Tigresse

« Pour n’effaroucher point son humeur de tigresse,
Il me faut manier la chose avec adresse »
La Princesse d’Elide, I, 2 (v. 245-246)

 

« Ha! cruelle.- Coeur dur, – Tigresse, – Inexorable »
La Pastorale comique, scène 13

 

« On voit cent belles ici
Auprès de qui je m’empresse:
à leur vouer ma tendresse
Je mets mon plus doux souci;
Mais, lors que l’on est tigresse,
Ma foi! je suis tigre aussi. »
Le Sicilien, scène 3

 

« Vous devriez à votre tour
Vous contentant d’être comtesse,
Vous dépouiller en ma faveur, d’une peau de tigresse,
Qui couvre vos appas, la nuit comme le jour. »
La Comtesse d’Escarbagnas, scène 5

 

« Je viens voir si je ne pourrai point adoucir ma tigresse par une sérénade. »
Le Malade imaginaire, Premier intermède

L’usage métaphorique du terme est entré dans le langage courant, au point de faire l’objet d’une mention dans le Dictionnaire de Furetière :

Un amant maltraité accuse sa dame d’être tigresse
(entrée « Tigre »)

 

Il est fréquemment utilisé par les contemporains de Molière pour qualifier la femme résistante aux avances amoureuses :

 

– Paul Scarron, L’Héritier ridicule ou la Dame intéressée (1650)

Je veux suivre un avis au vôtre tout contraire
Et, que je plaise ou non, servir jusqu’à la mort
Cette ingrate beauté de qui dépend mon sort,
Le temps pourra changer son humeur de tigresse
(I, 3)

 

– Paul Scarron, Don Japhet d’Arménie (1653)

[…] Ah, beauté printanière,
Veux-tu me fuir ainsi, comme une bête fière ? […]
Et toi, de ce lion tigresse inséparable
N’auras-tu point pitié d’un amant misérable ?
(II, 4)

 

– Cyrano de Bergerac, Le Pédant joué (1654) :

Si ces aveugles clairvoyants (je veux dire vos yeux, belle tigresse, ces innocents coupables), se publiant, sans dire mot, amis ennemis de l’esclave liberté des hommes, n’avaient contraint volontairement mon génie dans la libre prison de votre sorcière beauté.
(III, 1, p. 78)

 

Artamène ou le Grand Cyrus (1649-1653) des Scudéry

S’il fallait, disait-elle en riant, égorger un homme de ma main, empoisonner quelqu’un, mettre le feu à une ville, et mille autres semblables choses, j’en aurais sans doute horreur, et j’aimerais mieux mourir que d’y penser ; mais Belesis, tant qu’il ne faudra pour faire des malheureux, qu’être un peu inégale, un peu fière, et un peu insensible, je m’y résoudrai sans peine ; et je trouverais sans doute beaucoup plus agréable que l’on me nommât inhumaine, inexorable et cruelle, et même tigresse si vous voulez, que de me venir simplement dire que je serais belle, que je serais aimable, et que je serais charmante.
(V, 3, p. 3271-3272)

 

– une chanson de 1671 :

Ne vous en déplaise
Madame de Rouvroy
Votre jeunesse
N’est pas tigresse
Et vos Lucrèces
Sous votre loi
Se poignardent du bout des doigts
(Chansons historiques et satiriques de la cour de France, 1856, p. 37-38)

 

– La Fontaine, « La Mandragore » :

Le galant donc, près de la forteresse,
Assied son camp, vous investit Lucrèce,
Qui ne manqua de faire la tigresse,
A l’ordinaire, et l’envoya jouer.
Contes et nouvelles en vers, troisième partie, 1671

 

Dans Le Geôlier de soi-même (1656), Thomas Corneille avait exploité comiquement le motif :

Si vous n’avez jamais l’accueil plus amiable,
Vous êtes animal assez insociable.
Soit dit, sans offenser certain air égrillard
Qui dans vos yeux malins se loge quelque part
Mais ils ont beau lancer cette foudre égrillarde,
Quand un coeur est lion, j’ai l’âme léoparde,
Délionnez le vôtre, ou nargue à leurs attraits.
(Th. Corneille, Le Geôlier de soi-même ou Jodelet prince, 1656, p. 44)

Le moteur de recherche fonctionne par co-occurence, par exemple, la saisie femmes superstition, affichera uniquement les fiches qui comportent les deux termes, et non toutes les pages qui comportent chacun des termes.