le Vayer
– * les Considérations sur l’éloquence française de ce temps (1638) (3)
– * la Prose chagrine (1661) (4)

 

 


 

(1)

CHAPITRE IX
D’une autre cause qui met de la confusion dans nos pensées et dans nos discours, qui est que nous les attachons à des mots

[…] La nécessité que nous avons d’user de signes extérieurs pour nous faire d’entendre, fait que nous attachons tellement nos idées aux mots, que souvent nous considérons plus les mots que les choses.
(A. Arnauld, P. Nicole, La Logique ou l’Art de penser, Paris, C. Savreux, 1662, p. 90-91)

 

CHAPITRE X
Du remède à la confusion qui naît dans nos pensées et dans nos discours de la confusion des mots; où il est parlé de la nécessité et de l’utilité de définir les noms dont on se sert et de la différence de la définition des choses avec la définition des noms
[…]
Il y a deux grands abus qui se commettent sur ce sujet dans la philosophie commune. Le premier est de confondre la définition de la chose avec la définition du nom, et d’attribuer à la première ce qui ne convient qu’à la dernière.
[…]
Le second abus est que, ne se servant presque jamais de définition de noms, pour en ôter l’obscurité et les fixer à de certaines idées désignées clairement, ils les laissent dans leur confusion; d’où il arrive que la plupart de leurs disputes ne sont que des disputes de mots.
( p. 101-102)

 

CHAPITRE XII
D’une autre sorte de définition de noms, par lesquels on marque ce qu’il signifient dans l’usage
[…]
C’est pourquoi quand on n’a pas dessein de faire connaître simplement en quel sens on prend un mot, mais qu’on prétend expliquer celui auquel il est communément pris, les définitions qu’on en donne ne sont nullement arbitraires, mais elles sont liées et astreintes à représenter non la vérité des choses, mais la vérité de l’usage, c’est-à-dire si elles ne joignent pas aux sons les mêmes idées qui y sont jointes par l’usage ordinaire de ceux qui s’en servent. Et c’est ce qui fait voir aussi que ces définitions ne sont nullement incontestables, puisque l’on dispute tous les jours de la signification que l’usage donne aux termes.
( p. 110)

 

(2)

Comme les philosophes disputent souvent du nom plutôt que de la chose qu’il signifie, et qu’il faut ôter les équivoques des mots pour éviter l’erreur qui en pourrait naître, il faut ôter l’équivoque du mot de syllogisme pour accorder les opinions de ceux qui demandent si la conclusion est de son essence.
(p. 374)

 

(3)

C’est une chose certaine que les philosophes anciens qui ont exercé de si grandes animosités les uns contre les autres, étaient ordinairement plus en différend pour les mots que pour les matières.
(Oeuvres, 1756, II, 1, p. 220)

 

(4)

une ruse de sophiste de pointer incessamment sur les termes, sans se soucier de la chose dont il était question.
(Oeuvres, 1756, III, 1, p. 300)

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