Cette jeune veuve

« …l’amour que je sens pour cette jeune veuve »
Le Misanthrope, I, 1, v. 225

Le statut de veuve, dans la littérature des années 1660, porte avec lui l’idée d’une autonomie, en particulier en matière amoureuse. On le voit par exemple

– dans L’Académie des femmes de Chappuzeau (1661) (1)
– dans la correspondance de Mme de Sévigné (2).
– dans Le Bourgeois gentilhomme (« vous êtes veuve »)

 

Veuvage et galanterie sont donc souvent étroitement associés. C’est le cas

– dans le Portrait naïf d’une illustre et belle veuve du recueil La Muse coquette de 1665 (3)
– dans L’Esprit de cour de René Bary (4)
– dans « La Mascarade d’amour » de Charles Sorel (5)
– dans la fable « La jeune veuve » (1668) de La Fontaine (6).

 

 


 

(1)

Que l’on les émancipe et, si l’on veut, j’approuve
Que chacune à vingt ans ait le brevet de veuve,
Qu’elle soit sa maîtresse et suive son humeur
Et ne dépende plus d’un père ou d’un tuteur
(Chappuzeau, L’Académie des femmes, 1661, III, 3, p. 40)

 

(2)

Pour les jeunes veuves, elles ne sont guère à plaindre ; elles seront bien heureuses d’être leurs maîtresses.
(Sévigné, 12. 7. 90)
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(3)

Portrait naïf d’une illustre et belle veuve
Je veux peindre en mes vers d’une plume charmante
L’adorable beauté de l’illustre Amarante […]
Hymen qui joint les coeurs par des liens si doux,
Favorable à ses voeux, lui choisit un époux,
De qui les qualités et la haute noblesse
Auraient pu contenter le coeur d’une déesse.
A peine eût-elle appris ce que c’était qu’amour,
Que la mort, dans ses bras, le vint priver du jour,
Et l’on vit Amarante, au printemps de son âge,
Prendre avec le deuil les ennuis d’un veuvage,
Qui malgré ses appas, et la fleur de ses ans,
Durent dedans son âme et dureront longtemps.
Sous son voile lugubre où règne la tristesse,
Amour ne laisse pas d’y triompher sans cesse :
Car comme ses attraits charment toute la Cour,
Se faut-il étonner s’ils retiennent l’Amour ?
En effet il n’est rien dans ses yeux qui n’enflamme,
Mais si son corps est beau, bien plus belle est son âme ;
Ses brillantes vertus jettent plus de rayons
Que n’en jette du ciel, l’astre que nous voyons […].
(La Muse coquette, Seconde partie, 1665, p. 7-8)

 

(4)

DORIMENE :
Quel personnage jouerai-je à la Cour ? aurai-je bonne grâce d’y souffrir les galants ?

 

POLYMONDE :
Vous feriez votre cour, et on vous la ferait, et je me persuade qu’on ne trouverait pas étrange qu’une jeune veuve fît encore la jeune fille.
(Bary, L’Esprit de Cour, p. 10)

 

(5)

Vous avez ouï parler d’Amaranthe, cette belle et jeune veuve, qui n’ayant point eu d’enfants et ayant été peu de temps mariée, est souvent mise au rang des filles
(Sorel, « Mascarade d’amour », Oeuvres diverses, 1663, p. 58)

 

(6)

La jeune veuve
La perte d’un époux ne va point sans soupirs
On fait beaucoup de bruit, et puis on se console.
Sur les ailes du temps la tristesse s’envole ;
Le Temps ramène les plaisirs.
Entre la veuve d’une année
Et la veuve d’une journée,
La différence est grande : on ne croirait jamais
Que ce fût la même personne.
L’une fait fuir les gens, l’autre a mille attraits.
[…]
L’époux d’une jeune beauté
Partait pour l’autre monde. […]
La belle avait un père, homme prudent et sage,
Il laissa le torrent couler.
A la fin pour la consoler,
Ma fille, lui dit-il, c’est trop verser de larmes […]
[…] après certain temps, souffrez qu’on vous propose
Un époux beau, bien fait, jeune et tout autre chose
Que le défunt. Ah ! dit-elle aussitôt,
Un cloître est l’époux qu’il me faut.
Le père lui laissa digérer sa disgrâce.
Un mois de la sorte se passe.
L’autre mois on l’emploie à changer tous les jours
Quelque chose à l’habit, au linge, à la coiffure,
Le deuil enfin sert de parure,
En attendant d’autres atours.
Toute la bande des amours
Revient au colombier : les jeux, les ris, la danse
Ont aussi leur tour à la fin.
On se plonge soir et matin

Dans la fontaine de jouvence.
Le père ne craint plus ce défunt tant chéri :
Comme il ne parlait de rien à notre belle ;
Où donc est le jeune mari,
Que vous m’avez promis , dit-elle ?
(La Fontaine, « La jeune veuve », Fables choisies, 1668, VI, 21, p. 282).

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